Nouvelles de Flandre
Parlons-nous belge ?

À l'étranger, on reconnaît les Belges francophones à leurs particularités linguistiques. Ces fameux belgicismes! Peut-on en déduire que les Belges parlent belge? Existe-t-il une langue belge?

Qu'est-ce qu'un belgicisme?

Le mot belgicisme apparaît en 1811 dans un recueil anonyme intitulé Flandricismes, wallonismes et expressions impropres dans la langue française. Toutefois, la notion de belgicisme reste floue jusqu'à la fin du XIXe siècle. Le belgicisme n'est pas, comme certains le croient, une faute de français commise en Belgique. Je [m'en] rappelle pour Je me le rappelle, Le livre [que] j'ai besoin pour Le livre dont j'ai besoin se disent en Belgique mais ne sont pas des belgicismes. Ces constructions de français populaire se rencontrent en France.

Belgicisme désigne tout fait de langue particularisant le français employé en Belgique, qu'il relève de la prononciation, du vocabulaire ou de la syntaxe. Nombre de belgicismes se répandent au-delà des frontières du royaume: aubette, kermesse, friture pour friterie dans le nord de la France. Cependant, les belgicismes administratifs restent chez nous: bourgmestre, échevin, ministre président, carnet de mariage, problèmes communautaires, communes à facilités, matières personnalisables, bilingue (français-néerlandais).

Belgicismes de prononciation

Les particularités de prononciation peuvent s'entendre dans belge, septembre, huit, gaufre, square, tranquille, créer, Noël.

Belgicismes lexicaux

Certains ne sont pas inconnus en France. En 1994, les membres belges du Conseil international de la langue française, Willy Bal, Albert Doppagne, André Goosse, Joseph Hanse, Michèle Lenoble-Pinson, Jacques Pohl et Léon Warnant ont publié Belgicismes. Inventaire des particularités lexicales du français en Belgique (Duculot, nombreux tirages).

Quelques exemples. Répondez endéans les huit jours, pour dans les huit jours. Il est sous Baxter, pour sous perfusion. Encore une ajoute. Femme d'ouvrage. Prester des heures supplémentaires. Tapis plain. Feu ouvert. Dans l'enseignement: minerval, régent et régendat, professeur ordinaire, kot, koter, cokoteur et cokoteuse (à Louvain-la-Neuve), auditoire pour amphithéâtre, les valves, bisser une année.

Belgicismes syntaxiques

Il est midi quart, pour midi et quart ou midi un quart. Cent et un (nombre approximatif) employé à tort pour cent un (100 + 1). En faisant cent et une démarches, j'ai égaré cent un euros. Elle a difficile avec ses quatre enfants. J'ai mal de tête. Il est grand assez, pour assez grand. Constructions calquées sur le néerlandais. Je ne peux pas du docteur. Je ne sais plus lire sans lunettes. Pierre joue sur la rue. Il rédige un article sur base de (calque de op basis van) deux documents, pour sur la base de. Nous passerons nos vacances non pas à la côte, mais sur la côte. À la côte se dit lorsque la côte est vue de la mer. "Le courant porte enfin les naufragés à la côte" (Green). Sur la côte s'emploie quand elle est vue de la terre.

Finie la chasse aux belgicismes

La chasse aux belgicismes telle qu'elle fut proposée au début des années 1970 ne se pratique plus. Dans l'alimentation, nombre de ces mots n'ont d'ailleurs pas d'équivalents en français de France: cramique, craquelin, pain à la grecque, spéculoos, waterzooi. Ils ont leur saveur propre. C'est en situation de communication que nous gérons l'usage de telles particularités.

Place aux Façons belges de parler

André Goosse a examiné avec soin l'étymologie, l'histoire, la localisation et l'expansion des particularités du français de Belgique. De ses chroniques de langage, très riches, intitulées Façons de parler, publiées dans La Libre Belgique, de 1966 à 1990, celles qu'il a consacrées au français de Belgi-que viennent d'être réunies en un beau volume de 658 pages intitulé Façons belges de parler (Éd. Le Cri et Académie royale de langue et de littérature françaises, 2011).

Quelle langue les Belges francophones parlent-ils?

Le nombre et la nature des particularités langagières belges ne suffisent pas à la communication. Elles sont absentes en matière économique, financière, médicale, didactique, techni-que et scientifique. Il n'existe pas de langue belge. La langue des habitants francophones de nos régions est le français depuis le XIIe siècle.

 

Michèle LENOBLE-PINSON


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