Nouvelles de Flandre
Retour sur un ardent congrès des professeurs de français à Liège

Pas moins de 1.528 enseignants venus de 103 pays ont participé avec enthousiasme et convivialité au congrès des professeurs de français qui s'est tenu à Liège en juillet. Pendant une semaine, une foule d'ateliers, conférences, tables rondes et autres travaux ont permis à tous ces profs et chercheurs de se former, de partager leurs expériences mais aussi de se côtoyer et se divertir grâce à un programme culturel riche.

Une profession essentielle

Le congrès a débuté au lendemain des attentats de Nice. C'est dire si l'émotion était vive lors de la séance inaugurale. Les discours des divers intervenants n'ont pas manqué de rappeler le rôle fondamental de l'éducation et des enseignants. Jean-Marie Klinkenberg, président du Comité organisateur du congrès a insisté sur le rôle des professeurs de langue: "cette responsabilité incombe d'autant plus aux professeurs de français qui enseignent la langue, les discours, les mots. Il leur revient de déjouer le jeu des discours barbares et d'affirmer la force de l'expérience critique et d'une culture libre comme l'importance d'une éducation accessible à tous, dans un monde de plus en plus injuste où elle est refusée à de plus en plus de jeunes".

Et à côté de ce rôle éducatif, les professeurs de français se sont dits conscients que l'enseignement du français est une priorité majeure pour le développement de l'espace francophone et pour le développement de la langue française. Un développement indispensable pour le maintien de la diversité linguistique et culturelle dans notre monde de plus en plus globalisé.

Or, le métier est en pénurie. Selon l'UNESCO, d'ici 2020 (c'est demain!), il va manquer 150.000 professeurs de français pour le monde et essentiellement en Afrique. "Les pouvoirs publics doivent prendre ce problème à bras-le-corps, évidemment mais ils ne le feront que s'ils sont poussés dans le dos par les professeurs partout dans le monde, ces professeurs qui sous-estiment peut-être leur force de frappe."

Des sujets de réflexion à profusion

Iglou ou igloo, weekend ou week-end? Parmi les thèmes et sujets abordés pendant ces 7 jours de travail: l'orthographe. La langue évolue et donc son orthographe aussi. Désormais, il est préconisé d'écrire évènement (plutôt que événement), cent-deux (plutôt que cent deux), weekend (plutôt que week-end) s'entrainer (sans accent), etc. Ces recommandations qui datent de 1990 sont recommandées et non imposées. L'orthographe révisée est celle de référence dans l'enseignement mais les résistances sont encore nombreuses et sujettes à critiques selon lesquelles elles appauvriraient la langue. Critiques non justifiées puisque au cours des siècles derniers, de nombreuses rectifications ont déjà été effectuées comme en 1740 où l'orthographe d'un mot sur quatre avait été modifiée.

Dans la même veine, divers travaux vont vers une réforme de l'accord du participe passé (PP). Quand on sait qu'un élève de langue maternelle française passe, durant le secondaire, en moyenne 80 heures à étudier l'accord du participe passé et lorsqu'on voit les résultats décevants de cet apprentissage, on est en effet en mesure de se demander s'il ne faudrait pas assouplir voire rationaliser les règles d'accord du PP. On parle par exemple de supprimer l'accord du PP utilisé avec l'auxiliaire avoir (les livres qu'il a lu et non plus les livres qu'il a lus). Mais là aussi, les boucliers de défense de la langue et de sa richesse se lèvent haut et fort.

Intéressants ateliers aussi, ceux consacrés à l'intercompréhension, une approche permettant à deux personnes de s'exprimer chacune dans sa langue.

Un atelier était notamment consacré à l'intercompréhension écrite dans les relations internationales de l'anglais vers le français. Grâce à un module de formation de 30 heures, des fonctionnaires des administrations nationales (possédant un excellent niveau en anglais et un niveau de base en français) arrivent à comprendre les principaux documents en français (ordre du jour, directives, traités, accords, règlements).

Autre thème, les variations de la langue. Il n'y a pas "le" français mais "des" français. Celui de Belgique en est un exemple que Jean-Marie Klinkenberg s'est attaché avec faconde et beaucoup de talent, à analyser et expliquer à une large assemblée composée d'auditeurs étrangers. Explication bienvenue puisque, séjournant à Liège, ces derniers auront sans doute bu un bon petit "pékêt" après le "souper" et "auront eu bon" de se rencontrer dans les "auditoires" de l'université et heureusement auront échappé à la "drache ".

Débat brûlant d'actualité avec Paul Germain, journaliste belge responsable des programmes européens sur TV5Monde: "L'Europe déteste-t-elle le français?" Question à laquelle il n'a pas voulu donner une réponse tranchée. Il a plutôt tenté d'expliquer la place de notre langue en fonction des institutions et divers courants de pensée. Il a aussi soulevé le problème linguistique qui s'annonce suite au tout récent Brexit. "L'anglais va-t-il disparaître de l'UE?" Question moins farfelue qu'il n'y paraît puisque l'anglais n'est la langue officielle d'aucun autre état membre mais une question épineuse, notamment pour les juristes et autres décideurs qui devront trancher sur la possibilité de garder l'anglais comme langue de travail alors qu'elle ne sera plus officielle. Une opportunité pour le français? L'avenir le dira.

Au terme de ce congrès, le défi est de faire du français "une langue moderne, une langue de culture mais aussi une langue véhiculaire, une langue d'intercommunication, une langue qui peut faire contrepoids à l'uniformisation du monde". Un défi que relèvent chaque jour, les professeurs qui témoignent ci-dessous.


Anne-Françoise COUNET


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