Nouvelles de Flandre
Sainte-Adresse, capitale de la Belgique

Accrochée à la falaise du Cap de la Hève dominant la Baie de la Seine, la ville de Sainte-Adresse profite d'un des plus beaux panoramas de Normandie. Par temps clair, on aperçoit en face: Honfleur, Trouville, Deauville et au loin, on devine les plages du débarquement.

Dans ce cadre admirable où le ciel et la lumière oscillent et se transforment sans cesse, on comprend aisément ce qui a séduit des peintres comme Claude Monet ou Raoul Dufy.

L'histoire de Sainte-Adresse (nom, sans doute imaginé par les marins, qui signifiait la fin de navigations difficiles) est indissociable de celle de son grand voisin, le Havre. La création du port puis le développement du commerce maritime attirent de plus en plus de nouveaux habitants sur le promontoire. Le village se développe. Alphonse Karr, rédacteur au Figaro vient s'y installer, il devient conseiller municipal, invite de nombreux écrivains et fait de Sainte-Adresse un lieu prisé par l'intelligentsia. La bourgeoisie fortunée lance la mode des villégiatures.

Le "Nice-Havrais"

Au début du 20ème siècle, Georges Dufayel, un riche homme d'affaires, fait construire un lotissement d'élégantes villas en bord de mer, au pied des falaises pour concurrencer Deauville. Ce site privilégié, protégé du vent du nord, prend le nom de "Nice-Havrais".

Installation du Gouvernement belge

Quand les premiers coups de canon résonnent en août 1914, le gouvernement belge quitte Bruxelles, se replie à Gand puis Anvers et Ostende. Que doit-il faire? Il demande l'hospitalité à la France et l'autorisation de s'installer au Havre. Le site de Saint-Adresse a l'avantage de ne pas être trop éloigné du front. La cité balnéaire possède des infrastructures, hôtels, immeubles, villas permettant de loger rapidement l'administration d'un Etat indépendant en exil.

Deux bateaux quittent Ostende, transportant plus d'un millier de personnes, le corps diplomatique et les fonctionnaires des ministères. Le 13 octobre, ils s'installent dans le quartier de Nice-Havrais déserté en cette fin de saison. Les Français se coupent en quatre pour accueillir ces hôtes particuliers.

Sainte-Adresse devient la capitale de la Belgique, le Nice-Havrais se transforme au fil des semaines en Nice-Bruxellois. Les différentes institutions et services se dispersent dans les multiples bâtiments mis à leur disposition. Un important industriel local met sa belle villa à la disposition du roi Albert et de sa famille. Jamais, cependant, le monarque ne séjournera à Sainte-Adresse, préférant demeurer auprès de ses troupes.

La diplomatie s'organise

Tous les membres du gouvernement et quelques hauts fonctionnaires résident à l'"hôtellerie". Le légat du pape, les ministres plénipotentiaires et les attachés militaires trouvent un hébergement dans un autre hôtel. Là, sont représentés la Grande-Bretagne, la Russie, les Pays-Bas, l'Italie, le Japon, la Grèce, l'Espagne,... bref, les pays alliés et amis.

L'Association pour le Patrimoine de Sainte-Adresse révèle certaines anecdotes sur la vie qui se met en place, à l'époque, dans la cité balnéaire: "La cuisine est excellente. Mais il y a deux tables distinctes: celle des pays alliés et celle des pays neutres. Avec les événements et les changements d'alliance, la guerre se déroule ici à fleurets mouchetés, ou plutôt par changements de couverts. Ainsi, lorsque la Roumanie se range du côté des Alliés, son couvert rejoint triomphalement leur table et quand la Bulgarie se lie aux forces de l'Axe, son couvert se trouve discrètement retiré".

Un pays dans la ville

Entre 1914 et 1918, c'est donc toute l'activité politique, diplomatique, administrative mais aussi économique et culturelle qui se concentre à Sainte-Adresse. Rapidement un quotidien "le XXème siècle" paraît. Un bureau de poste est ouvert et débite des timbres à l'effigie du roi (timbres bien singuliers pour les Français et convoités par les philatélistes).

Fait pittoresque: en souvenir de ce service particulier, une boite aux lettres rouge a été offerte par le ministre des Postes belges et installée devant le bâtiment principal abritant le gouvernement. Aujourd'hui encore, une levée du courrier est effectuée quotidiennement.

Un hôpital militaire est aménagé dans un lycée. Les enfants des réfugiés fréquentent les écoles avec les petits Français. Les hommes et femmes travaillent dans l'industrie locale. Mais les Belges aménagent aussi leurs propres usines entièrement tournées vers l'effort de guerre, notamment des ateliers de construction et réparation de véhicules de l'armée ainsi que de fabrication de poudre et de munitions.

Héritage belge

Après la guerre, Sainte-Adresse et la Belgique continuent d'entretenir des liens privilégiés: le lion des Flandres orne le blason du Havre; un monument de la "Reconnaissance à la France" est offert à la ville en 1924; une statue à l'effigie du roi Albert 1er est érigée en 1938; la ville est jumelée avec La Panne.

Dans le cadre de la commémoration du centenaire de l'arrivée du gouvernement belge, Sainte-Adresse a mis les petits plats dans les grands et organise de nombreuses activités. Des agrandissements de photos d'époque sont affichés sur les cabines de plage; des panneaux retraçant les faits historiques et anecdotes sont installés sur la promenade le long de la mer; des animations et conférences ont été organisées cet été et, cerise sur le gâteau, le 4 octobre le roi Philippe honore de sa présence les cérémonies commémoratives auxquelles participe la célèbre Patrouille de France pour une démonstration en plein vol.

 

Anne-Françoise COUNET

Informations: www.ville-sainte-adresse.fr


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