Nouvelles de Flandre
Une Flandre démocratique sans Francophones ?

"Un regard chaleureux sur la Flandre" ; c'est le sous-titre du livre* que Kris Peeters, le ministre-président du gouvernement flamand, vient de publier à point nommé avant les élections. Cet ouvrage de 140 pages "photographie" la Flandre d'aujourd'hui et "dessine" la Flandre de demain, telle qu'il la voit et la souhaite.

La situation actuelle de la Flandre n'est pas des plus brillantes. Bien que le secteur des soins de santé et le niveau de bien-être soient très élevés et fassent l'admiration dans le monde, 11% des Flamands vivent en état de pauvreté. En matière de logement, un Flamand sur cinq vit dans une habitation trop petite et insuffisamment équipée. D'ici à 2020 il faudra bâtir 187 600 logements nouveaux et il en faudra 79 600 de plus pour 2030. Une attention particulière est accordée aux problèmes de l'enseignement dont il faut augmenter l'efficacité de manière à ramener le taux d'analphabétisme à 3%. L'Ecole doit mettre progressivement les jeunes en contact avec la réalité sociale .

Le problème le plus grave auquel la Flandre devra faire face est, comme partout dans les pays développés, le vieillissement de la population. En janvier 2008 on comptait au nord de la Belgique 1 100 194 personnes âgées de plus de 65 ans. Ce qui représente 17,85% sur une population totale de 6 161 600 individus. La conséquence de ce vieillissement est qu'elle met en danger le financement des assurances sociales du secteur de pensions et des soins de santé.

La préparation de l'avenir

Le gestionnaire professionnel inspire le ministre : mieux que quiconque, il sait que seule une saine gestion budgétaire peut offrir les moyens financiers nécessaires à mener une politique efficiente. Il revendique dès lors, pour la Flandre, plus d'autonomie financière. Les arguments qu'il avance pour accorder plus de pouvoirs aux régions valent, bien entendu, pour Bruxelles et la Wallonie.

Nous en venons ainsi au contenu concret des futures négociations sur l'aménagement des institutions. Pour Kris Peeters, le principe de base à respecter est celui de la "subsidiarité" tel qu'il est défini à l'article 5 du Traité de la Communauté européenne. Ce principe vise à privilégier le niveau inférieur d'un pouvoir de décision aussi longtemps que le niveau supérieur n'est pas capable d'agir plus efficacement. Les Etats membres ont la priorité en matière de pouvoir. L'Europe n'a de pouvoir que celui que lui délèguent les Etats.

Ce principe de "subsidiarité" s'adapterait, selon le ministre-président, parfaitement au contexte belge. Il répondrait au besoin démocratique de rapprocher le pouvoir des citoyens, ce qui favorise la transparence. Kris Peeters plaide pour l'application de l'article 35 de la Constitution. Cet article inscrit dans la Loi fondamentale en 1993, prévoit le transfert des "pouvoirs résiduaires" du pouvoir fédéral vers ls Communautés et les régions. L'autorité fédérale reste compétente exclusivement pour les affaires que la Constitution et les lois lui reconnaissent expressément.

La question de fond

Les situations différentes en Flandre, en Wallonie et à Bruxelles, exigent des mesures de gestion particulières. Correspondant aux besoins et aux priorités de chaque région, affirme Peeters. La Flandre entend mieux se positionner sur le plan international et veut stimuler plus efficacement les entreprises. Pour ce faire, elle ne dispose pas actuellement des moyens fiscaux. En raison du vieillissement de la population, la Flandre voudrait maintenir ses travailleurs en activité le plus longtemps possible. Elle voudrait aussi apporter un meilleur soutien aux familles, mais elle n'est pas compétente en matière d'allocations familiales, de fiscalité et de gestion de la durée d'occupation au travail.

Il est apparu avec évidence au cours des derniers mois qu'en ce qui concerne une nouvelle étape dans la réforme de l'Etat, les opinions divergent très fort. Seul un dialogue direct entre les Communautés, peut, selon Kris Peeters, sortir les négociations de l'immobilisme. Nous vivons une évolution importante du développement institutionnel de notre pays, estime le ministre. Il respecte le principe de la solidarité entre les régions, mais souhaite plus de responsabilité régionale.

Ainsi, le pouvoir fédéral conserverait les moyens financiers qui lui sont nécessaires pour l'organisation des soins de santé, mais, pour ce qui regarde la disposition des dépenses, ce sont les régions autonomes qui seraient compétentes. Le dirigeant flamand est d'avis que l'actuel système de financement n'est favorable ni aux communautés, ni aux régions, ni même à l'Etat fédéral. Il faut, selon lui, mettre fin au système des dotations et le remplacer par la perception de l'impôt des personnes dans chaque région.

Une Constitution flamande

Dernier vœu exprimé par Kris Peeters : la Flandre, Etat membre d'une Fédération doit avoir sa propre Constitution.

Dernier cocorico - heu ! rugissement veux-je dire ! - lancé par le lion de Flandre : "Nous voulons que l'Etat fédéré de Flandre soit social, chaleureux, convivial et démocratique. Et que la liberté de chaque habitant soit assurée. C'est tout cela que la Constitution de Flandre doit garantir."

Nous prenons acte de cette conclusion généreuse. Nous constatons qu'elle concerne tous les habitants de Flandre, dont quelque 350 000 personnes qui n'ont pas la nationalité belge. Quant aux 300 000 Francophones de Flandre, qui sont bien belges eux, ils sont inconnus au bataillon et donc exclus de la garantie sur la démocratie ! Il suffit de se référer à toutes les manières d'empêcher l'accès des candidats francophones aux panneaux d'affichage dans les communes de la périphérie de Bruxelles à l'occasion des élections régionales et européennes qui ont lieu simultanément le 7 juin prochain.

A Hal, la commune a décidé de réserver les panneaux aux seuls candidats flamands. A Afflighem, les autorités ont fait savoir que d'éventuelles affiches de candidats francophones seront immédiatement recouvertes de blanc. Le vice-président du PS, Philippe Moureaux, crie au scandale et parle "d'épuration politique et linguistique". Il est probable que le Comité des Droits de l'Homme de l'ONU condamnera ces pratiques électorales. L'image de Flandre en serait fâcheusement ternie.

En Flandre, les Francophones ne peuvent voter que pour des partis flamands qui ne veulent pas reconnaître leur existence. Les "Groenen" seuls se montrent conciliants. Créer un parti francophone ? Si c'est pour ne pas avoir accès aux panneaux d'affichage et aux medias, c'est pratiquement exclu ! Seule l'Union des Francophones, dans la périphérie de Bruxelles, représente une force politique géographiquement regroupée, qu'il est impossible d'étrangler.

Autre climat

Il y a moyen d'avoir un autre type de relation entre Flamands et Francophones. Un exemple : sous l'égide de Beaufort 03, les panneaux explicatifs des œuvres d'art exposées tout le long de la côte. Des textes dans nos trois langues nationales, et donc aussi en français ! Merveille d'intelligence. Des textes dont la qualité atteste qu'ils ont été écrits avec talent et pas traduits avec difficulté. Un geste qui ne fait de mal à personne et rend service à tout le monde. Voilà une Flandre chaleureuse et conviviale comme on apprécierait qu'elle le soit toujours… et jouant le franc jeu démocratique en politique.

 

Marcel BAUWENS

(*) Kris Peeters, In perspectief, Ed. Lannoo


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