Les représentants des pays ayant le français en partage se sont réunis à l'occasion du XVIIe Sommet de la Francophonie les 11 et 12 octobre derniers en Arménie. Durant ces deux jours, ils ont débattu des grands enjeux mondiaux et de la contribution de la Francophonie pour y répondre, notamment autour du "Vivre ensemble", thématique principale de leurs travaux. Vaste sujet qui aura permis, à l'issue des échanges, la rédaction de plusieurs documents de travail dont un Appel pour le Vivre ensemble, ainsi qu'une Stratégie pour la promotion de l'égalité entre les femmes et les hommes, des droits et de l'autonomisation des femmes et des filles.

Des Résolutions portant sur des thèmes comme l'éducation à la citoyenneté et aux droits de l'Homme ont été également adoptés. La Déclaration d'Erevan a réaffirmé l'attachement de l'OIF, à la promotion et à la protection des droits civils, politiques, économiques, sociaux et culturels. A l'occasion du 25e anniversaire des Principes de Paris, les Chefs d'État se sont engagés à encourager la mise en place des INDH qui jouissent d'un mandat large en matière de droits de l'Homme, notamment en tant que relais auprès de la société civile.

L'Arménie assurera la présidence du Sommet jusqu'au prochain Sommet qui se tiendra à Tunis, en 2020, année qui sera marquée par le cinquantième anniversaire de l'Organisation internationale de la Francophonie.

Nouveaux venus

Comme à chaque Sommet, la famille francophone s'est élargie accueillant cette année encore de nouveaux membres. L'Irlande et Malte, qui comptent respectivement 12% et 13% de francophones, ainsi que la Gambie, petit pays largement anglophone entouré de pays francophones et l'État américain de Louisiane, où vivent 200.000 francophones, ont été acceptés comme observateurs.

En dernière minute, la candidature controversée de l'Arabie saoudite a été retirée. Le dossier saoudien en avait irrité plus d'un, étant donné les violations des droits de l'Homme dans le royaume, illustrées entre autres par le meurtre du journaliste Jamal Khashoggi. La candidature saoudienne était également d'autant plus embarrassante que l'OIF entérinait à Erevan une résolution sur "la promotion de l'égalité entre les femmes et les hommes". L'OIF compte désormais 88 États et gouvernements: 54 membres, 7 membres associés et 27 pays observateurs.

Élection d'une nouvelle secrétaire générale

Un des sujets les plus discutés de ce Sommet était l'appui accordé par la France et l'Union africaine à la ministre rwandaise des Affaires étrangères Louise Mushikiwabo qui convoitait le poste de secrétaire générale de l'OIF, alors que celle qui l'occupait depuis 2015, la Canadienne d'origine haïtienne Michaëlle Jean, sollicitait un autre mandat.

Tous les membres, même le Canada et le Québec ont fini par se rallier derrière la candidate africaine malgré des critiques formulées par rapport à la place limitée du français et du non-respect des droits de l'Homme au Rwanda. Reporters sans frontières (RSF) a d'ailleurs récemment dénoncé que le Rwanda pratique "censure, menaces, arrestations, violences, assassinats" contre les journalistes qui osent dénoncer l'autoritarisme de ses dirigeants.

Cette victoire, donnée pour acquise depuis longtemps, n'a pas été pas facile car en dernière minute, la secrétaire générale sortante Michaëlle Jean n'a pas hésité à "mettre les pieds dans le plat" dans un discours qualifié par la presse de véritable "baroud d'honneur" dénonçant des "petits arrangements entre États".

La nomination de Mme Mushikiwabo consacre ainsi le "retour" de l'Afrique à la tête de l'OIF, qui avait toujours été dirigée par des Africains avant Mme Jean. L'Afrique s'impose désormais comme le moteur d'une francophonie notamment des affaires qui émerge comme la réponse aux défis contemporains. Grâce à son explosion démographique, ce continent représentera à l'horizon 2050, 85% des francophones, sur un total de 700 millions. Ces données seront publiées dans la nouvelle édition de "La langue française dans le monde 2018".

Un Sommet vibrant

Il était prévu que Charles Aznavour se rende avec Emmanuel Macron à Erevan. La mort inopinée du chanteur a donné à cette rencontre une dimension plus émouvante. Angélique Kidjo, Zaz et Serge Lama ont rendu un vibrant hommage au "Grand Charles" sur une immense scène installée place de la République où s'était amassée une foule nombreuse ainsi que les Chefs d'État et autres personnalités installés sur des gradins. Emmanuel Macron a tenu à visiter la Maison Aznavour, un centre dédié au chanteur qui abritera aussi des lieux d'échange et d'apprentissage du français, notamment à partir de ses chansons.

Village de la francophonie

En marge du Sommet, le Village de la Francophonie, véritable centre d'animation donnait à chaque pays la possibilité de présenter sa culture et ses traditions. La Fédération Wallonie-Bruxelles y présentait l'exposition de BD "Spirou4rights" produite dans le cadre des 70 ans de la Déclaration universelle des droits de l'Homme. Un numéro spécial du "Journal de Spirou" reprenant 30 planches de BD illustrant chacune un article de la Déclaration, était distribué sur le stand. Preuve que les droits humains sont aussi au centre des préoccupations dans notre pays.

Anne-Françoise COUNET