Alain Germoz, l'auteur de ce grand opuscule - un livret, mais plein de substantifique moëlle - est connu par les esprits les plus fins de la francophonie littéraire, pour sa libre pensée, la rigueur de son jugement, la malice de ses écrits traversés d'un humour, délicat parfois mais souvent explosif.

Etant donné le jugement ironique qu'il porte sur les critiques d'art, je m'abstiendrai de faire la critique de son ouvrage et me contenterai de le présenter.

Ecrivain subtil à la plume acérée, Alain germe, ose, joue de toutes les couleurs de sa palette pour repeindre une Mona Lisa surprenante, que Leonard de Vinci aurait peut-être du mal à reconnaître.

Homme de théâtre - il a écrit plusieurs pièces - Germoz met en scène des personnages parmi lesquels la Joconde elle-même. Il a horreur de la tartuferie culturelle qui impose une attitude d'admiration à priori de l'œuvre artistique. L'appréciation de l'objet d'art est immédiate ou réfléchie, jamais obligatoire. Toujours individuelle, jamais grégaire. Aussi l'auteur iconoclaste entend bien faire en sorte que la Joconde soit "déchef-d'oeuvrisée".

Mission indispensable. J'étais jadis au Japon quand la Joconde était exposée à Tokyo. Il y avait une queue d'un millier de personnes et chacune d'elles a eu droit à dix secondes d'admiration béate ! De culture rituelle passive. Mieux que rien, mais très insuffisant.

Il fallait s'y attendre; des visiteurs libidineux ne voient pas le sourire, ils ne voient que la femme et leurs phantasmes n'ont rien d'esthétique. Quant à Mona Lisa, "elle n'a même pas l'air qui convient pour être la grande prêtresse d'une secte qui s'est créée autour d'elle, pour elle, sans elle. Servante de la religion de l'Art, se prend-elle au sérieux?"

Alors? L'éternel sourire de la Joconde est-il l'annonce ou le prolongement d'un fou-rire_? Un fou-rire pour elle libérateur de cette pose figée en permanence que lui a infligée le peintre? Pour en savoir plus long faites-vous le plaisir de suivre l'auteur qui vous servira de guide. En ouvrant son petit livre, on s'ouvre en même temps l'esprit!

Marcel BAUWENS

Le fourire de la Joconde, Alain Germoz, 76 pages, Dessert de Lune