Joel et Ethan Coen, coprésidents du jury, ont privilégié un cinéma français et social.

Ainsi, "Dheepan" de Jacques Audiard, Palme d'or. Avec l'histoire d'un émigré tamoul en banlieue parisienne, Audiard aborde des thèmes actuels: guerres civiles, migration, intégration, recherche d'un emploi, insécurité dans les cités. Mais pourquoi diable son héros finit-il par dézinguer tous les voyous de sa cité?

Ainsi aussi avec les prix d'interprétation: Vincent Lindon, acteur de "La loi du marché" de Stéphane Brizé, un chômeur de longue durée qui se bat pour sa dignité et son appartement, soit un cinéma à la Dardenne made in France; et Emmanuelle Bercot, actrice de "Mon Roi" de Maïwenn, la chronique lucide et impitoyable d'un couple qui s'aime et se déchire à la folie... mais que même les critiques français n'avaient pas pronostiquée!

La même Emmanuelle Bercot est aussi la réalisatrice du film d'ouverture, "La tête haute", le parcours éducatif d'un ado de six à dix-huit ans qu'une juge des enfants et un éducateur tentent inlassablement de sauver. Dans le rôle de la juge, Catherine Deneuve, fort peu crédible.

De Cannes, on retiendra encore un Gérard Depardieu retrouvé, toujours très impressionnant et sobre (si si!) à l'affiche de "Valley of love" aux côtés d'Isabelle Huppert (dommage l'absence d'un vrai scénario...); et, à la Quinzaine des Réalisateurs, le dernier Jaco Van Dormael, "Le tout nouveau testament", un délire annoncé sur Dieu (Benoît Poelvoorde) qui vivrait à Bruxelles avec sa femme (Yolande Moreau) et leur fille, un délire ovationné à Cannes mais qui, malgré quelques belles idées, laisse sur sa faim.

Les favoris italiens, "Mia Madre" de Nanni Moretti, une réflexion intelligente sur la mort, et surtout "Youth" de Paolo Sorrentino, un regard réaliste, mordant et tendre sur la vieillesse incarnée par deux comédiens fabuleux, Michael Caine et Harvey Keitel, sont les grands oubliés du palmarès. Bizarre.

Loin du tapis rouge cannois, le coup de cœur de juin est "Comme un avion" de et avec Bruno Padalydès. Ne pouvant réaliser son rêve de piloter un avion, un quinquagénaire opte pour une escapade solitaire en... kayak sur les rivières de France. Tel un enfant, ce doux rêveur se laisse porter par le courant et s'arrête au gré de ses rencontres. Aussi avec Sandrine Kiberlain et Agnès Jaoui. Un petit bijou de fraîcheur, de poésie et de drôlerie.

Pierre GERMAY

N.B.: Les films repris en gras sont à l'affiche pour le moment.