Nouvelles de Flandre
Protection des Minorités: L'APFF répond aux craintes exprimées en Flandre

Et si 2004 était l'occasion historique d'un sursaut communautaire positif? Les partis formant l'actuel gouvernement ont convenu de mettre au frigo (ou au surgélateur?) les problèmes communautaires jusqu'après les élections régionales de juin prochain. A ce moment-là sera constitué un "forum" où l'on débattra du contentieux communautaire sous ses aspects institutionnels, économiques, sociaux, linguistiques et culturels.

Comme "gouverner c'est prévoir", peut-être pourrait-on, dès aujourd'hui, préparer les esprits à engager les négociations dans une optique résolument nouvelle et avec une bonne volonté qui a trop souvent fait défaut jusqu'ici?

L'APFF pour sa part le réaffirme d'emblée et avec fermeté : elle souhaite que le futur forum aboutisse à une "paix communautaire". Dès l'abord, nous voulons abattre franchement nos cartes sur la table. Notre attitude s'inspire de ce qui est dit dans la Convention-cadre soumise à la signature et à la ratification des pays européens: "La création d'un climat de tolérance et de dialogue est nécessaire pour permettre à la diversité culturelle d'être une source, ainsi qu'un facteur, non de division, mais d'enrichissement pour chaque société."

Nous nous appuyons sur le rapport Nabholz dont les conclusions ont été entérinées par l'Assemblée européenne le 26 septembre 2002 . La résolution 1301 qui en a résulté a été votée à une très large majorité et dit en substance :

Cette résolution, notons-le, offre aux Flamands et aux Francophones une occasion de discuter sans passion et dans un climat de bonne volonté réciproque du contentieux de leurs relations communautaires.

Ceux et celles qui suivent de près notre activité se souviendront qu'à la suite d'une intervention du directeur de l'APFF, Edgar Fonck, au Colloque organisé à Québec par l'Année francophone internationale, une centaine d'intellectuels francophones de vingt pays différents, ont adressé, le 17 juin dernier, une lettre aux parlementaires belges, attirant l'attention de ceux-ci sur la situation anormale faite aux francophones de Flandre. (voir le numéro 24 des "Nouvelles de Flandre" ou notre site internet : www.dmnet.be/ndf)

Réaction flamande

L'Overlegcentrum van Vlaamse Verenigingen (OVV) qui coiffe une cinquantaine d'associations flamandes parmi lesquelles le Davidsfonds, le Liberaal Vlaams Verbond, le Taal Aktiekomitee, la Vereniging Vlaamse Ziekenfondsen, les Vrienden van Zuid-Afrika, a rapidement réagi. Il a adressé à son tour une lettre aux signataires de la lettre du 17 juin et à nos parlementaires. Cette démarche est évidemment importante puisque l'OVV représente, indirectement, des centaines de milliers de Flamands. Le document, dont on trouvera également une copie sur notre site, mérite donc un examen attentif.

Les dirigeants de l'OVV reconnaissent que le Mouvement flamand a réalisé la plupart de ses objectifs. "Ceci a été accompli sans révolution et sans actes de violence. La transformation graduelle de la Belgique d'un Etat central vers un Etat fédéral ou confédéral a été établi par un dialogue paisible" disent-ils, ajoutant: "Le Mouvement flamand n'a certainement pas encore perdu son utilité. Au moins certains pouvoirs doivent encore être transférés du niveau national vers la Flandre et la Wallonie. (…) Nous soutenons cette idée parce que nous sommes convaincus qu'en rapprochant le pouvoir du citoyen, le pouvoir devient plus efficace. Au niveau de l'Union européenne ceci se dénomme la "subsidiarité". Par l'article n° 5 du Traité de la Communauté européenne, ce principe de subsidiarité est même déclaré un des principes fondamentaux de l'Union européenne."

"En outre," poursuit la lettre, "les nouveaux défis du Mouvement flamand ne peuvent être perdus de vue. Ainsi, nous nous inquiétons de la position du Néerlandais en tant que langue officielle dans l'Union européenne élargie".

Activités culturelles

"Ensuite cela vous étonne que les activités culturelles francophones en Flandre ne sont pas soutenues par les autorités flamandes, tandis que la Communauté française de la Belgique ne peut pas subsidier ces activités. Ce principe est aussi valable dans le sens inverse. Des activités néerlandophones en pays francophone de la Belgique ne peuvent être soutenues financièrement par la Communauté flamande, et les autorités francophones ne les subsidieront certainement pas."

Les dirigeants de l'OVV abordent ensuite le problème de l'usage des langues et affirment que l'usage des langues est libre. "Le principe de l'unilinguisme joue uniquement un rôle dans quelques domaines bien précis de la société, notamment les contacts avec le pouvoir public et la justice et les relations entre les employeurs et les employés. Pour le reste l'usage des langues est totalement libre."

"D'ailleurs, l'unilinguisme (limité) de la partie néerlandophone et de la partie francophone de la Belgique fut établie sous la pression des francophones. La base de la législation linguistique actuelle a été créée en 1932. A cette époque les facilités pour les immigrés néerlandophones en Wallonie étaient inexistantes."

Enfin, s'agissant de la Convention-cadre sur la protection des minorités, l'OVV demande aux francophones s'ils envisagent de lancer un appel également à la France étant donné que "contrairement à la Belgique, la France n'a pas encore signé ce Traité. Les Basques, les Bretons, les Corses, les Flamands et d'autres minorités en France apprécieraient certainement votre soutien à cet appel. Il s'agit tout de même simplement du respect de certains droits normaux, comme le droit de développer des activités culturelles dans la langue propre (Basque, Bretonne, Corse, Flamande, etc...), en ayant le soutien financier indispensable de l'administration publique?"

Quelques mises au point

L'OVV craint pour l'avenir du Néerlandais en Europe?

L'APFF estime qu'il faut permettre à nos trois langues et cultures de s'exprimer librement partout en Belgique ; que la Belgique, les Communautés et les Régions doivent défendre les intérêts de nos langues et cultures au niveau européen et international. L'APFF défend l'ensemble des langues européennes et donc aussi la langue néerlandaise. A ce titre, l'APFF fait partie des dix-neuf associations pour la promotion du français et des autres langues européennes qui réclament un "statut des langues dans l'Union européenne" pour sauvegarder la diversité culturelle et linguistique de l'Europe. L'APFF fait également partie du comité de coordination pour la démocratie linguistique en Europe.

La Communauté française n'accepterait pas que soient soutenues des activités en flamand dans le sud du pays?

Faux! Dans une déclaration officielle, Hervé Hasquin, ministre-président de la Communauté française a fait savoir qu'il trouverait "parfaitement légitime que le gouvernement flamand subsidie des associations flamandes en Wallonie." Le ministre a aussi regretté le fait que la Communauté peut subsidier des associations dans n'importe quelle partie du monde, mais ne peut le faire "à 15 km de Bruxelles à l'intention de populations francophones belges!"

L'unilinguisme en Flandre est "limité" et l'usage des langues est totalement libre?

Apparemment, ça ne vaut pas pour le français? Le Taal Aktiekomitee et la Vlaamse Volksbeweging, - deux associations qui font partie de l'OVV - ont été condamnées en octobre 1999 pour avoir violé "les lois garantissant la liberté d'emploi des langues et la liberté de réunion" en créant des incidents, notamment à Gand, lors d'une séance d'Exploration du Monde. Le tribunal a estimé particulièrement "inadmissible le recours à l'intimidation pour imposer à une association culturelle francophone, l'Adac en l'occurrence, l'emploi exclusif du flamand pour ses activités au nord du pays, de même que pour sa publicité". Depuis, Exploration du Monde a quasiment disparu de Flandre pour ne subsister que dans la périphérie et à Renaix. Un exemple parmi tant d'autres des manifestations répétitives orchestrées par des mouvemants flamingants, hostiles à toute présence de notre langue et de notre culture sur le sol flamand!

La base de la législation actuelle a été créée en 1932 et à cette époque les facilités pour les immigrés néerlandophones en Wallonie étaient inexistantes?

La loi de 1932 ne clichait pas définitivement la frontière linguistique. Un recensement décennal était organisé qui comportait un volet linguistique. Si une minorité de 30 % se révélait dans une commune, celle-ci devenait de fait une commune « à facilités linguistiques » (même si cette dénomination n'existait pas à l'époque). Il pouvait donc y avoir une révision du tracé frontalier en fonction de l'évolution des faits linguistiques. Les Flamands ont obtenu la suppression du volet linguistique du recensement décennal. Et la frontière linguistique est aujourd'hui ce que l'on sait...

La France n'a pas signé la Convention-cadre?

Exact! Mais, des 45 pays membres du Conseil de l'Europe, seuls la France, Andorre et la Turquie n'ont pas encore signé la Convention-cadre sur la protection des minorités nationales. Par ailleurs la France a signé en 1999 la Charte européenne des langues régionales ou minoritaires. Ce que la Belgique n'a pas encore fait. Or, c'est un acte important puisque l'objectif essentiel de cette Charte est de protéger les langues régionales ou minoritaires. Celles-ci sont considérées comme constituant le patrimoine culturel européen. Pour la France métropolitaine il s'agit notamment... du basque, du breton, du corse et...du flamand occidental.

Le ministère français de la Culture, que nous avons consulté, nous a affirmé que les associations oeuvrant pour la promotion des langues régionales ou minoritaires peuvent obtenir des subventions de l'Etat français. De plus, le ministre français de la culture a réuni à Paris, en octobre dernier, les premières assises nationales des langues de France!

Conclusions

Insistons-y: une politique réaliste suppose qu'on tienne compte des faits, qu'on discute ceux-ci sans passion et qu'on en tire des conséquences intelligentes et apaisantes pour les parties en présence.

Que les négociateurs futurs entrent dans les lieux où se tiendra le "forum" en laissant au vestiaire le boulet du passé.

La préparation d'un avenir, enfin débarrassé des querelles stériles, passe, selon nous, par la ratification de la Convention-cadre sur la protection des minorités sans porter atteinte à nos dispositions constitutionnelles et à nos lois.

Il est aussi hautement souhaitable de passer entre nos communautés un accord de coopération culturelle. Après quoi il deviendra possible de consacrer le temps politique à mieux gérer les problèmes de notre vie en commun!

 

Marcel BAUWENS  


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