Nouvelles de Flandre
Les journalistes francophones prônent l'égalité des droits et devoirs des femmes journalistes

Les 44èmes Assises de l'Union internationale de la presse francophone (UPF) - la plus ancienne OING de la francophonie - ont eu lieu à Lomé, capitale de la République Togolaise, en Afrique occidentale, du 25 au 29 novembre. Elles ont surtout été marquées par les interventions, dans les divers ateliers de travail, coordonnées par des modérateurs représentatifs, tels Jean Kouchner, secrétaire général international de l'UPF, Loïc Hervouet, ancien directeur de l'Ecole de journalisme de Lille, ainsi qu'Ariane Lavrilleux, reporter à Europe1.

Parmi les "expertes" invitées lors de ces ateliers, on notait la présence de plusieurs Belges, extérieures à l'UPF: Martine Simonis, secrétaire générale de l'aile francophone de l'AGJPB et de l'AJP, Pauline Beugnies, photographe reporter, et Pamela Morinière, responsable des programmes sur le droit d'auteur et l'égalité homme-femme au sein de la Fédération européenne des journalistes à Bruxelles.

Les thèmes des ateliers étaient: "le pouvoir médiatique au féminin", "femmes journalistes dans les zones de crises", "femmes journalistes de l'espace francophone, avancées et obstacles à l'égalité", "femmes journalistes et réseaux sociaux: prise de parole et liberté d'expression", "l'image des femmes dans les médias: constats et actions pour l'égalité".

On soulignera que ces interventions et débats n'ont pas donné lieu à des "_résolutions_" au sens habituel du terme mais feront l'objet d'une série de "recommandations" dont la rédaction finale et la diffusion sont prévues prochainement.

On aura toutefois une idée de la hauteur de vue et de la qualité de ces interventions en rendant compte (ci-après) de l'intervention de Mme Aminata Touré, militante des droits humains, ancienne ministre de la justice et ancienne Première ministre du Sénégal.

Les pieds dans le plat

Celle-ci a d'emblée mis les pieds dans le plat en affirmant que "loin d'être toujours des victimes passives, les femmes journalistes sont parfois aussi les artisanes des mécanismes qui les dévalorisent dans les rédactions en faisant primer leur rôle domestique sur les exigences de leur profession". Ayant dressé ce constat, elle a précisé: "Les rubriques que les femmes journalistes animent sont très souvent le reflet des rôles sociaux qu'on attend encore des femmes avec des contenus sexistes charriés par les femmes elles-mêmes". Ce disant, elle se réfère évidemment au contexte des pays africains, qu'elle connaît le mieux.

Si donc, pour Aminata Touré, "les femmes journalistes ont leurs responsabilités dans cette situation, les rédactions des journaux devraient mieux les aider à concilier leur rôle de mère et d'épouse que leur assigne la société en attendant que celle-ci évolue vers un meilleur partage des responsabilités domestiques entre les hommes et les femmes".

Pour ce faire, a-t-elle suggéré, "les patrons de presse doivent améliorer leurs politiques internes et leur pratique en matière de recrutement des femmes journalistes, en faisant la promotion des articles écrits par des femmes tout en négociant pour celles-ci de meilleures conditions de travail (…). Il ne s'agit pas de mesures purement matérielles et financières, il peut s'agir aussi de l'aménagement du temps de travail, des possibilités de travailler à domicile entre autres conditions facilitant la conciliation entre vie familiale et travail".

Devant les délégations de l'UPF venues de 39 pays, elle a souligné que les femmes journalistes sont également affectées par la "ghettoïsation" des questions féminines dans les organes de presse et font objet de "discrimination subtile" quant aux opportunités professionnelles.

Stop à la violence et à la misogynie

La conférencière a rappelé que les Etats, dans leur large majorité, ont déploré, lors d'un débat à l'Assemblée générale des Nations Unies, "la persistance de représentations dégradantes et discriminatoires et ont noté une hyper sexualisation des femmes et des filles dans les médias, souvent représentées comme des objets, avec une tendance à la multiplication des images misogynes et violentes, surtout dans les réseaux sociaux".

Pour Aminata Touré, il faut d'abord, pour les journalistes, "de la formation et encore de la formation", de la sensibilisation massive sur les questions de l'égalité des sexes et un renforcement périodique de leurs capacités sur le plan technique et opérationnel.

"A cet égard, l'UPF a une belle carte à jouer dans la collaboration avec ses branches et ses correspondants nationaux", a encore martelé Mme Aminata Touré.

En plus de la formation, elle a également évoqué la nécessité de renforcer les cadres juridiques et réglementaires contre les images dégradantes, misogynes et violentes à l'égard des femmes et des filles. Cela devrait relever des délits de presse, a-t-elle suggéré.

Les débats ont montré également qu'il y a des opportunités à saisir avec les codes de la presse en cours de discussion dans de nombreux pays africains, en plus "de mesures d'incitation visant à promouvoir une image juste, pluridimensionnelle des femmes et des filles dans les médias".

L'UPF devrait également lancer un concours mondial pour primer les meilleurs articles de presse qui ont une représentation positive des femmes. Signalons par ailleurs que la déléguée de la Guinée, Monique Curtis, a valorisé la création par sa section d'un prix de journalisme dont la participation est réservée, depuis 2009, aux seules femmes journalistes. En tant que délégué de la Belgique, nous avons toutefois mis en doute le bien-fondé de cette inititiative, faisant valoir que pareille initiative de "discrimination positive" ne sert en rien l'émergence d'une réelle égalité des chances ni une promotion du travail journalistique des femmes. Et de citer l'exemple de l'attribution cette année à Bruxelles du prestigieux prix de journalisme Albert Londres à deux femmes journalistes.

Améliorer l'image même de la femme

Enfin, dans son message adressé à la conférence, Michaëlle Jean, Secrétaire générale de l'OIF, a fait part d'un ensemble d'initiatives en direction des médias africains pour renforcer la place des femmes, l'égalité des chances mais aussi pour améliorer l'image de la femme dans les médias.

Les journalistes participant aux assises ont appelé à bannir les pratiques sexistes dans les salles de rédaction et à accroître la formation à la question du genre ainsi qu'au management. En matière éditoriale, les journalistes de l'UPF ont insisté sur la responsabilité sociale des médias, affirmant la nécessité de développer les genres journalistiques qui tiennent compte des aspects sociaux en raison de leur potentiel de changement dans la société. Il s'agit de prévoir aussi des formations des femmes journalistes dans les techniques du commentaire et de l'analyse pour apporter le plus dans la production médiatique.

Un appel a été aussi lancé pour l'adoption par les médias "de pratiques volontaristes" en procédant à l'auto-contrôle de leur production journalistique et en veillant à la collecte de données chiffrées sur la situation de la femme dans leurs rédactions respectives, afin de pouvoir évaluer la situation de la femme journaliste dans les salles de rédaction.

Enfin, les 44èmes assises de la presse francophone ont appelé à accroître le rôle des médias francophones; inciter les femmes journalistes à se spécialiser dans les différents domaines de la vie, doter les journalistes qui travaillent dans les zones de conflits d'un "paquetage de sécurité", mettre sur pied des lois sur l'égalité des chances, sur la lutte contre le harcèlement, créer des observatoires de la parité et relayer les informations provenant des zones de conflits.

L'UPF organisera ses 45èmes assises du 20 au 24 novembre 2016, à Antanarivo (Madagascar).

 

André BUYSE


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