Nouvelles de Flandre
Le Liban et la langue française

Le Liban est sous les projecteurs de la scène francophone internationale à l'occasion des Jeux de la Francophonie organisés à Beyrouth du 27 septembre au 6 octobre. Une édition qui enregistre la plus forte participation de pays francophones depuis sa création.

Evénement unique en son genre, les Jeux de la Francophonie invitent, tous les quatre ans, plus de 3.000 jeunes de l'espace francophone à se rencontrer au travers d'épreuves sportives et de concours culturels. Le français, langue commune de toute cette jeunesse, permet ainsi de renforcer les liens créés par ces rencontres.

En participant en nombre, la Francophonie traduit toute sa solidarité avec le pays du Cèdre, un des premiers pays à avoir rejoint l'Organisation francophone. Il faut dire que depuis longtemps, la langue française occupe une place très privilégiée au sein de ce petit pays situé au croisement de plusieurs civilisations.

Un carrefour historique

Depuis l'époque phénicienne, le Liban est, de par sa position géopolitique, au carrefour de trois continents et le passage obligé entre l'Occident et le monde arabe. Le pays a été sous la domination de plusieurs grandes puissances étrangères qui le marquèrent plus ou moins durablement. Au fil du temps, il a été le territoire d'accueil de nombreuses communautés de confessions diverses. Aujourd'hui encore, on ne compte pas moins de 17 groupes ethniques différents, ce qui lui confère une spécificité bien particulière tant au niveau historique que politique ou linguistique.

Au milieu du XIXe siècle, la France et la Grande-Bretagne interviennent pour assurer la protection de certains groupes ethno-religieux. Un gouvernorat autonome, placé sous la protection de la France, est créé en 1864. Au lendemain de la Première Guerre mondiale, le Liban passe sous mandat français. C'est à ce moment que les frontières actuelles du "Grand Liban" sont créées et que s'implante assez durablement la langue française.

Cependant, la nouvelle entité territoriale libanaise est mal acceptée par les nationalistes arabes qui souhaitaient la création d'une "Grande Syrie" englobant l'ensemble du Croissant fertile. Pour sa part, la Syrie devenue indépendante n'admet pas d'être privée d'une grande partie de sa façade maritime sur la Méditerranée.

Le Liban accède définitivement à l'indépendance en 1943. Le pays accueille les Palestiniens chassés d'Israël après 48. Ces derniers s'installent dans des camps de réfugiés et fournissent la main-d'oeuvre nécessaire pendant cette période de prospérité économique. Au lendemain des affrontements de 1970, l'Organisation de libération de la Palestine, s'installe avec ses combattants sur le territoire libanais ce qui provoque l'intervention armée de la Syrie et d'Israël. Le fragile Liban est entraîné dans la guerre civile de presque 15 ans. En 1989, les accords de Taëf permettent un retour progressif au calme. Cependant, les tensions avec Israël ont toujours persisté. De vastes offensives militaires sont lancées, en juillet 2006, dans presque tout le Liban, dont Beyrouth.

Pour ménager les sensibilités entre les diverses communautés qui constituent le Liban, un système politique spécifique a été mis en place, le "confessionnalisme", système complexe basé sur un équilibre entre les différentes confessions selon lequel le Président de la République est chrétien maronite, le Président du Parlement est chiite et le Premier Ministre est sunnite.

Enseignement

Surtout depuis le Mandat français en 1920, la langue française occupe une place importante. Pendant plusieurs décennies, le pays a adopté deux langues officielles: l'arabe et le français. Mais lors de l'indépendance, seul l'arabe est officiel. Cependant, malgré ce changement, le français continue à jouer un rôle essentiel dans le pays.

Dans toutes les écoles primaires, l'enseignement de l'arabe écrit (classique) reste obligatoire pour les élèves, L'apprentissage d'une première langue étrangère est également obligatoire: 2/3 choisissent le français, 1/3 l'anglais. Au secondaire, on enseigne en arabe et on apprend deux langues étrangères; généralement le français et l'anglais. Au moment de sa période de prospérité, le Liban comptait cinq établissements d'enseignement supérieur renommés. Aujourd'hui, on en compte deux fois plus.

Comme l'indiquait l'Ambassadeur français au Liban, lors de la dernière journée de la Francophonie: "Que ceux qui redoutent donc une perte du français face à l'anglais qui progresse dans le pays se rassurent: le Liban n'a pas cessé et ne cessera pas d'être francophone, les chiffres recueillis auprès des services culturels le prouvent. Sur les 720.000 écoliers dénombrés au Liban, 535.000 sont scolarisés en français, ce qui représente 80% des élèves. Le réseau d'écoles françaises au Liban compte 17 établissements qui regroupent environ 30.000 élèves et préparent chaque année 1.150 bacheliers. Quant aux Libanais s'exprimant en français, leur proportion est estimée a 53%, c'est vrai , l'anglais progresse, mais le français ne régresse pas. Selon les estimations, 20% des Libanais sont trilingues, donc s'expriment aussi bien en français qu'en anglais ou en arabe et 13% seulement sont anglophones".

Mais ces chiffres se doivent d'être nuancés comme l'indique le politologue français P. Morin qui souligne que "le français au Liban n'est ni langue étrangère ni langue nationale". Cette langue seconde s'est démocratisée et s'est ouverte à l'ensemble des populations mais avec certaines disparités. "Aujourd'hui, la connaissance et le niveau de français ne sont toujours pas homogènes. Entre l'excellence de certains établissements privés et le délabrement des écoles publiques, le fossé est grand".

Médias

Selon les informations fournies par le "Trésor de la Langue française" au Québec, sur son site consacré à l'Aménagement linguistique dans le monde: "Le secteur des médias libanais est l'un des rares en pleine phase de croissance. Toutes les sociétés de ce secteur participent pour une part importante de l'économie libanaise. Ce climat est favorisé par le fait que le Liban constitue un espace politique et culturel libre, surtout lorsqu'on le compare aux autres pays de la région."

D'après leurs chiffres, il y a 13 quotidiens dont 11 en arabe, deux en français et un autre anglais et une quinzaine de magazines. Une demi douzaines de radios, la plupart sont diffusées entièrement ou partiellement en français. On compte deux stations télévisées qui diffusent des émissions en français quelques heures par jour. TV5 Orient est diffusé sur le Grand Beyrouth depuis 2004. Il faut également, signaler que tous les films étrangers de langue anglaise sont traduits en arabe et sous-titrés en français Enfin, en ce qui concerne les livres, on importe un grand nombre d'ouvrages français (plus d'un million et demi d'exemplaires) et de revues. Cela place le Liban au rang du quatrième importateur d'ouvrages en langue française du monde.

Il semblerait donc que dans l'état actuel des choses, il existe au Liban une certaine triglossie où l'arabe libanais est utilisé à la fois comme langue maternelle et comme langue vernaculaire, le français servant essentiellement comme langue de culture et l'anglais comme langue fonctionnelle pour les communications uniquement avec l'extérieur. La politique linguistique libanaise s'apparenterait ainsi à une véritable politique de multilinguisme stratégique. Une stratégie, en somme, très pragmatique pour ce peuple situé, depuis l'Antiquité, au carrefour de plusieurs cultures.

 

LIBAN
QUELQUES POINTS DE REPÈRE

Nom officiel: République libanaise

Superficie: 10 452 km2 (Belgique: 32 545 km2)

Population: 4,5 millions d'habitants

Capitale: Beyrouth (plus d'un million d'habitants)

PIB: 28,8 milliards USD (2008)

Secteurs d'activités: agriculture 6%, industrie 21%, services 73%

Indice de développement humain: 78ème rang mondial en 2006

Monnaie: Livre libanaise (1 EUR = 2150 LBP)

Langue officielle: Arabe

Langues courantes: Arabe libanais, français, anglais

Composition ethnique: 17 communautés reconnues dont: musulmans chiites, sunnites, druzes et alaouites, chrétiens maronites, grecs-orthodoxes, grecs-catholiques et arméniens...

Adhésion à la Francophonie: juin 1973

Statut: Etat membre

Anne-Françoise COUNET


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