Nouvelles de Flandre
14-18 et "mythes fondateurs" de l'aventurisme flamingant

Un peu partout en Europe, débutent les commémorations liées au souvenir de la guerre 14-18 qui fut vraiment le premier conflit d'importance mondiale.

La Belgique du début du 20e siècle, nation démocratique (dont la constitution de 1831 fut jugée comme l'une des plus avancées), jeune (elle n'avait pas cent ans) et dynamique (elle s'était hissée au 2e rang mondial des nations industrialisées) joua dans ce conflit un rôle proportionnellement plus grand que celui qu'elle aurait dû jouer, compte tenu de son territoire et de sa population.

Sa situation géographique centrale en Europe, son aura de "moyenne puissance" (industrialisation, commerce international, possessions coloniales) et le gabarit exceptionnel de son leader (Albert Ier) peuvent expliquer cette sorte de "surreprésentativité" même si celle-ci ne se concrétisa - heureusement - pas par les chiffres de l'hécatombe que fut la "grande boucherie" ("seulement" 40.000 militaires et 20.000 civils tués).

Il était donc justifié que la Belgique commémore la guerre 14-18 sur une grande échelle, aux yeux de ses propres citoyens comme à ceux des autres pays belligérants. Tout serait donc "politiquement correct" tant au niveau national qu'international si ces commémorations n'étaient pas ternies en Belgique... par une coloration politique marquée, comme l'observe très judicieusement le correspondant belge du "Monde", Jean-Pierre Stroobants, ou comme le constate implicitement l'éditorialiste en chef du "Soir", Béatrice Delvaux.

D'ailleurs, tout citoyen francophone belge, qu'il soit wallon, bruxellois ou flamand, peut aussi le constater, par exemple au détour d'une innocente visite à l'exposition "14-18, c'est notre histoire" (jusqu'à la fin du mois d'avril 2015 au musée de l'Armée, à Bruxelles).

Cette exposition, comme diverses autres commémorations, ne pipent mot sur l'imposture historique et sur la mystification politique que représentent les "mythes fondateurs" du mouvement flamand, mythes censés illustrer la "victimisation" des soldats flamands dans les tranchées de l'Yser.

Certes, dans les musées flamands ("In Flanders Field", Tour de l'Yser, etc), au cours des commémorations se tenant en Flandre et jusque dans les écoles primaires de la région flamande, on évoque ces mythes, "assertions fausses de A à Z" comme en conviennent du moins depuis 1980 les historiens et journalistes flamands les plus sérieux.

Le Monde rappelle qu'en 1914-18 les activistes flamands qu'on trouvait parmi les politiciens et même au sein de la magistrature, s'appuyaient sur l'occupant teuton pour obtenir la séparation administrative, voire l'indépendance de la Flandre belge. On appelait cela alors la "Flamenpolitik". Ses partisans avaient leur revue "Germania" et se félicitaient de la création par l'occupant d'un "Raad van Vlaanderen". Cette politique n'avait d'autre but que de fissurer la Belgique de l'intérieur et puis de créer un Etat satellite (comme aujourd'hui la Crimée ou Chypre-nord, comme aujourd'hui encore le discours d'un Bart De Wever sur "l'évaporation" de l'Etat belge).

Le Soir évoque les ados flamands de 15-16 ans qui sur Twitter font des commentaires au sujet du mythe des ordres donnés en français à des fantassins flamands qui ne les comprenaient pas et qui, de ce fait, auraient été se faire tuer en plus grand nombre.

Bien sûr on ne leur a pas dit qu'il n'y avait pas de disproportion flagrante entre soldats flamands et francophones dans les tranchées (tout au plus 3% de Flamands de plus, selon l'historienne Laurence Van Ypersele) et que les Wallons, pas davantage que les Flamandophones, ne comprenaient la langue française. En fait, Flamands comme Wallons disposaient dans les tranchées d'interprètes traduisant les ordres dans leurs dialectes respectifs. En outre, s'il pouvait y avoir "un peu plus" de Flamands ethniquement parlant, cela ne voulait pas dire "plus de néerlandophones": une part appréciable de ces engagés du nord du pays avaient le français pour langue maternelle.

Van Ypersele rappelle le rôle de quelques sinistres activistes flamands_: Raf Verhulst, August Borms (condamné à mort en 1919 mais qui put poursuivre ses visées séparatistes jusqu'à la fin de la seconde guerre et, bien qu'il fut fusillé comme collabo en 1946, bénéficie depuis 2008 d'un musée dit "Bormshuis" inauguré à Anvers avec la bénédiction du Vlaams Belang) ou encore l'écrivain Cyriel Verschaeve (autre collabo condamné à mort mais dont les poèmes sont toujours récités avec ardeur).

Certains soulignent que cet activisme séparatiste de 14-18 n'était en quelque sorte que la répétition générale de celui qui aurait cours sous un régime d'occupation autrement plus odieux, pendant la guerre 1940-45.

Nous permettrons d'apporter ici un témoignage personnel, celui de notre propre aïeul, combattant dans l'armée belge pendant la brève campagne de juin 1940 et fait prisonnier avec bien d'autres soldats des deux régimes linguistiques dans un camp allemand dans le Namurois.

La plupart des néerlandophones étaient libérés après quelques semaines, les autres envoyés en Allemagne pour une longue détention. Bruxellois parfait bilingue, notre aïeul paternel mit à profit les jours de détention au camp pour inculquer à un maximum de Wallons le BA-BA indispensable du néerlandais, de sorte que nombre d'entre eux purent "réussir" le sinistre examen linguistique qu'on leur faisait subir... et ainsi pouvoir rentrer chez eux.

Exemple vécu qu'on devrait peut être enseigner aux jeunes élèves flamands... ou rappeler aux visiteurs d'expositions aussi emblématiques que "14-18, c'est notre histoire". Mais quels Belges recouvre ce "notre"?


André BUYSE


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