C'est un "patchwork" historique passionnant et révélateur du passé de la Belgique que nous présente le gentilhomme gantois Luc Beyer de Ryke. Cette analyse des éléments constitutifs de la Belgique et des courants d'opinion visant à modifier ses frontières est faite, avec un souci d'objectivité par l'historien de l'instant qu'est le journaliste. Son reportage historique est écrit dans le style habituel de l'auteur: un français châtié au service d'un esprit de finesse et d'un humour bien tempérés. Un petit ouvrage donc - 197 pages! - qui fait bonne impression. Ce qui, on en conviendra, est important pour un livre!

L'auteur affirme, dans son prologue, qu'il "entend seulement ausculter, radiographier les Belges et la Belgique". Cette image médicale, montre à suffisance, qu'on n'a pas affaire à un pays en excellente santé. Cette région d'Europe était connue des iguanodons et y vivaient les contemporains de l'homme de Spy. Jules César fit à nos lointains ancêtres l'honneur d'une visite guerrière et d'une appréciation flatteuse, qui traversa les siècles. Comme on voit, les Germains et les Romains sont depuis longtemps en rapport les uns avec les autres.

Si l'on parle de la Belgique, c'est à Bonaparte, empereur des Français qu'on le doit. En perdant la bataille de Waterloo, il donna à ses vainqueurs et plus précisément aux Anglais la possibilité d'exiger la création d'un Etat-tampon propre à modérer les tentations expansionnistes de la France. La Belgique naquit, sans être consultée, comme c'est le cas pour toute naissance. Personne, à l'époque, ne mesure les conséquences d'enfermer dans les mêmes frontières les Germains de Flandre et les Latins de Wallonie. Deux langues, deux mentalités, deux attitudes vis-à-vis de la religion, deux visions politiques différentes: de quoi ne jamais devenir une Nation!

Luc Beyer guide son lecteur ou sa lectrice à travers l'embrouillamini de l'âpre dialogue entre les deux Communautés. Il le fait avec une parfaite maîtrise du sujet comme en attestent des documents jusqu'ici non publiés (un long texte que Léon Degrelle écrivit en Espagne, où il s'était réfugié à la fin de la guerre 40-45) des portraits de personnalités diverses dont il évalue l'influence exercée entre les deux guerres et durant la dernière guerre (Joris van Severen, fondateur du VERDINASO, dont il trace le cheminement politique), des notes biographiques courtes d'environ 80 personnes qui ont joué un rôle dans l'histoire moderne de la Belgique et que l'auteur a connus de près ou à travers des écrits (feu Jean Gol, François Perin, Antoinette Spaak, André Renard, Guy Verhofstadt… et Bart Dewever!).

Le lecteur ou la lectrice aura la surprise amusée de trouver trois versions successives de la Brabançonne, notre hymne national, dans les trois langues du pays. De quoi laisser pensif notre ancien Premier ministre Yves Leterme, qui s'illustra en confondant la Brabançonne avec la Marseillaise.

Luc Beyer termine son livre par cette observation fondamentale: "La Flandre se fonde sur le droit du sol, la Belgique romane en appelle au droit des gens. Concilier l'inconciliable est la quadrature du cercle."

Il demande des hommes politiques mathématiciens, capables de résoudre l'équation. Ce qui laisse supposer qu'il n'a pas connaissance de l'échec des plus grands mathématiciens devant cette démonstration impossible.

Marcel BAUWENS

"La Belgique et ses démons" par Luc Beyer de Ryke, Editions Mols