Nouvelles de Flandre
Rétrospective : Dix ans au coeur de la francophonie

Dix ans! C'est déjà un bel âge pour une association! Nous avons demandé à son directeur, Edgar Fonck, d'en retracer les grandes lignes.

M.B.: Comment une association de francophones a pu naître et se développer en Flandre?

E.F.: Il y a une quinzaine d'années, un groupe d'amis, sous la houlette d'Alban Derinck, un hôtelier du Coq a créé le Cercle francophone d'Ostende qui deviendra le Club Richelieu Littoral. Nous n'hésitions pas à nous déplacer à Bruxelles ou à Lille pour participer à des activités en français. C'est alors que Monique Lanoye, ancienne éditrice du "Courrier du Littoral", nous a fait découvrir les pièces de théâtre amateur à Gand. Au fil du temps, nous avons appris l'existence de toute une série d'activités en français un peu partout en Flandre. Des conférences, des visites, des spectacles…
Mais l'information circulait mal. Par manque de moyens ou par crainte des extrémistes, notamment après les incidents d'Exploration du monde, la plupart des initiatives ne bénéficiaient d'aucune publicité et étaient relativement méconnues. Un ostendais ne savait ce qui se passait à Gand et vice et versa. Il était donc indispensable à nos yeux de disposer d'un outil de communication efficace destiné à tous ceux qui s'intéressaient à la langue et à la culture françaises, d'entretenir des liens entre les francophones et de les faire connaître au-delà de leurs frontières.

M.B.: Toute cette activité ne s'est pas déployée sans peine, sûrement?

E.F.: C'est ce besoin de communi-cation qui nous a poussé à créer l'Association pour la Promotion de la Francophonie en Flandre en 1998. Et c'est à ce moment que tu t'es joint, Marcel, à l'équipe, ainsi que ma femme, Anne-Françoise.
Dès le début, nous avons bénéficié de l'appui de nombreuses personnalités du monde culturel et politique. Vous comprendrez que je ne citerai aucun nom par discrétion, mais elles se reconnaitront. L'année suivante, en 1999, sortait le premier numéro des "Nouvelles de Flandre".
Tout était pour le mieux dans le meilleur des mondes, si ce n'est qu'en mai 2000 tombait l'arrêt de la Cour d'arbitrage, privant les associations francophones en Flandre de toute aide de la Communauté française. Ce fût difficile. Plusieurs fois nous avons pensé mettre la clef sous le paillasson car la situation était devenue intenable financièrement.
Mais voilà, 10 ans plus tard, nous sommes toujours là, grâce à une restructuration complète et de généreux donateurs.

M.B.: Dans cette traversée du désert, il y a tout même eu des moments privilégiés qui laissent un bon souvenir?

E.F. : Il y en a beaucoup. L'élan de solidarité autour de notre projet. L'accueil de la Presse. La rencontre avec Madame Nabholz. Nous pensons en effet que nous avons contribué au fait que l'Assemblé parlementaire du Conseil de l'Europe reconnaisse l'existence d'une minorité francophone dans toute la Flandre et pas seulement dans la périphérie de Bruxelles. Le prix de journalisme en Ukraine. Le fait que la majeure partie du jury provenait de pays ayant ratifié la Convention-cadre sur la protection des minorités nationales, ce qui n'est toujours pas le cas de la Belgique, nous a profondément touchés.
Les colloques et les conférences en Belgique et à l'étranger. Paris, Québec, Alexandrie, Sète. C'est l'occasion de rencontrer des francophones du monde entier, de toucher la réalité francophone du bout des doigts.
Il y a aussi, suite à notre lettre ouverte au Comité des Sages, l'échange de courrier avec Yves Leterme, nous remerciant pour "l'intérêt" que nous portions aux négociations sur la réforme de l'Etat et pour notre "apport apprécié". Dans notre lettre ouverte, nous estimions que si la réforme de l'Etat avait pour but d'accorder une plus grande autonomie aux régions et de renforcer le dialogue entre le Nord et le Sud du pays, elle devait aussi permettre aux membres des trois communautés, qu'ils soient Flamands, francophones ou germanophones, de vivre en toute quiétude dans chaque région du pays (Flandre, Wallonie ou Bruxelles).

M.B.: Et le revers de la médaille? Les déceptions?

E.F.: C'est certainement le fameux arrêt de la Cour d'Arbitrage. Les asso-ciations culturelles francophones, présentes sur le territoire flamand, tout en ne bénéficiant d'aucune aide de la Flandre, ne peuvent plus être soutenues par la Communauté française. Leur avenir est menacé.
C'est aussi le mutisme de l'Organisation Internationale de la Francophonie (OIF) quant à la situation de plus de 300.000 francophones qui vivent en Flandre. D'un côté, l'OIF n'hésite pas à appuyer les initiatives de paix en Géorgie ou à condamner le coup d'Etat en Guinée. Mais lorsqu'il s'agit des francophones de Flandre, elle se retranche derrière le principe de non ingérence et sa "plus stricte neutralité dans les questions de politique intérieure".

M.B.: Ce qui n'est pas passé inaperçu, c'est le passage de l'APFF à la télévision flamande, non?

E.F. : Alors que je ne m'y attendais pas du tout, la VRT a rediffusé, dans son JT de 19h, un reportage qui avait été diffusé la veille dans le JT de la RTBF. Je parlais des problèmes rencontrés par les francophones de Flandre. J'expliquais qu'il était très difficile de s'afficher en tant que francophone et que c'était quelque chose de mal vu. Nous ne regardions pas la télévision flamande à ce moment-là. Très rapidement nos gsm ont été submergés par une pluie de sms. Surtout ceux de mes enfants, car ma fille ainée intervenait dans le reportage. Tout le monde avait vu l'émission et donc aussi leurs professeurs. Je me suis dit que c'était le pas de trop qu'il ne fallait pas faire.
Le lendemain matin, alors que je me rendais au bureau de poste, je faisais profil bas. Je n'osais regarder personne, de peur des réactions négatives. Quelle ne fut pas ma surprise lorsque l'employé au guichet me lança un "proficiat!" qui résonna dans toute la pièce. Les jours suivants, de nombreuses personnes, des personnes avec qui je ne parlais habituellement pas, ont engagé spontanément la conversation pour me dire à peu près toutes la même chose. "_Si nous ne partageons pas nécessairement votre point de vue, nous vous félicitons pour votre franchise. Nous préférons de loin quelqu'un qui dise en face ce qui ne va pas. Si il y a un problème, il faut trouver des solutions._"

M.B.: Quelle leçon en avez-vous tiré?

E.F.: Cet épisode m'a fait prendre conscience du monde qui séparait les politiciens flamands des flamands eux-mêmes. L'homme de la rue fait preuve de bon sens. Si il n'en tenait qu'à lui, les problèmes linguistiques seraient résolus depuis longtemps. Au contraire d'un homme comme Bart De Wever qui, si il ne cultivait pas l'exacerbation des différences entre Flamands et francophones, n'existerait pas, politiquement parlant.
Fort de cette expérience, je n'hésite plus à dire publiquement ce que je pense. J'ai eu l'occasion de le faire récemment dans "Het Laatste Nieuws" qui y a consacré une pleine page avec un titre évocateur "Pourquoi les Flamands ont-ils peur de nous?" Mêmes réactions positives du côté de l'homme de la rue.

M.B.: C'est fort bien d'avoir des souvenirs, mais y a-t-il aussi des projets?

E.F. : Nous venons d'apporter un coup de jeune à notre magazine, avec de nouvelles rubriques. Ce sera prochainement au tour de notre site internet qui sera mis à jour régulièrement. L'objectif est de développer le côté culturel. Les gens doivent disposer de toutes les informations pour participer aux activités. Nous voulons présenter les activités avant qu'elles n'aient lieu. Pas nous contenter de comptes rendus à posteriori. Soit on ne les lit pas, soit on regrette d'avoir raté quelque chose d'intéressant.
Nous allons évidemment continuer à suivre l'évolution des dossiers importants: la ratification de la Convention-cadre sur la protection des minorités nationales, la signature d'un accord culturel entre Flamands et francophones et le subventionnement des associations francophones en Flandre. Sans oublier nos relations au niveau international.

Propos recueillis par Marcel BAUWENS


Alban Derinck -
Projet X - RTBF - octobre 2003


Marcel Bauwens -
Projet X - RTBF - octobre 2003


Prix de journalisme en Ukraine - décembre 2005


Rencontre avec le Président d'Impératif français - Québec - juillet 2005


Edgar Fonck et Anne-Françoise Counet - Au Quotidien - RTBF - septembre 2006


Rencontre avec le Secrétaire général de l'OIF - Alexandrie - mars 2006


Rencontre avec la ministre déléguée à la Francophonie - Paris - mars 2007


JT de la RTBF
11 mars 2007


"A l'école je me sens flamande" - JT de la VRT - 12 mars 2007


"Pourquoi les Flamands ont-ils peur de nous?" - Het Laatste Nieuws - mars 2008

 


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