Nouvelles de Flandre
Petit tour de l'histoire du français (3/3): Révolution et épopée napoléonienne

Avec la Révolution, un grand nombre de termes anciens tombent en désuétude, comme gabelle, dime, bailliage, qui désignaient des réalités abolies. Un mot nouveau - les contributions - remplace "les impôts": le citoyen contribue au bien commun, il n'est plus imposé. Des départements aux dénominations géographiques (Le Finistère, les Bouches du Rhône...) remplacent les noms des anciennes provinces, comme la Bretagne, la Vendée, le Périgord...

À la fin du dix-huitième siècle, la plus grande partie de la population française comprend le français mais ne le parle pas ni ne l'écrit. Au moins 30% des Français, surtout dans les campagnes, ne parlent que les langues régionales. Sur la base des rapports de l'abbé Grégoire et de Bertrand Barrère, en 1794, une politique linguistique fortement centralisatrice entreprend l'éradication des dialectes, au nom de l'égalité des citoyens et des idées nouvelles: "La Révolution parle français, la réaction et le fanatisme parlent les patois".

La Révolution et la sensibilité romantique

On pourrait dire que le romantisme, qui prend son essor au lendemain de la Révolution de 1789, sera l'équivalent de celle-ci dans les arts et particulièrement en littérature. Les modes bourgeoises triomphent de l'esprit de l'aristocratie.

Cela avait déjà été partiellement le cas, un siècle avant, lors de la Querelle des Anciens et des Modernes: ces derniers - menés par Charles Perrault, Bayle, Fontenelle - l'avaient emporté au nom de la notion de "progrès": certes, les Anciens (Grecs, Romains) avaient réalisé des choses admirables, mais il était faux de prétendre que l'on ne pouvait pas les surpasser.

Le romantisme se met à répandre "l'esprit du nord": le souffle vient maintenant d'Allemagne et d'Angleterre. Ces nations qui n'ont pas connu autrefois la civilisation latine entendent mettre en valeur leur propre passé. En France, on réhabilite l'art que l'on avait décrié et dédaigné jadis en le traitant de barbare. Le chef-d'œuvre romanesque de Victor Hugo - Notre-Dame de Paris - est pour beaucoup dans le retour en grâce de l'"art gothique".

Hugo est né en 1802 et mort en 1885_: sa vie et son œuvre couvrent presque tout le siècle. Ce sera le plus grand auteur romantique français (à côté de Nerval, Lamartine, Musset...)

Dans son théâtre (Hernani, Ruy Blas, Lucrèce Borgia) - le drame romantique ou drame hugolien -&endash; les genres et les langages se mélangent_: on passe du rire aux larmes, comme dans la vie, et d'une langue noble à celle du peuple, à l'argot, etc.

Quand quelqu'un lui dira que "Le déclin du français a commencé en 1789", Hugo demandera: "- À quelle heure, monsieur?"

L'Académie publie au cours du dix-neuvième siècle deux nouvelles éditions de son Dictionnaire (en 1835 et 1878). La première "révolution industrielle" amène avec elle son lot de mots nouveaux, par exemple "le rail": c'est un anglicisme (le chemin de fer s'est d'abord développé en Grande Bretagne), mais c'est aussi un "prêté-rendu": le vieux mot anglo-normand "reille" - du latin regula - désignait tout type de barre droite (une règle).

L'empereur Napoléon III encourage la colonisation et l'expansion françaises en Afrique et en Asie_: Saïgon, en Indochine, prend l'allure d'une ville moderne au cours des années 1870.

Le vingtième et le vingt-et-unième siècle

Au lendemain du premier conflit mondial, Clemenceau doit accepter - pour faire plaisir aux Américains - que le Traité de Versailles comprenne une version en anglais. Le français perd ainsi l'hégémonie diplomatique dont il jouissait depuis le Traité de Rastadt, en 1714.

En France, l'enseignement primaire, gratuit et laïc, est obligatoire depuis la fin du 19e siècle. Tous les petits Français apprennent le français et l'orthographe. En Belgique, il faudra attendre la fin de la guerre de 1914-1918.

Au cours de l'entre-deux-guerres, tout le monde se presse à Paris, capitale des plaisirs, des modes et des arts. Une exposition universelle a lieu en 1937.

Après les bouleversements de la Seconde Guerre mondiale (1940-1945), la France, comme toutes les puissances européennes, devra faire face à la décolonisation, à partir des années 1950 jusqu'au début des années 1960 (guerre d'indépendance algérienne de 1954 à 1962).

En conséquence, une vingtaine de nouveaux États francophones font leur entrée à l'ONU: le français y devient langue de travail, à côté de l'anglais, en 1946. Aujourd'hui, les langues officielles et de travail sont au nombre de six: anglais, arabe, chinois, espagnol, français et russe.

La Francophonie

Le 20 mars 1970, à Niamey, la capitale du Niger, lors d'une conférence internationale, quatre chefs d'État, d'anciennes possessions françaises, établissent les bases de la Francophonie : Habib Bourguiba, de Tunisie, Hamani Diori, du Niger, le prince cambodgien Norodom Sihanouk et le président du Sénégal, Léopold Sédar Senghor. Ce dernier, professeur de français, académicien et poète, dira: "Dans les décombres de la colonisation, nous avons trouvé cet outil merveilleux: la langue française".

L'instruction obligatoire et, peut-être plus encore, le brassage des jeunes soldats pendant les deux guerres mondiales, ont fait énormément progresser l'usage du français en France et en Belgique. Les langues régionales perdent toutes inexorablement du terrain ou sont carrément moribondes.

Les moyens de communications de masse (les mass-médias), les journaux, la radio, le cinéma, la télévision et bientôt Internet et les réseaux sociaux ont accéléré le mouvement. On n'a jamais autant écrit en français que depuis la mondialisation, mais, en même temps, la langue orale reprend le dessus sur l'expression "académique". Les niveaux de langue se confondent, la tendance est à la rapidité, à l'abréviation, aux troncations de mots : cinématographe est devenu cinéma puis ciné qui a donné cinéaste (d'où est sorti vidéaste). Les mots s'usent vite et sont remplacés rapidement: un bal populaire est devenu un dancing jusqu'à ce que l'anglicisme se démode pour être supplanté par discothèque et ensuite par la simple "boite".

L'anglicisation

L'anglo-américain, en tant que langue de communication internationale, touche toutes les langues. Il introduit quotidiennement des expressions et des mots nouveaux véhiculés par les médias dans tous les domaines de l'activité (sciences, finance, commerce, mode, divertissements). Une grande part de ces termes ne vit pas longtemps. En revanche, certains d'entre eux remplacent quelquefois des mots qui existaient en français et qui sont menacés de tomber dans l'oubli: "Je vais checker = Je vais vérifier, regarder". Mais, surtout, les nouveaux anglicismes n'ont plus le temps de s'assimiler au français comme, autrefois, les emprunts à l'italien: crowdfunding reste tel quel, même s'il est mal prononcé, alors que le substitut proposé - le cofinancement - peine à s'imposer.

De nouvelles questions linguistiques

Réforme ou simplification de l'orthographe, féminisation des titres et noms de métier, écriture inclusive, etc. Tous ces sujets font débat et les nouvelles idéologies s'en mêlent sans le moindre tabou, ce qui est très positif.

Le français du vingt-et-unième siècle se transforme, c'est le signe qu'il est toujours plein de vie. Aujourd'hui, c'est une langue utilisée au quotidien par plus de trois-cents millions de personnes sur les cinq continents. Plus du double, dans une trentaine d'années, si l'on en croit les statistiques et les promesses de la démographie. Paris - avec la Région d'Ile-de-France - reste la plus grande agglomération francophone mondiale, mais la République démocratique du Congo, où le français est langue officielle, est le pays francophone le plus peuplé.

Les Alliances françaises partout dans le monde et la Fédération internationale des Professeurs de français œuvrent sans répit à l'enseignement de notre langue, contribuant aussi, de cette manière, au maintien de la diversité linguistique.

À côté des écrivain.e.s d'Europe et d'Amérique du Nord, de plus en plus d'auteur.e.s des Antilles, d'Afrique noire, du Maghreb, du Liban et d'ailleurs publient des chefs-d'œuvre couronnés par de grands prix littéraires, comme le Prix des cinq Continents de la Francophonie.

L'histoire de la langue française se poursuit et est loin d'être terminée. Nous lui souhaitons "Bon vent!"


Robert MASSART

Ce texte applique les recommandations orthographiques de 1990.


Copyright © 1998-2020 A.P.F.F.-V.B.F.V. asbl
Secrétariat: Spreeuwenlaan 12, B-8420 De Haan, Belgique
Téléphone: +32 (0)59/23.77.01, Télécopieur: +32 (0)59/23.77.02
Banque: BE89 2100 4334 2985, Courriel: apff@francophonie.be
Site: http://www.francophonie.be/ndf