ECOLO

 

Monsieur Edgar FONCK
Directeur

APFF
Spreeuwenlaan, 12
8420 De Haan

 

Namur, le 6 mars 2003

Nos réf.: PhD/jm/03.252

 

Monsieur le Directeur,

 

Votre courrier du 7 février nous est bien parvenu et nous vous remercions pour l'opportunité de nous exprimer sur les questions liées à la francophonie en Flandre que vous nous offrez.

Nous avons le plaisir de vous communiquer nos réponses aux questions que vous nous avez posées.

1) ECOLO se réjouit de l'adoption par le Conseil de l'Europe du rapport et des recommandations de Mme Nabholz sur la protection des minorités en Belgique. En tant que pays fondateur du Conseil de l'Europe, la Belgique se doit également de ratifier la convention cadre sur la protection des minorités attendue depuis 1995 et qu'ECOLO a toujours soutenue. Le cas échéant, la Belgique continuerait à envoyer un signal négatif à destination des pays en démocratie émergente à qui il est instamment demandé de reconnaître leur minorité ; c'est donc là une de ses responsabilités.
La question de défense des minorités dépasse donc la problématique des francophones de la périphérie.
Francophones, néerlandophones ou germanophones de Belgique doivent comprendre que le terme de "minorité" ne peut être considéré péjorativement, mais représente plutôt dans nos sociétés d'énormes atouts pour autant qu'on leur permette d'exercer tous leurs droits.
A l'image des relations privilégiées qu'ECOLO entretient avec AGALEV, les Verts rappellent que le dépassement du clivage communautaire est autant une question de droit que de bonne volonté réciproque.

2) A l'heure actuelle, les Communautés française et flamande ont signé des accords sectoriels dans un certain nombre de secteurs d'activités. Certains ont été conclus entre ministres de l'éducation (sur les échanges linguistiques) ou de la culture (sur le Pavillon de Venise). D'autres font parfois intervenir la Communauté germanophone ainsi que l'Etat fédéral. Citons, par exemple, l'accord de coopération relatif au Fonds national de garantie des bâtiments scolaires conclu le 7 août 1989 (les 3 Communautés et I'Etat), l'accord relatif à la Commission intercommunautaire de contrôle des films du 20 mars 1990 (les 3 Communautés), l'accord concernant l'aide à l'industrie cinématographique du 19 janvier 1990 (les 2 Communautés et l'Etat), l'accord concernant les problèmes d'alcool et de drogue du 9 novembre 1990 (les 3 Communautés), l'accord concernant la pratique sportive dans le respect des impératifs de santé du 9 novembre 1990 (les 3 Communautés), l'accord visant à assurer une restructuration harmonieuse du Fonds national de reclassement social des handicapés du 18 avril 1 991 (les 3 Communautés, la Commission communautaire commune et l'Etat), l'accord créant un Comité consultatif de bioéthique du 15 janvier 1993 (mêmes signataires).

Par contre, les deux grandes Communautés n'ont toujours pas réussi à conclure un accord de coopération global en matière culturelle. Ce n'est pourtant pas faute de négociations. Ainsi, un document a même été rédigé naguère sous les Exécutifs Féaux et Geens. L'ensemble ne demanderait plus pour être débloqué que la solution du litige sur une seule petite phrase de l'exposé des motifs : celle qui a trait à la compétence territoriale ou principe dit de "territorialité".

Or, le 3 octobre 1996, la Cour d'Arbitrage a, dans un très important arrêt, précisé le concept de territorialité, moins absolu que ne le souhaitaient les Flamands. Cet arrêt ouvre une perspective intéressante dans l'argumentation selon laquelle les Communautés pourraient avoir une action de promotion culturelle sur le territoire d'une autre Communauté, à la condition expresse que les effets extra-territoriaux potentiels des mesures ne contrarient pas la politique culturelle de cette autre Communauté. La Cour d'Arbitrage reconnaît ainsi le droit à une communauté de mener des actions de promotion culturelle dont les effets se produiraient dans des zones pour lesquelles elle n'est pas compétente.

Mais, la Cour d'Arbitrage indique des balises claires en précisant que ce droit a des limites - notion qui rejoint une des demandes flamandes - à savoir que ce droit s'arrête là où il contrarie la politique culturelle de l'autre Communauté. C'est donc là - en terrain partagé - que doit impérativement commencer une négociation entre des entités fédérées adultes. L'arrêt de la Cour d'Arbitrage explicite donc fort utilement un droit culturel extra-territorial limité pour les Communautés qui constitue une réponse à la demande récurrente de la Communauté flamande de reconnaissance préalable du principe de territorialité avant tout accord de coopération Nord-Sud.

Pour Ecolo, les Communautés française et flamande se trouvent en situation juridique éclaircie afin de négocier, dans le cadre d'un fédéralisme adulte, un accord de coopération-cadre en matière culturelle, à élargir à la Communauté germanophone. L'objectif doit être de favoriser la promotion culturelle et le droit de chacun à l'épanouissement culturel dans une autre Communauté en veillant à ce que leurs effets ne puissent en aucune manière "contrarier" la politique culturelle de la communauté qui les « reçoit ».

L'accord devrait, par extension, couvrir tous les domaines de l'enseignement, de la recherche, de la culture, de la communication, du sport... avec une commission de coordination pour en assurer le suivi. Entre autres principes généraux, il s'agira de confirmer que chaque Communauté peut participer aux activités organisées par l'autre Communauté de même qu'avoir accès aux infrastructures et aux moyens de formation de celle-ci en se mettant d'accord sur les conditions de participation ou de transferts de flux financiers y liés. Devra être prévue également la possibilité pour les Communautés d'organiser et coordonner dans leurs établissements respectifs, des cours de français et des cours de néerlandais destinés à des personnes appartenant à l'autre Communauté. La coopération devra s'étendre aux échanges d'enseignants de seconde langue, d'élèves et d'étudiants, ou encore à des périodes de travail intégré dans l'autre Communauté. D'autres volets devront s'attacher aux échanges d'information et de fonctionnaires ainsi qu'à la coordination des politiques, dans les cadres fédéral ou européen.

3) Ecolo est disposé à réclamer que les moyens financiers nécessaires soient mis à la disposition des associations culturelles francophones actives en Flandre pour assurer leur survie. Cependant il existe 2 hypothèses. Nous préférons de loin la voie royale que représente l'accord de coopération en matière culturelle. A défaut, nous veillerons à faire en sorte que les initiatives de valorisation culturelle des associations culturelles francophones actives en Flandre soient pérennisées.

4) Nous pensons que la signature d'un accord de coopération en matière culturelle est l'outil le plus à même d'assurer ce maintien.

En restant à votre disposition, nous vous prions d'agréer, Monsieur le Directeur, l'expression de nos meilleurs sentiments.

 

Pour le Secrétariat fédéral,

 

Philippe DEFEYT
Secrétaire fédéral et Porte-parole