Nouvelles de Flandre
Défis et enjeux du 15ème Sommet de la Francophonie

Tous les deux ans, les chefs d'état et de gouvernement des pays membres de l'Organisation internationale de la Francophonie (OIF) se réunissent en Sommet pour définir les grandes orientations et objectifs de l'Organisation (qui sont consignées dans la Déclaration finale) et statuer sur l'admission de nouveaux membres.

Le 15ème Sommet aura lieu les 29 et 30 novembre à Dakar, au Sénégal, sous le thème "femmes et jeunes en francophonie: vecteurs de paix, acteurs de développement". Un thème important qui montre la nécessité d'accorder une attention toute particulière à la situation, aux aspirations et aux attentes des femmes et des jeunes, qui sont confrontés à de nombreux défis, et de favoriser leur participation dans les processus de paix et de développement.

Une prise de conscience urgente était nécessaire pour mobiliser et engager la communauté francophone, notamment au niveau de l'éducation. La déscolarisation précoce et même la non-scolarisation des filles sont de véritables freins au développement. Il est donc indispensable de mettre en place des actions pour favoriser l'accès à l'école. Dans une trentaine de pays francophones, la scolarité des fillettes ne va souvent pas au-delà de 10 à 12 ans. Or, l'école et l'éducation sont les clés qui ouvrent les portes de tous les savoirs et de tous les pouvoirs. Des efforts spécifiques doivent être faits pour aider les parents à payer les frais de scolarité, les motiver à laisser leurs filles aller à l'école mais aussi pour construire des écoles, acheter du matériel et surtout former des professeurs de qualité. Pour soutenir toutes ces actions, un Fonds mondial francophone devrait être créé.

Enjeux politiques

Les fondateurs de ce qu'est devenue l'Organisation internationale de la Francophonie, avaient comme ambition de regrouper les anciennes colonies nouvellement indépendantes qui désiraient entretenir des relations basées sur la langue et la culture françaises avec leur métropole. Mais, en 2014, la Francophonie regroupe, désormais, 77 Etats et gouvernements - plus de 890 millions de personnes - une mosaïque de peuples sur tous les continents plus ou moins liés par la langue française. L'Organisation a largement étendu son champ d'action et promeut dorénavant: la diversité culturelle, la paix, la démocratie, les droits de l'homme, l'éducation, ...

L'OIF représente plus d'un tiers des états membres de l'ONU ce qui lui donne un poids démographique, politique et diplomatique considérable. Elle se doit, dès lors, de participer activement aux grands débats sur les enjeux de notre monde.

Dans cette optique, elle participe, entre autres, au processus de mise en œuvre des mandats du Conseil des droits de l'Homme et de ses mécanismes, dont en particulier l'Examen périodique universel (EPU). Ce partenariat a permis notamment l'Organisation de séminaires francophones sur l'EPU (qui sont devenus un forum d'échanges, de réflexion et de concertation) et l'édition d'un guide pratique sur la mise en œuvre des recommandations de l'EPU.

Par ailleurs, l'OIF s'est engagée concrètement puisque, dans la Déclaration du Sommet de Kinshasa en 2012, les chefs d'État ont précisé dans l'article 32 qu'ils encourageaient "l'accélération du processus de ratification par l'ensemble des pays francophones des principaux instruments internationaux relatifs aux droits de l'homme". Quand on sait que dès sa création, l'ONU a fait figurer les droits des minorités en tête de ses préoccupations relatives aux droits de l'homme, on peut s'attendre à ce que l'OIF soit attentive à la ratification de la Convention-cadre sur la protection des minorités nationale par la Belgique et en particulier à la protection de la minorité francophone en Flandre.

L'OIF entend aussi promouvoir la paix et la démocratie. Or, aujourd'hui, de nombreux conflits menacent cette paix et la sécurité dans l'espace francophone, principalement en RDC, au Mali et en République centrafricaine. Pour l'instant, il faut bien constater que la Francophonie n'a pas encore réellement la capacité de jouer pleinement son rôle à ce niveau là.

Enjeux économiques

La Francophonie doit, dans un environnement mondialisé, aussi tenir compte des considérations d'ordre économique si elle veut jouer un rôle sur la scène internationale. Les nouveaux pays qui frappent à sa porte et veulent en devenir membre (le Costa Rica et le Mexique présentent leur candidature pour le prochain sommet), ne sont plus motivés uniquement par des considérations linguistiques ou culturelles mais par des objectifs d'ordre politique, diplomatique et surtout, sans doute, d'ordre économique.

Cependant, le poids de la Francophonie dans l'économie mondiale demeure encore faible. Les États francophones, notamment ceux d'Afrique sont souvent ceux qui sont dans le peloton de queue dans le classement des performances économiques. Malgré leurs ressources naturelles, ils ne contribuent que très peu à l'économie mondiale. Ces pays figurent aussi, pour la plupart, parmi ceux qui ont une mauvaise gouvernance. Autre facteur, s'il en est, plus que néfaste à un développement efficace.

Il s'agira donc à la Francophonie de démontrer sa capacité à favoriser le développement économique en encourageant par exemple les échanges commerciaux entre ses membres du Nord et du Sud afin de permettre à ces derniers d'intégrer pleinement le système économique mondial. Dans un rapport consacré à "la dimension économique de la francophonie" L'économiste français Jacques Attali indique que "l'effacement progressif des frontières nationales impose d'autres critères d'appartenance identitaire: la langue et la culture constituent la nouvelle géographie". Selon lui, "deux pays partageant des liens linguistiques tendent à échanger environ 65% plus que s'ils n'en avaient pas".

Enjeux linguistiques

La Francophonie ne cherche pas à concurrencer l'anglais. Elle entend promouvoir le multilinguisme dans les instances internationales pour une meilleure efficacité des interactions multilatérales.

La Francophonie a l'avantage d'avoir cinq villes francophones (Genève, Bruxelles, Paris, Strasbourg et Montréal) qui hébergent plus de la moitié des sièges sociaux des organisations internationales et européennes. Les fonctionnaires internationaux qui y habitent ont tout intérêt à apprendre le français pour communiquer avec le monde qui les entoure.

D'autre part, l'OIF compte de plus en plus de membres dont le français n'est pas la langue officielle. On s'attendrait donc à ce que ces États fassent des efforts pour promouvoir le français. Certains parlent même d'exiger la signature d'un Pacte linguistique.

Election du Secrétaire général

Le prochain Sommet sera aussi l'occasion d'élire un nouveau Secrétaire général pour succéder à M. Abdou Diouf. Il faudra trouver une personnalité capable d'assurer la visibilité et la crédibilité de la Francophonie. Le choix devra être consensuel pour ménager les susceptibilités et rivalités entre les deux principaux contributeurs de l'Organisation: la France et le Canada.

Plusieurs candidats se sont déclarés: Madame Michaëlle Jean, ancienne journaliste, née en Haïti, ancienne Gouverneure générale (Chef d'Etat) du Canada. Le hic, c'est que le numéro deux de la Francophonie, Clément Duhaime, est aussi canadien. Plusieurs Africains sont cités: Augustin Nze Nfumu de Guinée équatoriale (candidat de dernière minute); l'ancien président du Burundi Pierre Buyoya (qui risque d'être disqualifié en raison des deux coups d'état qu'il a mené dans son pays); l'ancien ministre du Congo Brazzaville, écrivain et intellectuel de renom, Henri Lopes (qui souffre du handicap de l'âge: 77 ans); Jean-Claude de l'Estrac, ex ministre des Affaires étrangères de l'île Maurice (qui pourrait représenter une nouvelle ouverture) et, depuis juillet dernier, l'ancien et éphémère président du Mali Dioncounda Traoré (originaire d'Afrique de l'ouest, tout comme l'actuel secrétaire général). Or, pour beaucoup, c'est à l'Afrique centrale d'occuper le poste à présent...

Le Sommet de Dakar sera l'occasion pour la Francophonie de démontrer sa capacité à se rassembler autour d'une personnalité qui pourra faire évoluer l'Organisation et lui donner les moyens indispensables à la réalisation de ses larges et généreuses ambitions.

 

Anne-Françoise COUNET

Informations: www.francophoniedakar2014.sn


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