Parmi les anciennes entités de l'ex-Yougoslavie, seuls la Bosnie-Herzégovine et le Monténégro n'avaient pas encore rejoint la Francophonie. Depuis le Sommet d'octobre dernier, c'est chose faite. Ils ont, tous deux, été admis en tant que membres observateurs.

L'histoire de cette région est mouvementée. Tout le monde garde en mémoire les abominables conflits des années 90.

Pays récents

En 1991, la Croatie, la Slovénie et la Macédoine font sécession et deviennent des républiques indépendantes.

Un an plus tard, c'est au tour de la Bosnie-Herzégovine. Mais ici, la séparation ne se fait pas pacifiquement. Une guerre éclate entre diverses communautés: les Serbes, les Croates et les Musulmans. Le conflit dure trois ans et se termine fin 1995 par la signature des accords de Dayton qui établissent les institutions actuelles.

En 1992, il ne reste que la Serbie et le Monténégro comme anciennes parties de l'ex-Yougoslavie. Elles constituent alors la République fédérale de Yougoslavie. Cependant, la communauté internationale ne veut pas reconnaître ce pays comme le successeur de l'ancienne Yougoslavie et lui refuse le siège yougoslave à l'ONU, exigeant que leur demande d'adhésion se fasse sous un propre nom. L'appellation Serbie-et-Monténégro est adoptée.

Finalement, en mai 2006, les Monténégrins, lors d'un référendum, décident, à plus de 55 %, de quitter la fédération. Le Monténégro devient totalement indépendant.

Pays de montagnes

La Bosnie-Herzégovine est enclavée entre la Croatie, la Serbie et le Monténégro et ne dispose que d'une minuscule façade maritime de 13 kilomètres, une sorte de passage aménagé entre deux portions de territoire croate. Dans l'ensemble, le pays est très montagneux avec des massifs calcaires constellés d'innombrables grottes.

Après ces années de guerre, la Bosnie-Herzégovine s'est relevée et cultive son multiculturalisme. C'est le seul pays d'Europe où, dans un même quartier, on peut trouver une mosquée, une église orthodoxe ou catholique et une synagogue.

Le Monténégro se trouve plus au sud, coincé entre la mer Adriatique et ses voisins: Bosnie-Herzégovine à l'Ouest, Serbie au Nord, et Albanie au Sud-Est. C'est un tout petit pays avec une superficie égale à la moitié de la Belgique. Le territoire forme l'une des régions les plus accidentées de tous les Balkans. Son littoral, très découpé, est célèbre pour sa baie "Bouches de Kotor", un superbe fjord formé de plusieurs golfes. Sa capitale et principale ville est Podgorica. Cependant, la petite cité de Cetinje, historiquement ville de la Cour, sert de résidence aux présidents de la république.

Place du français

En Bosnie-Herzégovine, l'Institut français de Sarajevo et ses antennes implantées en province: à Luka, Mostar et Tuzla, organisent diverses manifestations culturelles en français et proposent des cours de langue.

Dans la capitale, le Centre André Malraux propose aussi une large offre culturelle. Son histoire est intéressante car étroitement liée au conflit des années 90. Entre septembre et octobre 1994, s'ouvre, au cœur de la vieille ville alors assiégée, la librairie française "Paris-Sarajevo". Pendant ces quelques semaines, malgré le danger, elle va accueillir près de deux mille visiteurs. Pour soutenir toutes ces person-nes qui voulaient dépasser les traumatismes quotidiens et maintenir un lien avec le monde, on crée, juste à la fin du conflit, en juillet 95, le "Centre André Malraux". Son objectif est de tout mettre en œuvre pour faire émerger une identité bosnienne dépassant les réflexes communautaires. Ses actions sont variées: manifestations littéraires et cinématographiques, traductions littéraires, soutien à de jeunes artistes mais surtout organisation annuelle des "Rencontres européennes du livre" qui connaissent un réel succès.

En Bosnie-Herzégovine, il est également possible de suivre un enseignement en français, soit à l'école française de Sarajevo, soit dans une section bilingue à Mostar ou à Sarajevo. Selon l'édition 2010 de "La langue française dans le monde", ces trois établissements accueillent environ 150 enfants. Par ailleurs, le français, en tant que langue étrangère, est également enseigné à plus de 10000 jeunes.

Concernant le Monténégro, l'offre culturelle en français est plus limitée. Suite à l'indépendance du pays, l'antenne de Podgorica du Centre culturel de Belgrade est devenue un Centre culturel français tout à fait indépendant. Dans le pays, l'accent est aussi mis sur la formation en français, des cadres du gouvernement et des élites et plus particulièrement des responsables de l'administration en charge des dossiers européens puisque le Monténégro comme la Serbie ont entamé une demande pour être reconnus comme candidats à l'adhésion à l'Union européenne alors que la Bosnie-Herzégovine, elle, ne s'est pas (encore ?) manifestée.

Relevons qu'au Monténégro le taux d'élèves apprenant le français est quatre fois plus élevé qu'en Bosnie-Herzégovine.

Pour terminer, il est intéressant de signaler l'existence de l'association "Avenir" à Herceg-Novi, petite station balnéaire située au bord des Bouches de Kotor. Cette modeste "association des amis de la langue et de la culture françaises" n'en déploie pas moins de larges ambitions comme l'ouverture d'un centre d'apprentissage du français ou l'introduction de l'enseignement de notre langue dans les classes maternelles.

Une vitalité qui aura peut-être motivé, en partie du moins, la demande d'adhésion de ces deux pays à la Francophonie.

Anne-Françoise COUNET