Nouvelles de Flandre
45e Assises de la Presse francophone à Madagascar

Les 45e Assises de l'Union internationale de la Presse francophone (UPF), organisation internationale non gouvernementale s'inscrivant dans la mouvance de la francophonie institutionnelle, se sont tenues du 19 au 25 novembre 2016 à Antsirabe, deuxième ville de Madagascar, à 180 km de la capitale.

Rappelons que l'objectif principal de l'UPF est la promotion de la langue française dans les médias. Ces assises étaient organisées cette année en prélude au 15e Sommet de la Francophonie (Antananarivo, 22-26 novembre), sur le thème "l'économie des médias dans les pays en développement" (et en particulier bien entendu dans l'espace francophone).

330 journalistes de 47 pays (dont une cinquantaine de Malgaches, la plupart inscrits gracieusement - après une sélection à caractère strictement professionnel - à l'initiative du bureau international de l'UPF) ont participé aux 45e assises. C'est un peu moins qu'annoncé initialement (350 journalistes de 50 pays) mais, comme chaque année, un certain nombre de candidats, généralement originaires de pays d'Afrique, n'ont pu obtenir leur visa pour motifs politiques. C'est en tout état de cause un excellent score face aux 175 inscrits des précédentes assises de Lomé, au Togo. L'année dernière ces Assises (sur le thème du droit à l'égalité des femmes et des hommes dans les rédactions) avaient été marquées par la nette fracture Nord-Sud, ce problème d'égalité existant en effet surtout dans les pays d'Afrique (majoritaires tant au sein de l'OIF que de l'UPF).

Problèmes de financement

Cette fois, pour les 45e assises, le problème de la "fracture" ne se posait pas - ou était reconnu implicitement en raison du thème choisi "l'économie des médias dans les pays en développement" - mais bien sûr il a, à son tour, illustré le fossé existant entre la rentabilité économique et la diffusion des médias d'information dans les pays développés (ou émergents comme le Maroc, l'Algérie ou le Vietnam) et dans les pays du sud où les problèmes de financement, de fonctionnement, de salaires, de distribution et de transport - et de corruption! - sont légion.

En fait, il est apparu, souvent de façon explicite, lors des divers ateliers et au sein des groupes de travail (sur les thèmes: autonomie des médias en situation de précarité, pratique généralisée des "bakchich", dessous-de-table et autres "félaka" comme on dit ici, mutations technologiques atouts ou handicaps, liberté et indépendance des journalistes, pluralisme des médias, etc) que pour être rentables économiquement, les médias à l'exclusion des médias publics (radio-tv, journaux officiels ou pro-gouvernementaux), doivent d'abord bénéficier d'un environnement politique, social et culturel sain, et donc d'un système de gouvernement et de conditions de vie véritablement démocratiques, dans un contexte de respect des droits humains et civiques... ce qui ne se vérifie, en Afrique principalement, que dans une minorité de cas.

On notera un bémol inexpliqué lors d'ouverture de ces 45e Assises: alors qu'elles auraient dû être ouvertes par Michaëlle Jean, secrétaire générale de l'OIF (déjà présente le 21 novembre à Madagascar en prévision du Sommet de la francophonie) et Hery Rajaonarimampianina, président de la République malgache, seul le second fut présent (ils auraient dû arriver ensemble à Antsirabe).

Et bien que le fait ait été expressément démenti par l'intéressée, il s'est dit en coulisse que "l'oubli de participation" de Mme Jean aurait résulté de ce que la conférence inaugurale des assises allait être prononcée par Jean-Claude de l'Estrac, candidat malheureux au poste de secrétaire général de l'OIF lors du départ d'Abdou Diouf en 2014.

"Code de la communication médiatisée"

Cela étant, même le président malgache qui accueillit avec optimisme et convivialité les 330 congressistes francophones a dû se dire que ces derniers étaient bien ingrats... en permettant à leur président Madiambal Diagne de l'invectiver publiquement - les journaux locaux en firent leurs choux gras - en mettant en cause la loi qu'il a fait voter au mois d'août dernier et qui est décriée par toute la presse locale non gouvernementale, loi relative à la mise en vigueur d'un "Code de la communication médiatisée". Autrement dit une loi jugée méprisante par les journalistes, un texte législatif cadenassant la presse d'information générale et la rabaissant au niveau de la propagande, de la flagornerie politique et finalement de l'autocensure, exactement comme c'est le cas aujourd'hui en Chine ou en Corée du nord.

Il faut dire aussi que de nombreux journaux locaux publièrent, pendant les assises, des articles de protestation contre cette loi, diffusant des affiches et logos "Je suis libre" ou encore évoquant des manifestations de rue, notamment devant le "village de la Francophonie" érigé en marge du Sommet, pour protester contre cette loi.

Mais ceci plaiderait plutôt en faveur de la liberté de la presse et de l'indépendance des journalistes malgaches présents à Antsirabe. Sur une vingtaine de journaux édités à Antananarivo en français (souvent avec des pages en malgache et en anglais), plusieurs critiquaient en termes vifs la politique gouvernementale, y compris en matière de gaspillages et de détournement des fonds prévus pour l'organisation du sommet de l'OIF.

Lors de la présentation par Loïc Hervouet (professeur français de journalisme qui a épousé une Malgache), de son remarquable ouvrage "Comprendre les Malgaches", l'une des contributrices, Mme Lovasoa Rabary, rédactrice en chef de L'Express de Madagascar, a répondu à notre question sur le niveau d'indépendance et de liberté de la presse dans son pays. Nous avons été surpris de l'entendre dire qu'il ne fallait pas trop se fier aux commentaires et analyses des journaux, au dynamisme apparent d'une presse d'opposition et d'opinion bien marquée: "c'est davantage le ton et non le fond des articles qui vous parait libre, caustique, critique. La réalité est tout autre, car la précarité des journalistes est souvent telle qu'elle ne leur permet, tout au plus, que d'égratigner le pouvoir en place, non pas de le confondre".

Sans entrer dans le détail des "ateliers", lesquels furent suivis avec assiduité et compétence par tous les assisiens, en particulier les journalistes malgaches, africains et antillais, on se plaira d'épingler la présence, en tant que modératrice, de Colette Braeckman, la spécialiste belge de l'Afrique centrale.


André BUYSE


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