Nouvelles de Flandre
La frontière linguistique a 50 ans

Septembre 2013 a marqué le 50e anniversaire de la fronti-ère linguistique imposée par une "loi oukase" votée sans majorité spéciale.

Quelles lois et réglementations communautaires à vocation "nationale" et a fortiori quelle réforme de la constitution belge pourraient-elles être adoptées de nos jours au parlement fédéral autrement que par un vote à majorité spéciale?

Ce principe démocratique est universellement reconnu comme une garantie de protection des droits des minorités. Une application en quelque sorte du principe de la dignité humaine, telle que régi par la convention universelle des droits de l'homme que toutes les nations du monde ont approuvée ou reconnue implicitement.

Eh bien il faut savoir qu'une loi qui régit le "vivre ensemble" d'un pays souvent cité comme un exemple de démocratie, la loi instituant la frontière linguistique actuelle, n'a pas été promulguée en application d'un vote à majorité spéciale, autrement dit d'un vote à résonance démocratique. Certes, les temps ont bien changé. Le vote portant sur le retour en Belgique du roi Léopold III lui aussi n'a été acquis que par la volonté de l'électorat flamand dont la majorité était pour le retour du roi alors qu'en Wallonie la majorité était contre.

Rien d'étonnant donc si c'est seulement au nord du pays qu'en septembre dernier on a festoyé pour célébrer ce drôle de jubilé, tandis que les populations des Fourons, des communes de la périphérie bruxelloise ou même de commu-nes frontalières de la France comme Menin, ont ressenti cette célébration comme éminemment vexatoire. Wallons et franco-phones de tout le pays ont pourtant fait preuve d'un extraordinaire fair-play, d'une bonne volonté exemplaire, en composant sans rechigner pendant des décennies avec cet oukase flamand à connotation géographique, administrative, culturelle et ethnique.

Le hasard a voulu que nous soyons tombé sur l'atlas géographique mis à disposition des élèves de l'enseignement secondaire francophone à partir de 1987, ouvrage publié par l'éditeur De Boeck-Duculot, lequel comportait une carte intitulée "la Belgique régionalisée" reprenant les données démographiques et linguistiques arrêtées de manière approximative au terme de la mise en vigueur de la loi de 1962 fixant la frontière linguistique, données qui étaient toujours enseignées dans les années 1980.

La carte avait cette particularité (qui n'est plus apparue ultérieurement), d'exposer une planification de la région bruxelloise, de sa périphérie flamande, et, surtout, d'intégrer la localisation et la définition précises des communes ou morceaux de communes flamandes citées dans le "pacte d'Egmont" de 1977, que fit capoter le premier ministre CVP de l'époque, Léo Tindemans, avec grand fracas puisqu'il n'hésita pas à démissionner en 1978 pour que ce projet ne soit même pas discuté! Rappelons que le "pacte d'Egmont" ajoutait aux communes à facilités des parties du Brabant flamand où les habitants auraient pu bénéficier d'un "droit d'inscription linguistique".

La carte de De Boeck évoque ces territoires majoritairement ou partiellement francophones en y précisant les pourcentages estimés: Alsemberg (34 pc), Beauval lez- Vilvorde (65 pc), Beersel (17 pc), Dilbeek (17 pc), Grand-Bigard (28 pc), Mutsaard lez- Vilvorde (60 pc), Notre-Dame-au Bois (70 pc), Sterrebeek (28 pc), Strombeek-Bever (31 pc), Woluwé-Saint-Etienne (28 pc), Zuen lez- Leeuw-Saint-Pierre (60 pc). Quant aux communes à facilités, les pourcentages de francophones y étaient estimés comme suit : Crainhem (78 pc), Drogenbos (55 pc), Linkebeek (75 pc), Rhode-Saint-Genèse (51 pc), Wemmel (58 pc) et Wezembeek-Oppem (56 pc).

Dans n'importe quel autre Etat démocratique, le fait d'accrocher ces territoires à des régions politiques unilingues imposant une langue qui n'est pas celle de la majorité des populations locales eut été inconcevable.

Le fait qu'un manuel scolaire nécessairement approuvé, à l'époque, par les responsables de ce que l'on appelait "l'Education nationale" mentionne ces chiffres laisse

deviner à quel point ces derniers étaient proches de la réalité. C'est pourquoi, même si la minorité francophone actuelle de Flandre a peu d'espoir de voir accepter ces taux, il importe de les faire connaître, sinon reconnaître, par la communauté internationale.


André BUYSE


Copyright © 1998-2013 A.P.F.F.-V.B.F.V. asbl

Secrétariat: Spreeuwenlaan 12, B-8420 De Haan, Belgique
Téléphone: +32 (0)59/23.77.01, Télécopieur: +32 (0)59/23.77.02
Banque: 210-0433429-85, Courriel: apff@francophonie.be
Site: http://www.francophonie.be/ndf