Nouvelles de Flandre
Le Togo: parmi les pays les plus pauvres de la planète… ou les tristes tropiques de l'Afrique

Nous vous proposons ici une brève présentation de la République du Togo avec sa capitale Lomé, en Afrique occidentale sub-sahélienne, puisqu'elle fut l'hôte des 44èmes assises de la presse francophone, auxquelles nous avons assisté et dont nous rendons compte par ailleurs.

Inédit: un congrès de journalistes sans journaux!

Un petit détail éclairera le lecteur sur l'esprit dans lequel nous effectuons cette présentation. Depuis que nous assistons à de telles assises annuelles, c'est-à-dire depuis une vingtaine d'années, ce fut bien la toute première fois qu'au secrétariat ou dans les diverses salles de réunion du congrès, nous n'avons vu, mis à la disposition des participants venus d'un peu partout dans le monde (en l'occurrence des journalistes francophones de 39 pays) ne serait-ce qu'un unique exemplaire de la presse locale.

Et pour cause: dans ce pays il n'existe qu'un seul journal défendant le point de vue du gouvernement, Togo Presse, indigeste et illisible puisque, comme la "Pravda" du temps de l'URSS, il ne donne en pâture à ses lecteurs que des textes de louange pour les pouvoirs en place. Les autres titres - dont les principaux sont: Liberté, Crocodile, L'Evénement, Le Combat du peuple, Le Regard, Le Scorpion, Tingo Tingo - sont tous des journaux d'opposition, qu'on peut se procurer dans quelques librairies du centre-ville et à l'aéroport (signe que la dictature n'est pas - encore? - totale).

Cela aurait fait trop mauvais effet pour les autorités officielles qui parrainaient l'événement: permettre aux congressistes de prendre connaissance de toutes les nouvelles négatives répandues par cette presse d'opposition, comme par exemple une description apocalyptique de l'état du réseau public des soins de santé, la crasse des hôpitaux et de leurs salles d'opération dont tous les équipements y compris les seringues sont rouillés (dans Liberté)!

Pas question non plus de proposer les nouvelles positives, celles du seul journal gouvernemental, cela aurait paru bizarre... Un congrès international de journalistes sans journaux! Cela ne s'est jamais vu!

C'est par ailleurs dans un magazine économique local, s'adressant plutôt à l'élite, qu'on apprend qu'aux dernières nouvelles, c'est-à-dire en 2015, le Togo était classé, sur base des données du FMI et de bureaux de consultants économiques, à la 12ème place parmi les pays les plus pauvres du monde. Ce qui est effarant, ce n'est pas tellement ce triste constat... c'est le fait qu'en 2013, ce classement (tel qu'il apparaît encore sur les sources Internet) était la 27ème place (parmi les pays les plus pauvres).

Autrement dit, la situation économique générale, le niveau de vie et de bien-être sont en chute libre. Selon un de nos interlocuteurs togolais, le salaire mensuel moyen serait actuellement de moins de 55.000 francs CFA, soit moins de 80 euros. Ce montant est nettement insuffisant pour vivre décemment, quand on sait que beaucoup de biens de consommation courants ou alimentaires sont importés d'Europe ou de Chine. Rien d'étonnant, dans ces conditions, que tout citoyen ait un ou deux jobs complémentaires (pour autant qu'il ait bien entendu un travail permanent!), les autres étant souvent réduits à de menus larcins (escroqueries au détriment des étrangers) ou aux grandes rapines comme la pratique, qui vient d'être dénoncée dans la presse locale, du "moto-jacking": celle-ci est exercée contre des Togolais issus des classes moyennes, qui ne possèdent pour se déplacer qu'une moto généralement de marque chinoise, butin dont la revente n'est possible qu'auprès d'autres Togolais.

Cette situation est d'autant plus scandaleuse que la richesse existe et même de manière ostentatoire mais elle est concentrée dans les mains de l'élite, associée ou non au pouvoir en place, une nomenklatura détenant les postes à responsabilités des activités économiques: un port en eau profonde très important (le plus important du golfe de Guinée, dépassant ceux d'Abidjan, Accra et Cotonou), l'industrie pétrochimique liée, la téléphonie cellulaire, l'industrie extractive (phosphates) et cimentière, agroalimentaire (cacao, café arachide), forestière tropicale (ébène, teck, azobé, etc), les manufactures (coton, confection), la distribution au détail, les banques et l'industrie touristique qui reste toutefois embryonnaire malgré un renouveau des investissements étrangers notamment chinois et un potentiel indéniable: parcs et réserves naturels (crocodiles, hippopotames, éléphants), marchés publics, artisanat, traditions folkloriques et danses vaudoues.

Les grandes lacunes: les infrastructures internes de transport (pas de chemin de fer... alors qu'au début du siècle dernier, sous la colonisation allemande, il en existait!), les routes (la plupart en terre battue même dans la capitale), les services publics essentiels (soins de santé, hygiène, distribution d'eau et d'énergie) - les coupures de courant sont fréquentes... même dans le grand hôtel du congrès pendant notre séjour ainsi qu'à l'ambassade de France pendant la réception officielle -, la carence de logements modernes, le délabrement de l'enseignement public (supérieur et technique), l'absence totale de souci écologique (pollution systématique et souvent d'origine récente des plages y compris celles des grands hôtels... dont le nôtre), ...

Fiche technique

Ces descriptions donnent un premier aperçu de la situation générale du pays, dont voici la fiche technique. Superficie: 56.785 km2 (moins de deux fois la Belgique), ce qui en fait l'un des plus petits Etats de l'Afrique, s'étendant tout en longueur (650 km du sud au nord, 100 à 200 km de large) avec pour voisins le Ghana anglophone mais partageant les mêmes ethnies à l'Ouest, le Bénin à l'Est, le Burkina Faso au Nord. Cette disposition fait que l'on trouve une grande diversité de climats, paysages, reliefs et modèles d'élevage et d'agriculture du nord au sud. Nombre d'habitants: 7,6 millions (9 millions en 2020, accroissement dû notamment à une grande fécondité moyenne par femme) dont 1,5 million dans la capitale Lomé et sa banlieue. Densité moyenne: 133 habitants au km2.

Cette population est répartie sur une cinquantaine d'ethnies. Langues: une quarantaine de parlers vernaculaires... ce qui a fortement contribué à la généralisation du français (langue officielle) perçue comme la "lingua franca" au même titre que l'anglais l'est en Inde. Mais il reste des "ilots" où la population instruite âgée conserve des notions d'anglais et d'allemand (langues de colonisation antérieure au français). L'allemand est présent dans la cathédrale en style néogothique rhénan construite en 1905 et dans certains musées (dont l'ancienne "Maison des esclaves" d'Agbodrafo). Le voisinage du Ghana - l'ex "Gold Coast" des exploitations de cacao dont le nom a été emprunté par la principale marque de chocolat belge - encourage l'emploi de l'anglais chez les jeunes et les cadres.

Terminons enfin par le chapitre politique, le moins glorieux: les côtes du pays furent occupées par des comptoirs portugais et danois dès le 18e siècle mais surtout anglais et allemands, le pays étant devenu un protectorat puis une colonie allemande à partir de 1884, scindé en protectorats anglais et français en 1920 (défaite allemande), puis, pour sa "partie francophone" placé en 1945 sous mandat français par l'ONU, accédant enfin à l'indépendance totale en 1960.

Depuis, ce ne furent que coups d'Etat (ou tentatives) et régimes à prédominance militaire. Le président Gnassingbé Eyadema, un militaire, a dirigé le pays pendant près de 40 ans à partir de 1967 et, à sa mort, c'est son fils prénommé Fauré qui dirige d'une main de fer l'Etat et sa nomenklatura. Il en est à son troisième mandat de 5 ans, le dernier arraché au terme d'élections organisées au printemps 2015. Il n'a pas daigné rencontrer les organisateurs des assises francophones... alors qu'il se rendait dans le même hôtel où elles se tenaient, mais seulement pour rencontrer un autre dictateur d'Afrique centrale qui s'y trouvait.

 

André BUYSE


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