Nouvelles de Flandre
Année Maeterlinck, année de révélations

Le 9 novembre 2011 il y avait cent ans que fut décerné à Maeterlinck le prix Nobel de littérature. De plus, l'année 2012 coïncide avec le 150 ième anniversaire de la naissance de Maeterlinck - à Gand en 1862. Une "Année Maeterlinck" s'imposa donc. Elle commença le 9 novembre 2011 par une exposition au Musée des Beaux- Arts de Gand, Le Monde de Minne et Maeterlinck. Selon les spécialistes du symbolisme, elle rassembla des premières éditions, des dessins et tableaux "comme jamais on n'en avait vu d'aussi remarquables en aussi grande quantité" (Michel Otten). Dans la même exposition, les salles des sculptures de George Minne furent d'une beauté extraordinaire.

La deuxième exposition, L'oiseau bleu au Kunsthal de l'abbaye Saint-Pierre, fit honneur à la renommée internationale de l'auteur. Nos lecteurs qui ne connaissent pas la féerie de la recherche du bonheur qu'est L'Oiseau bleu, retrouveront en librairie le petit livre réédité en poche avec la couverture de la Fée de la nuit par Kandinsky. Il offre aux adultes deux soirées de lecture d'une sagesse exceptionnelle, un délice d'introspection et d'humour.

Pour redécouvrir Maeterlinck, rien ne fut plus réussi que la pièce jouée à Gand par le théâtre amateur Le Nœud, un superbe Pelléas et Mélisande comme Maeterlinck lui-même l'aurait conçu, et comme, malheureusement, on ne le joue plus. Remarquable réussite. Un petit miracle.

Par ses silences, la modestie de son langage, l'hésitation de la pensée, le quotidien vécu avec sensibilité, les attentes, la joie, l'espérance et les contrariétés fatales, l'histoire d'amour d'abord prometteuse, évolue ensuite, douloureuse et tragique. Ce fut d'une beauté magique. Et une décou- verte pour le public de 2012 : que Maeterlinck soit aussi près de nous ? Aussi intéressant, aussi subtil ?

Par l'usage de voiles sur scène, les petits tableaux du théâtre de Maeterlinck se perdent dans le vide immense de la forêt, d'une pièce du château, d'un arrêt au bord de l'eau et permettent ainsi l'éloignement des tableaux dans un espace non défini, qui à son tour crée le silence et une profonde sensibilité. Les éclairages et le travail en profondeur du metteur en scène Luk De Bruyker sont, à eux seuls, une véritable œuvre d'art. La scénographie Khnopff, Minne, Gouve de Nunque a été conçue par lui. Ce connaisseur de Maeterlinck est célèbre à Gand en tant que créateur et interprète du Pierrot - Pierke Pierlala - du théâtre de marionnettes Taptoe qui connaît un succès international. Les traductions en français furent faites... par la comédienne, secrétaire du théâtre Le Nœud, Pilou Hubin. Une estime mutuelle étant née de ces années de collaboration, pour Pelléas et Mélisande, Le Nœud a pu non seulement compter sur la connaissance approfondie de De Bruyker des symbolistes et de Maeterlinck, mais put aussi faire usage du matériel scénique du théâtre Taptoe. Luk De Bruyker fit projeter sur les voiles de la scène un bois de Gouves de Nuncque, le visage de femme de Khnopff, les plumes du paon. Il plaça en arrière-scène Les trois pleureuses de Minne.

Les réactions furent claires. Les spectateurs ne s'attendaient pas à découvrir une pièce qui les toucherait aussi profon- dément. Quel talent ! se chuchotait-on...

Détail important. Pour cette production, le Nœud a reçu l'appui du CRAL, le Cercle royal artistique et littéraire, de la Fondation Maeterlinck - grâce au professeur Christian Angelet -, du Club Richelieu Zwin de Knokke, de l'Association pour la Vulgarisation de la Langue française. La production a été reprise sur le site Maeterlinck de la ville de Gand, mais la demande de subsides à la ville de Gand fut vaine - bien que correctement rentrée et appuyée par Patrick Delasorte. Le prétexte fut qu'il ne s'agissait pas d'une "création". No comment!

Cinq livres virent le jour pendant cette année Maeterlinck. Les catalogues des deux expositions qui sont de véritables études, fort joliment illustrées. La poésie complète Maeterlinck en français et en néerlandais, Verzamelde gedichten, sur la page de gauche le poème original en français, lui faisant face sur la page de droite, la traduction en néerlandais. Le traducteur Joris De Zutter est poète, philologue classique et conservateur du musée Maeterlinck à la rue des Champs. L'édition de Lannoo est de toute beauté. On ne connaît que 70 poésies de Maeterlinck, et tout y est: Serres chaudes, Quinze chansons, Neuf chansons de la trentaine et Treize chansons de l'âge mur. Les anthologies de la poésie de Maeterlinck sont rares, même en français. L'édition de Lannoo, Tielt est donc précieuse. Signalons aussi, pour les amis flamands, qu'André Capiteyn, auteur, en 2008, des deux biographies joliment illustrées Maurice Maeterlinck, un Prix Nobel, et Maeterlinck, een Nobelprijs voor Gent (2008), vient de publier une traduction flamande de l'autobiographie de Maeterlinck, Bulles bleues. Enfin, Les maisons de Maeterlinck, est un album de photos du petit-neveu du poète, Nicolas Maeterlinck, journaliste photographe.

Cette année Maeterlinck aura enfin ramené Maeterlinck "chez lui"! Il était vraiment un fils de Flandre.

 

Nicole VERSCHOORE 


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