Nouvelles de Flandre
Préservons l'état de grâce de Michaëlle Jean,
nouvelle secrétaire générale de la Francophonie

Lors du quinzième Sommet de la Francophonie organisé fin novembre 2014 à Dakar, une nouvelle secrétaire générale de l'organisation, Michaëlle Jean - pour la première fois une femme et pour la première fois une journaliste dans l'histoire de l'OIF, une citoyenne canadienne se proclamant "du nord et du sud" -, est venue remplacer le secrétaire général sortant Abdou Diouf qui, pendant douze ans, a occupé avec brio et efficacité ce poste qui représente en quelque sorte "la magistrature suprême" d'une organisation francophone réunissant plus du tiers des Etats membres des Nations Unies. Une organisation qui le fait, sinon avec autant de prestige, certainement avec plus d'engagement politique et social que son alter ego anglo-saxon, le Commonwealth britannique.

Notons au passage que le chef du Commonwealth est aussi une femme puisqu'il s'agit de la reine Elisabeth II d'Angleterre. Revanche de l'histoire: Michaëlle Jean, qui fut la "gouverneure" de la reine d'Angleterre au Canada pendant six ans, autrement dit sa subalterne, est aujourd'hui l'un de ses pairs sur la scène internationale.

Il est vrai qu'au stade actuel des choses, Mme Jean, qui, à 57 ans reste "une débutante", ne peut supporter la comparaison avec un Abdou Diouf qui, au terme d'un double mandat, s'est acquis une réputation et un prestige équivalents à celui d'un Ban Ki Moon, d'un Boutros-Boutros Ghali ou même de son compatriote flamboyant Léopold Sedar Senghor. Mais laisser entendre, même sans l'écrire, que Mme Jean qui vient seulement d'entrer dans la fonction manque d'expérience, de charisme, de diplomatie ou globalement d'efficacité politique nous semble immérité, tant les missions qu'elle a déjà conduites dans le passé - et pas seulement des missions de représentation de la monarchie britannique - ont été menées avec succès.

Grand Témoin de la Francophonie

La dernière référence notable en la matière est la mission de "grand témoin de la Francophonie" pour les Jeux Olympiques de Londres, qu'elle a assumée en 2011 (pour la préparation) et en 2012. A cette occasion, l'aile belge de l'Union internationale de la presse francophone (UPF-B) avait fait une présentation élogieuse de Mme Jean dans son bulletin car l'observation rigoureuse du prescrit francophone des jeux, tel que l'avait défini dès l'origine (en 1896) le fondateur le baron Pierre de Coubertin, a été respectée grâce à elle.

Plus récemment, nous écrivions dans le même magazine de l'UPF-B, que pendant ses six ans de mandat comme chef de l'Etat canadien de facto, grand pays bilingue où, comme en Belgique, la langue française est minoritaire, Mme Jean a eu la volonté de ne pas céder aux sirènes anglo-saxonnes... Elle n'a jamais utilisé de transcription anglaise de son prénom (Mikaela) pour contresigner les actes officiels de l'Etat.

Ceci peut ne paraître qu'un détail mais il est significatif d'un engagement, d'une volonté et d'un esprit d'indépendance de Mme Jean, qui imposent le respect. Car Mme Jean, si elle a clamé un peu trop fièrement pour certains (mais avec sincérité et enthousiasme) ses objectifs de renouveau, de solidarité, de refondation de la francophonie dans le respect des cultures, des langues, des différences raciales, religieuses et sexuelles, en évoquant ces thèmes dans son brillant programme "Je m'engage pour la francophonie", au point d'indisposer ceux qui, depuis le "moi Président" d'un certain chef d'Etat décribilisé, ne veulent plus croire en aucune promesse, est, à travers sa combativité, son courage et une certaine juvénilité qui manquait à ce jour aux pontes de la francité, une femme discrète dans son efficacité et sa détermination.

Qui sait par exemple - car elle ne s'en est jamais vantée - que c'est grâce à son intervention personnelle que le chef de l'Etat du Rwanda, Paul Kagame, qui a fait de l'anglais la langue officielle à la place du français, n'est pas sorti de l'OIF pour se réfugier au sein du seul Commonwealth?

Polyglotte

Parfaite bilingue français-anglais (et d'ailleurs excellente polyglotte maîtrisant aussi l'espagnol, l'italien, le créole haïtien, sans compter une bonne connaissance du portugais), cette diplomate de talent n'était-elle pas l'intermédiaire idéale pour ce genre de transactions? Et la toute première des premiers magistrats de l'OIF à être à ce point polyglotte?

Les mots de son programme: solidarité, rassembler, diversité, ouverture, sécurité, promotion des femmes et des jeunes, économie solidaire et respect de l'environnement, réciprocité, respect de l'autre, confiance, action pour le développement économique, aide à la sortie de la dette et de la crise spécifique aux pays francophones du sud, paix par la démocratie... et par la langue française. Propos d'état de grâce! diront les sceptiques?

Désir de ne pas casser cet état de grâce, disent celles et ceux qui croient plus que jamais en "la francophonie vivante"!

 

André BUYSE

Informations: www.michaellejean.ca


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