Nouvelles de Flandre
En Hongrie, la liberté de la presse a été à deux doigts... de perdre son âme

Le vent de la "pensée unique" a soufflé pendant plus de deux mois sur la Hongrie mais ne s'est pas totalement dissipé. Oui, la liberté de la presse en Hongrie a été à deux doigts de disparaître vingt ans après sa renaissance.

Et aujourd'hui le risque subsiste même si le premier ministre de la coalition animée par le tout puissant parti populiste Fidesz, Viktor Orban, a annoncé en février, sous la pression des autorités européennes et en particulier de la vice-présidente du parlement Nelly Kroes, que la "loi sur les médias" allait être amendée.

Après la promulgation de cette loi, la plupart des responsables des médias hongrois, y compris ceux qui se plaçaient dans la mouvance du parti populiste, avaient lancé, avec un tel succès qu'il était de nature à écorner la réussite de la présidence hongroise du conseil européen des ministres, une pétition internationale sous le titre La liberté de la presse n'existe plus en Hongrie. Ce cri d'alarme avait été titré comme l'information unique imprimée à la Une de leurs journaux respectifs. Les associations professionnelles de presse de l'UE ont réagi dans le bon sens, comprenant qu'il ne s'agissait pas ici d'un problème de conjoncture politique (antagonisme entre idéologies de droite, de gauche ou du centre) mais d'un problème de fond pouvant se retourner, lors d'un retour de balancier, contre ceux-là mêmes qui avaient promulgué la loi ou s'y seraient rallié ou référé.

Pour rappel, cette loi crée sans véritable base juridique une institution de contrôle appelée Autorité des médias et des moyens de communication (NMHH) au sein de laquelle ne siègent que des juristes désignés par le parti au pouvoir. Cette instance, autorisée à effectuer des perquisitions sans préavis dans les salles de rédaction, pouvait s'immiscer dans les contenus rédactionnels des journaux et ignorer le droit au secret des sources. Elle pouvait sanctionner les journalistes et les médias se rendant coupables, selon elle, de publications partiales ou ne respectant un traitement équilibré de l'actualité politique, en leur infligeant des amendes impayables, soit à titre personnel soit collectivement au nom de l'éditeur... de 89.000 à 730.000 euros. Autant dire qu'elle s'adjugeait le droit de vie et de mort sur les médias à l'instar de ce qui se pratique dans les régimes les plus totalitaires de la planète.

Ce nouveau "droit" aurait permis de museler toute opposition politique, ce qui est le propre des régimes "à pensée unique" et est incompatible avec les valeurs démocratiques et européennes.

Bon, à défaut d'avoir amendé fondamentalement la loi, Viktor Orban s'est lui-même amendé, promettant d'adoucir certains éléments du prescrit légal: il s'engage à faire appliquer de manière proportionnée l'exigence de couverture équilibrée de l'actualité, à éviter les sanctions excessives, à ne pas appliquer la loi aux blogueurs, aux services de télévision à la demande, aux représentants de médias hongrois dans d'autres pays de l'UE. Il reformule la notion d'outrage comprise dans la loi.

Pour beaucoup, il ne s'agit là que d'amendements cosmétiques puisque la notion d'obligation de couvrir l'actualité de façon équilibrée n'a pas disparu. Ils craignent que même amendée la loi reste un formidable moteur de l'autocensure, celle-là même qui fait que, à l'instar de ce que l'on voit dans des pays comme la Chine ou la Côte d'Ivoire, les médias ne font guère mention du vent de révolte démocratique qui secoue le monde arabe.

Où est passé, gémissent-ils, la fierté millénaire du peuple hongrois, le premier à se soulever, en 1956, contre la tyrannie soviétique, le premier à avoir fermé les yeux, en 1989, sur l'émigration, via son territoire, des Allemands cherchant à passer de l'Est à l'Ouest, augurant ainsi de la chute du mur de Berlin?

Le processus de démocratisation des médias hongrois n'est pas terminé et son évolution nous concerne autant par le fait que la Hongrie est un "pont culturel" entre l'Europe et le reste du monde que par le fait qu'elle est devenue membre de la Francophonie (OIF).

 

André BUYSE


Copyright © 1998-2011 A.P.F.F.-V.B.F.V. asbl
Secrétariat: Spreeuwenlaan 12, B-8420 De Haan, Belgique
Téléphone: +32 (0)59/23.77.01, Télécopieur: +32 (0)59/23.77.02
Banque: 210-0433429-85, Courriel: apff@francophonie.be
Site: http://www.francophonie.be/ndf