Nouvelles de Flandre
L'avenir de la minorité francophone en Flandre entre les mains de l'ONU

La plainte pour non-respect des droits culturels et du statut de minorité des Francophones de Flandre que l'APFF a déposée sur le bureau de la commission ad hoc des Nations Unies fera l'objet d'un examen attentif et sans complaisance. Nous avons confiance dans la solidité de notre dossier. Lequel suit maintenant le chemin normal de la procédure. Ce chemin est long et semé - non pas d'embûches - mais de difficultés: le dossier est soumis à plusieurs comités où siègent des spécialistes des droits de l'homme. Il s'agit d'un processus "quasi judiciaire", nous a-t-on précisé, qui peut mener à la condamnation du pays en question.

Cette action se développe parallèlement à la procédure de l'Examen périodique universel. Chaque pays doit se présenter devant le Groupe de travail qui encourage le respect pointilleux des droits de l'homme et adresse des recommandations au pays qui aurait toléré des manquements dans l'un ou l'autre secteur d'activité. La séance fait l'objet d'un rapport officiel. La Belgique a été entendue en mai 2011. C'est Steven Vanackere, ministre des Affaires étrangères qui présentait la situation dans notre pays. Un plaidoyer mesuré et relativement optimiste. Mais dans lequel on notera un fâcheux oubli: pas un mot sur la situation intolérable faite aux 300.000 francophones de Flandre. Notre plainte arrive fort à propos pour remplir ce trou!

Voilà un brûlot dont hérite Didier Reynders, nouveau ministre des Affaires étrangères, dont le parti (MR) avait inscrit dans son programme la reconnaissance et la protection de la minorité francophone en Flandre.

Une image peu flatteuse de la Flandre

Il verra que l'image de la Flandre n'est pas aussi positive que les hommes politiques du nord du pays veulent bien le dire. Une série de faits l'ont fameusement ternie.

Primo, la Flandre n'a pas encore accepté que la Belgique ratifie la convention-cadre relative à la protection des minorités nationales. Les porte-parole de la Flandre ont continuellement nié la présence d'une minorité francophone en Flandre. Une affirmation dont le caractère fallacieux apparaît à la lumière des informations recueillies par les autorités européennes, les résultats de sondages et par la reconnaissance de cette minorité - soi-disant inexistante - par l'Encyclopédie du Mouvement flamand ("Encyclopedie van de Vlaamse Beweging"), peu suspecte de favoriser les thèses francophones.

Secundo, la Flandre n'a pas passé d'accord culturel avec la Communauté française, alors que Mme Nabholtz, chargée par le Conseil de l'Europe d'examiner la situation en Belgique, avait souligné l'urgence de cette démarche et son importance pour améliorer les relations entre les communautés. Un accord culturel que la Flandre a bien passé avec plusieurs autres pays ou régions francophones.

Sans oublier les problèmes récurrents que rencontrent les francophones de la périphérie de Bruxelles. Dernier en date: la bourgmestre de Grimbergen a demandé aux citoyens flamands de signaler aux autorités communales les commerçants qui parlent une autre langue que le néerlandais avec leurs clients. Devant le tollé qu'a soulevé cette malencontreuse incitation à la délation, la bourgmestre a plaidé le malentendu. Ce qui n'aura pas convaincu grand monde. Cet incident révèle au grand jour une mentalité que génère un esprit nationaliste étriqué.

La Belgique pointée du doigt

Dans les documents de travail servant de base à l'Examen périodique universel de la Belgique, le fait que le Conseil de l'Europe recommande à notre pays de ratifier la Convention-cadre pour la protection des minorités nationales est mis clairement en évidence. Notons également que dans le rapport final, le mot "minorité" apparaît une vingtaine de fois. C'est dire combien les pays membres des Nations Unies accordent d'importance à cette question. C'est sans doute aussi la raison pour laquelle la Belgique s'est engagée volontairement à présenter un rapport intermédiaire en 2013.

Les Flamands ont, jusqu'ici, gagné du temps en faisant valoir qu'il n'existait pas, chez nous, de consensus sur la notion de minorité. En fait, la Flandre nationaliste impose sa loi au pays tout entier. La Belgique défend une position qui est dictée par la seule Flandre. Il est temps de faire apparaître que la Flandre porte la responsabilité d'atermoiements regrettables. Il est d'autant plus nécessaire d'aboutir, qu'au niveau des Nations Unies, des réactions se font jour. La Russie, par exemple, a émis une recommandation qui invite l'Etat belge à ratifier la Convention-cadre. La Hongrie recommande, quant à elle, la ratification de la Charte européenne des langues régionales ou minoritaires.

L'APFF au Forum des minorités

Ce blocage obstiné de la Flandre donne à l'APFF un délai pour fourbir ses armes. Déjà avons nous participé au Forum des minorités, les 29 et 30 novembre derniers. Ce forum est un organe des Nations Unies, tout ce qu'il y a de plus exemplairement démocratique. Les représentants de la société civile s'y expriment en toute liberté, disposant du même temps de parole que les délégués des pays. C'est une tribune du haut de laquelle on peut s'adresser au monde entier. Nous comptons bien y faire entendre notre voix. C'est aussi un lieu où l'on peut rencontrer des haut-fonctionnaires onusiens et bénéficier de leurs conseils éclairés.

Les Flamands doivent comprendre qu'invoquer le droit du sol à propos de l'usage de la langue est légitime pour autant que, comme c'est le cas au Québec, les droits de la minorité soient respectés. C'est un truisme qu'il convient de faire comprendre à la Flandre. Mais cela suppose que le bon sens et la bonne volonté se substituent au complexe obsessionnel anti-francophone.

L'enjeu

Si d'aventure la Belgique, et à travers elle la Flandre, se voyait condamnée par les Nations Unies pour non-respect du droit des minorités, les historiens de demain devraient constater, avec effarement, que cette situation est sans commune mesure avec la revendication modeste des Francophones de Flandre. Nous sommes parfaitement intégrés dans la société flamande. Tous nos rapports avec l'administration publique ont lieu en néerlandais. Nous n'entendons en rien remettre en question le régime linguistique légalement instauré. Nous demandons, simplement, que la Flandre permette aux associations culturelles francophones de développer leurs activités.

Il n'y avait, jadis, aucun problème: la Communauté française pouvait financer telle ou telle activité francophone au nord du pays. Jusqu'à ce que les autorités flamandes obtiennent l'interdiction, au nom du droit du sol, de toute intervention de la Communauté française en terre flamande. Mais, ont-elles souligné à l'époque, elles ne reprendront pas le relai financier. Ce qui équivaut à un lent étranglement de la culture francophone en Flandre. Voilà l'enjeu de notre protestation depuis plus de dix ans.

Nous voyons enfin... la fin de ce combat absurde auquel les Flamands nous ont obligés. Tant pis si leur repli nationaliste d'un autre âge les met au ban de la société universelle!

 

Marcel BAUWENS et Edgar FONCK


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