Elle avait failli disparaître, rasée par des promoteurs immo-biliers. Mais grâce à un formidable travail de restauration, cette perle de l'époque Art Déco sera accessible au public dès le 13 juin à Croix, à côté de Roubaix, à deux pas de la frontière belge. Commandée en 1929 par un riche industriel, à l'architecte parisien Robert Mallet-Stevens, la villa Cavrois fait partie des rares édifices d'esprit moderniste des années 30. Elle témoigne de l'art de vivre tel que le concevaient les architectes de l'Union des Artistes modernes (UAM).

L'architecture totale

Terminée en 1932, la structure de la villa reste très classique non seulement par sa taille (2.500m2 habitables et autant pour les terrasses) mais aussi par la disposition des pièces qui s'articulent autour d'un vaste hall avec de part et d'autre, l'aile réservée aux parents et celle dévolue aux enfants et domestiques. A cette forme classique Mallet-Stevens ajoute un aspect moderniste: l'architecture totale. L'architecte ne se contente plus de créer et dessiner le bâtiment mais il se charge aussi du décor, des jardins et de l'ensemble de l'équipement moderne. La construction de la demeure s'appuie sur les derniers acquis techniques de l'époque: structures en béton armé, grandes baies vitrées, éclairages indirects, ventilation, téléphone, T.S.F. dans chaque pièce, chauffage central et ascenseur.

L'architecte porte aussi une grande attention aux décors et aux matériaux intérieurs. Il prône le dépouillement des formes, la simplification du cadre et le recours à des matériaux et des techniques industriels (verre, métal, acier) ainsi qu'à des matériaux nobles (essences de bois, marbres, etc). Le mobilier doit mettre en évidence la personnalité des propriétaires. Chaque espace est conçu comme un ensemble homogène où le mobilier répond aux besoins de ses occupants. Les espaces extérieurs sont traités avec la même vision pragmatique. En 1932, Mallet-Stevens résume ainsi son programme de confort moderne: "le vrai luxe, c'est vivre dans un cadre lumineux, gai, largement aéré, bien chauffé, avec le moins de gestes inutiles et le minimum de serviteurs".

Restauration

La famille Cavrois vit dans cet environnement d'exception jusqu'en 1986. Par la suite, le mobilier est livré aux enchères. La propriété est vendue à une société immobilière qui commence par lotir une partie du parc et projette de détruire la villa. Totalement laissée à l'abandon, celle-ci est vandalisée et pillée jusqu'à ce qu'une association soit créée pour sauver ce patrimoine. En 2001, l'Etat français l'acquiert ainsi qu'une partie du parc mettant ainsi fin à son destin tragique. Il faudra un vaste chantier (près de 15 ans et 23 millions d'euros) nécessitant un travail de recherche et un savoir-faire considérables, pour restituer l'état originel de ce chef d'œuvre de Mallet-Stevens.

Anne-Françoise COUNET

Informations: www.villa-cavrois.monuments-nationaux.fr