Nouvelles de Flandre
Un pavé dans la mare des séparatistes flamands

En politique, on ne se fait pas de politesses. Dès lors, il faut voir une signification de stratégie dans le fait que Herman van Rompuy (CD&V) devenu Premier ministre ait assisté à la présentation de l'essai politique* publié par Herman De Croo (Open VLD). Les deux personnalités flamandes, fortes de leur expérience, s'accordent pour crier: "holà" à ceux qui prônent le séparatisme.

De Croo, plusieurs fois ministre, ministre d'Etat, ancien président de la Chambre qui a 40 ans de vie politique derrière lui, peut parler en connaissance de cause. Dans son petit ouvrage publié en tête-bêche, en néerlandais et en français, et qui ne compte pas plus de 36 pages, l'auteur n'y va pas par quatre chemins pour faire la leçon aux nationalistes flamingants. "Cette note", dit l'auteur, "n'est pas (…) destinée à minimiser la nécessité d'une réforme de l'Etat, ni à encenser le système actuel. (…) Cette note n'a pas la vocation de promouvoir un quelconque discours unitariste, elle vise simplement à faire une distinction entre raison et déraison dans le débat actuel".

Il énonce alors une série de situations que créerait une séparation de la Flandre avec les conséquences qui en résulteraient et pour lesquelles il n'a jamais entendu les séparatistes dire comment ils allaient les résoudre. Il y a loin du rêve à la réalité.

Le coût de la non-Belgique!

Herman De Croo estime "effarant" qu'il n'existe pratiquement aucun travail scientifique relatif aux conséquences économiques d'une séparation. Il se fonde dès lors sur les conclusions du groupe "Coudenberg" qui a publié, il y a douze ans, un livre intitulé "Cost of non-Belgium" (Le coût de la non-Belgique). Un ouvrage qui n'a rien perdu de sa pertinence. La séparation en deux ou trois Etats du pays entraînerait des situations juridiques complexes et des dépenses énormes. Par exemple: tous les contrats de bail conclus par l'Etat belge. La rupture unilatérale de ces contrats entraînerait le paiement de dommages et intérêts et obligerait à une négociation de nouveaux accords.

Des institutions aujourd'hui fédérales: Parlement, Conseil d'Etat, Cour des Comptes, etc devraient se multiplier avec les coûts que cela entraîne. Les nouveaux Etats ne seraient pas membres d'une série d'institutions internationales (ONU, UEO, FMI, OCDE, etc..), devraient se porter candidats et devraient négocier durant des années sans doute.

Bruxelles devenant un Etat, la Flandre, dont près de 230 000 travailleurs viennent y gagner leur vie, perdrait de nombreux milliards d'euros en impôts. Ces navetteurs qui, contrairement aux règles partout en vigueur, paient leurs impôts en Flandre au lieu de les payer à Bruxelles où ils travaillent. Ils deviendraient travailleurs frontaliers!

Le mythe de la Flandre prospère

Bruxelles perdrait son prestige actuel et il est presque sûr qu'une série d'organismes internationaux qui représentent des milliers de fonctionnaires internationaux, consommateurs, quitteraient les lieux. D'autres capitales européennes seraient trop heureuses de prendre la succession de Bruxelles.

Quant à croire que l'Etat fédéral étrangle les régions, c'est une fable. Les transferts de l'Etat fédéral vers les régions et communautés sont passés, entre 2000 et 2007, de 25,6 milliards d'euros à 36,2 milliards.

La dette publique belge devrait être partagée entre les "héritiers", ce qui implique une fois encore des négociations serrées.

Maîtresse de son destin, la Flandre connaîtrait une prospérité continue! Et si le port d'Anvers perdait la bataille mondiale de la concurrence? Près de 95 000 emplois seraient en jeu. Et si le secteur de l'assemblage automobile continuait à chuter? Encore 25 000 emplois menacés. La lutte économique mondiale est sans merci et personne, pas même la Flandre n'est à l'abri d'un coup dur.

L'illusion du confédéralisme

Voyant s'écrouler leurs illusions de séparatisme, certains lancent la solution du confédéralisme. Or, observe De Croo il n'existe "pas la moindre - pas la moindre! - confédération au monde. (…) Même la Suisse, qui se qualifie de confédération, est une fédération sur le plan du processus décisionnel et des mécanismes de fonctionnement".

Conclusion: "l'analyse rationnelle ou économique des séparatistes fait abstraction d'un tas de problèmes financiers, juridiques et pratiques". Et, sûr de son analyse, l'auteur met au défi les séparatistes, de répondre par la présentation de solutions aux problèmes évoqués.

Tactique électorale

Que Herman van Rompuy ait, à la sortie du livre, acquiescé aux propos tenus par De Croo, est une indication claire. Pour s'attaquer directement à la clientèle électorale du Vlaams Belang, le CD&V se positionne plus à droite tout en démolissant le mythe du séparatisme. Les chrétiens flamands et les libéraux veulent manifestement voir le SPa dans l'opposition avec un Vlaams Belang affaibli. Il est manifeste qu'on ne voit plus beaucoup… se manifester les ténors des deux partis visés.

Rétablir la confiance tous azimuts

La Déclaration gouvernementale présentée devant les Chambres par Van Rompuy est le pendant officiel de la "note" de De Croo. L'un démolit le rêve séparatiste, alors que l'autre veut "œuvrer à la confiance". Confiance dans les répliques à la crise, confiance dans les institutions, confiance dans le fonctionnement de la justice. "Le bon fonctionnement de nos institutions dépend également de l'efficacité de la structure de l'Etat." De là, la revendication d'une nouvelle réforme de l'Etat.

On sait que Van Rompuy exclut une réforme à la va-vite. Ce qui n'empêche pas, dit-il "que le dialogue communautaire soit rapidement relancé et donne des résultats avant les élections régionales". Autrement dit, il faut présenter un acquit positif aux électeurs pour récupérer une partie des électeurs du Vlaams Belang.

D'autre part, "il s'impose de créer rapidement au sein du Comité de concertation saisi d'un conflit d'intérêts sur les propositions de loi relatives à la circonscription électorale de BHV, un groupe chargé d'élaborer des propositions de solutions. Les conclusions de ce groupe devront être examinées et mises en œuvre dès l'été 2009".

Le ministre président flamand, Kris Peeters (CD&V), est sur la même longueur d'ondes que le Premier ministre. Mais il ajoute un appel du pied aux francophones: "Je vais, au nom du gouvernement flamand demander aux partenaires francophones quels accords partiels seraient possibles selon eux et dans quel timing. Cela n'a de sens de relancer le dialogue de communauté que si tous les participants s'engagent à aboutir rapidement à des accords. Sinon, toute crédibilité de ce dialogue aura disparu".

Quant au dossier explosif de BHV, il fait l'objet d'un traitement privilégié. Un groupe de travail séparé cherche des solutions qui seront examinées et mises en œuvre après les élections. La technique qui a été utilisée cent fois est évidente: on essaye de s'entendre sur une série de points et on reporte à plus tard le problème qui peut tout bloquer.

En attendant, la culture francophone en Flandre va son bonhomme de chemin…

 

Marcel BAUWENS

(*) Herman De Croo - Que la Belgique crève? Questions aux séparatistes - Editions Racines


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