Nouvelles de Flandre
Apéro-conférence: "L'insulte, entre bon mot et abjection"

A l'heure des #balancetonporc et #balancetatruie, hashtags et sites utilisés pour dénoncer le harcèlement sexuel suite à l'affaire Weinstein, les insultes sont pleinement d'actualité sur les réseaux sociaux tout comme dans les médias. Coïncidence "heureuse" si l'on peut dire, pour Laurence Rosier qui publie au même moment un essai sur l'insulte sexiste "De l'insulte... aux femmes" aux Éditions 180°. L'occasion de se pencher sur les violences verbales, également, lors de la conférence organisée en novembre dernier par la Maison de la Francité dans le cadre des apéro-conférences.

Des recherches sociolinguistiques

Alors que la parole des femmes se libère et que le débat sur l'écriture inclusive fait rage, les rapports entre la langue, le pouvoir, la violence et les femmes sont au centre de l'étude sociolinguistique menée par Laurence Rosier depuis de nombreuses années déjà. Cette professeure de linguistique, d'analyse du discours et de didactique à l'Université Libre de Bruxelles n'en est pas à son premier coup d'essai dans le domaine puisqu'elle a été la commissaire d'une exposition présentée à Bruxelles et à Paris "Salope... et autres noms d'oiselle", mêlant approches scientifiques, artistiques et animations autour du sexisme. Son "Petit traité de l'insulte" (2006, réédité en 2009) a connu un beau succès et donné lieu à un documentaire coproduit par la RTBF et Canal+ "Espèces de... l'insulte n'est pas inculte".

Laurence Rosier a aussi le projet de développer un observatoire international des violences verbales dans le cadre d'un vaste réseau de chercheurs regroupés autour de la thématique des discours de haine et d'embrigadements. Elle anime depuis cet été une chronique langagière sur le site de la Revue Nouvelle sous le titre: "La chronique de l'irrégulière" (http://www.revuenouvelle.be/-Chronique-de-l-Irreguliere-) où elle décortique des fragments de discours glanés sur différents médias, dans divers contextes, des profils Facebook aux manchettes des quotidiens.

Qu'est-ce qu'une insulte?

Pour la linguiste Laurence Rosier, "toute injure est d'une certaine façon une injure raciste" (formulation qu'elle emprunte à Evelyne Larguèche). Elle est fondée sur une "représentation stéréotypique" et révèle la manière dont on "pense la différence".

Chaque communauté, chaque culture possède ses stéréotypes sur lesquels elles génèrent ses insultes. Exemple: luie Walen (wallons paresseux) ou flamouche (Flamand). Les insultes sont basées sur une typologie lexicale: - les fruits et végétaux: navet, patate, cornichon; - animaux: macaque, chienne); - attributs physiques: avorton, gras du bide; - les aptitudes limitées: abruti, bouffon; - répertoire sexuel ou scatologique: trou du cul, rince bidet. Au niveau de la structure, la plupart sont construites en ajoutant: espèce de, sale, petit, tu n'es que, ... suivi d'un nom ou un adjectif.

Pour insulter, on peut utiliser le lexique existant ou en inventer de nouveaux comme lorsqu'un président de parti français traita de fédérastes les partisans d'une Europe fédérale. Le même mot a ou n'a pas de portée insultante selon le lieu les conditions de son énoncé. Quand on traite quelqu'un d'animal politique, cela n'a pas la même portée que lorsqu'on compare la ministre Tobira à une guenon.

Celui qui insulte fait usage d'un clivage opposant deux groupes celui dans lequel il se positionne et celui dans lequel il classe le destinataire de l'insulte. Insulter, c'est s'affirmer en rabaissant l'autre pour se grandir. C'est donner une vision binaire du monde entre les "dignes" et "indignes" que ceux-ci soient traités de cons, paysans ou sales nègres, ...

La richesse de la production linguistique injurieuse est infinie.


Anne-Françoise COUNET


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