Nouvelles de Flandre
L'APFF souffle 20 bougies

"Promouvoir la francophonie en Flandre: c'est le pari d'une asbl" titrait La Libre Belgique en 1999. Vingt ans plus tard, le directeur de l'Association pour la promotion de la francophonie en Flandre (APFF), Edgar Fonck, fidèle au poste, retrace les faits marquants et évoque l'avenir d'une association atypique qui a répertorié plus de 10.000 activités culturelles en français au nord du pays dans son agenda.

N.d.F.: Qu'est-ce qui a conduit l'APFF à s'intéresser aux droits de la minorité francophone en Flandre?

E.F.: Au début des années 2000, l'APFF publiait depuis un an un agenda culturel d'activités en français en Flandre. Cet agenda était subventionné par la Communauté française de Belgique, appelée aujourd'hui Fédération Wallonie-Bruxelles. La Flandre a saisi la Cour d'arbitrage pour interdire à la Communauté française de soutenir les activités d'associations actives en Flandre. On n'avait pas le choix: soit on acceptait de disparaître, soit on dénonçait cette situation.

N.d.F.: Quelles ont été les différentes étapes de votre combat?

E.F.: C'est d'abord, en 2002, la rencontre avec Madame Nabholz. Suite à une plainte, elle avait été envoyée en Belgique par le Conseil de l'Europe pour enquêter sur la situation des francophones dans la périphérie flamande de Bruxelles. Nous l'avons rencontrée pour lui expliquer les difficultés des francophones de Flandre: des problèmes administratifs dans la périphérie et des problèmes culturels dans toute la Flandre. Madame Nabholz a repris ces informations dans son rapport en stipulant notamment que les plaintes des francophones vivant en Flandre qu'elle avait trouvées les plus fondées, étaient celles qui concernaient la culture.
Suite à ce rapport le Conseil de l'Europe a adopté la résolution 1301 qui a mentionné la Belgique parmi les pays qui ont des minorités significatives et qui doivent être protégées et dont les droits ne sont pas officiellement reconnus. Il a été recommandé à la Belgique de ratifier la Convention cadre sur la protection des minorités nationales en veillant à ce que toutes les minorités identifiées soient dûment reconnues. Parmi ces minorités figurent la minorité francophone en Flandre.
Une autre étape importante, c'est le sondage que l'on a fait réaliser par Dedicated Research en 2009 pour le 10e anniversaire de notre association. Ce sondage a déterminé qu'il y avait 367.000 francophones en Flandre_: 310.000 dont la langue maternelle est le français et près de 60.000 qui parlent parfaitement le français et dont un des deux parents est francophone. Un peu moins de la moitié de ces francophones habitent dans la périphérie et le Brabant flamand, l'autre moitié: 200.000, dans les quatre autres provinces flamandes.

N.d.F.: Et après ce rapport et la résolution du Conseil de l'Europe?

E.F.: Il y a notre participation au Forum des minorités de l'ONU. Forum qui est organisé chaque année autour d'un thème différent. Le thème de cette année est l'éducation et les droits des minorités linguistiques.
Suite à nos contacts avec l'ONU à Genève, nous avons découvert l'existence de l'Examen périodique universel (EPU). C'est un examen que passent tous les cinq ans, à tour de rôle, les pays membres de l'ONU. La situation des droits de l'homme est passée en revue dans chacun de ces pays. Et la société civile a la possibilité d'envoyer ses propres rapports qui sont pris en compte pour établir l'examen.
C'est comme cela qu'une série d'associations francophones en Flandre, dont l'APFF, regroupées au sein de la CAFF (Coalition des associations francophones de Flandre) a envoyé un rapport pour l'examen périodique de la Belgique en 2016. Nous y dénoncions le fait que la Belgique n'ait toujours pas ratifié la Convention-cadre pour la protection des minorités nationales. Mais aussi le fait que la Belgique ne se soit toujours pas dotée d'un Institut national des Droits de l'Homme et n'ait pas désigné d'organe compétent pour lutter contre les discriminations linguistiques.
Les griefs de la CAFF ont été pris en compte par différents pays dont la Suisse et la Hongrie qui ont recommandé à la Belgique de ratifier la Convention-cadre pour la protection des minorités nationales. Chose qui n'a toujours pas été faite alors que la Belgique a signé le document en 2001.

N.d.F.: Quels sont vos rapports avec les médias?

E.F.: La presse relaye régulièrement nos actions, depuis la création de notre association. En faisant un rapide survol de toutes les citations dans les médias, on arrive à plus d'un millier d'articles, interviews, citations, dans les médias de toute une série de pays, que ce soit la presse écrite, la radio et la télévision ou des articles d'associations. Et ce, en plus de notre pays, en France, au Luxembourg, aux Pays-Bas, en Allemagne, en Suisse, au Danemark, en Grèce, en Roumanie ou même en Ukraine, en Russie, au Vietnam ou au Vatican.

N.d.F.: Quels sont vos meilleurs souvenirs?

E.F.: Ce sont surtout les contacts avec les responsables de la Francophonie comme Boutros Boutros-Ghali, Abdou Diouf ou Louise Mushikiwabo, les représentants permanents de la Francophonie à Bruxelles ou à Genève, mais aussi les membres du Richelieu international Europe. Le réalisateur de l'émission "Bye-bye Belgium" Philippe Dutilleul ou plus récemment Jean-Pierre Roy documentaliste québécois qui a fait un excellent reportage sur le désir d'indépendance de la Flandre et la relation entre flamands et francophones.
Et puis, il y a aussi toutes les personnes que l'on a rencontrées lors de nos reportages. Cela laisse des souvenirs assez exceptionnels.

N.d.F.: Sans doute avez-vous aussi quelques souvenirs moins agréables?

E.F.: Evidemment, notamment lors de mon récent passage sur RTL, dans l'émission de Christophe Deborsu "C'est pas tous les jours dimanche" pour commenter un reportage concernant des consignes de sécurité unilingues. Par exemple, l'annonce de sables mouvants sur la plage du Coq rédigée uniquement en néerlandais malgré la présence de nombreux touristes francophones et étrangers. Face à moi sur le plateau, le flamand très pointu pour ne pas dire rabique, Willy De Waele président de l'OVV trouvait tout à fait normal que ces messages ne soient affichés qu'en néerlandais.
Quand je lui ai posé la question de savoir si un jour il y avait un accident nucléaire à la centrale de Gravelines, toute proche, les messages, en Flandre, seraient aussi faits uniquement en néerlandais. Il estimait qu'il n'y avait pas de raison qu'il en soit autrement. J'ai été confronté à l'intransigeance et au fanatisme flamingant alors que dans des situations équivalentes, dans les Ardennes, comme à Stavelot, par exemple, l'affichage se fait en quatre langues.

N.d.F.: Qu'est-ce qui vous déplaît le plus dans le discours des nationalistes flamands à propos des francophones de Flandre?

E.F.: Ils se plaisent à répéter que les francophones doivent s'intégrer en Flandre. Le problème n'est pas là! Les francophones sont intégrés. Ils prennent part à la vie de tous les jours. Pour la plupart, ils sont nés en Flandre. Ils sont francophones de génération en génération et parfaitement bilingues. Mais cela ne suffit pas aux nationalistes. Ce qu'ils veulent, c'est que ces francophones soient assimilés. Cela revient à perpétrer un génocide culturel. Le mot est fort! Nous ne répèterons jamais assez que nous nous opposons catégoriquement à l'assimilation forcée des francophones en Flandre.

N.d.F.: Vous avez également beaucoup de contacts à l'international?

E.F.: Oui, notamment grâce aux reportages que nous réalisons, chaque année, sur la place du français dans les pays de l'espace francophone. Au cours de ces reportages, nous avons l'occasion de rencontrer des francophones un peu partout dans le monde, que ce soit au Laos, Vietnam, Maroc, Algérie, Cap-Vert, Sénégal, Arménie, Liban... On se rend compte de l'intérêt porté à notre langue qui permet de communiquer avec des personnes des quatre coins du monde. Il y a vraiment des passionnés et un nombre important d'activités orga-nisées notamment dans les Alliances ou Instituts français, mais aussi par Wallonie-Bruxelles international. Dans tous les pays où WBI est présente, nos interlocuteurs mettent en évidence la qualité des activités et des rapports avec les Belges francophones.

N.d.F.: Comment voyez-vous l'avenir de la francophonie en Flandre?

E.F.: Je reste assez optimiste. Il y a encore beaucoup d'activités culturelles en français réalisées par de nombreuses associations. Le français fait partie de l'histoire de la Flandre. Il ne faut pas oublier qu'une ville comme Gand a été, il y a 200 ans, pendant quelques mois, la capitale du royaume de France, sous Louis XVIII. Le français est ancré dans l'histoire de la Flandre. La Flandre n'a rien à gagner à se replier sur elle-même d'autant que toute une série d'entreprises et non des moindres sont françaises. Il n'y a qu'à citer BNP Paribas ou l'opérateur téléphonique Orange.

N.d.F.: Quels sont vos projets?

E.F.: Nous allons continuer notre action à l'international pour faire reconnaître les droits culturels et linguistiques des francophones. C'est là que les choses sont le plus susceptibles de bouger. En Belgique, les Flamands arrivent à museler les francophones mais au niveau international, le fait de ne pas reconnaître leur minorité francophone, de ne pas combattre les discriminations linguistiques, ce sont des choses qui passent mal. Nous allons préparer activement le prochain EPU de la Belgique qui aura lieu début 2021.

Propos recueillis par Anne-Françoise COUNET


Rencontre avec Abdou Diouf, Secrétaire général de l'OIF - Alexandrie - Mars 2006


Nouvelles de Flandre - Octobre 2009


JT RTBF - 07/10/2009


JT RTL-TVI - 07/10/2009


La Libre Belgique - 07/10/2009
Rencontre avec le Secrétaire général de l'OIF - Alexandrie - mars 2006


Participation au Forum des minorités de l'ONU avec G. Clerfayt (ADHUM) - Novembre 2014


Envoi d'un rapport de la CAFF à l'ONU dans le cadre de l'EPU de la Belgique de 2016


RTL-TVI - C'est pas tous les jours dimanche - 03/03/2019


Rencontre avec L. Mushikiwabo, Secrétaire générale de l'OIF - Bruxelles - 25/04/2019


Rencontre avec Stéphane Lopez, Représentant permanent OIF et Micky Piron, Présidente RIE - Bruxelles - 22/05/2019

 


Copyright © 1998-2019 A.P.F.F.-V.B.F.V. asbl
Secrétariat: Spreeuwenlaan 12, B-8420 De Haan, Belgique
Téléphone: +32 (0)59/23.77.01, Télécopieur: +32 (0)59/23.77.02
Banque: BE89 2100 4334 2985, Courriel: apff@francophonie.be
Site: http://www.francophonie.be/ndf