Nouvelles de Flandre
Les Francophones de la Périphérie font le point

L'Union des Francophones, rejointe par Ecolo a sorti un livre très important qui se situe dans l'actualité: "Francophones de la périphérie bruxelloise, nos solutions" et qui permet de voir plus clair dans la genèse et l'état actuel des dossiers communautaires litigieux.

Quand on sait que près de la moitié des 300 000 Francophones qui vivent en Flandre est installée dans les communes de la périphérie de Bruxelles, on comprendra tout l'intérêt de cette étude. L'avant-propos de Xavier Mabille, ancien directeur du CRISP (Centre de Recherches et d'Information socio-politique), est déjà en soi le gage du niveau élevé des analyses.

Nous serons sensibles au fait que l'ouvrage contienne cette note mise en évidence: "Bien que ce livre expose les problèmes vécus et les espoirs formulés par les francophones de la périphérie, les auteurs entendent exprimer leur solidarité envers les autres francophones habitant en Région flamande, en particulier, ceux qui vivent le long de la 'frontière linguistique' de Fourons à Messines."

Discriminations

Parce qu'il faut qu'on sache, le bureau de l'Union des Francophones - où siègent des personnalités comme Jean-Louis Roefs (représentant le PS), Georges Clairfayt (MR/FDF), Michel Dandoy (MR/LB) et Christian Van Eyken (député de l'Union des Francophones au Parlement flamand) - a rassemblé des exemples de discriminations et vexations subies par les Francophones dans la vie quotidienne en Périphérie bruxelloise. Et les tracasseries journalières sont innombrables, depuis l'"interdiction" de l'usage du français dans les communications privées ou commerciales, aux obstacles mis aux activités culturelles et sportives francophones, en passant par le fait d'entraver la distribution de publications francophones, jusqu'à l'érosion systématique des facilités dans les communes concernées.

Un chapitre substantiel et instructif fait l'Histoire de la dégradation des droits linguistiques, culturels et politiques des Francophones de la Périphérie bruxelloise. Il est montré comment "les droits subsistant pour ces citoyens belges francophones de la périphérie bruxelloise se détériorèrent progressivement et de façon accélérée après 1993, date de la révision constitutionnelle faisant de la Belgique un Etat fédéral et donnant du fait même à la Région flamande un Parlement élu au suffrage universel ainsi qu'un gouvernement". L'intention clairement exprimée est la suppression des facilités tôt ou tard.

Le recensement subtilisé

Les rappels historiques sont particulièrement éclairants quant à la lente dégradation des relations entre Flamands et Francophones. La loi de 1932 a tracé une "frontière linguistique" basée sur l'emploi des langues en matière administra-tive. Mais cette loi ne clichait pas la frontière d'une manière définitive. Ainsi, si la majorité des habitants déclarait parler l'autre langue, la commune devait changer de régime linguistique et la "frontière" s'adaptait au fait. La nouvelle minorité bénéficiait des facilités prévues légalement.

Des bourgmestres flamands obtiennent, par un coup de force, que soit retiré du recensement décennal, le volet linguistique.

Les lois ont imposé une frontière linguistique (1962-1963) sans consultation des populations et sans l'accord des parlementaires francophones.

Du coup, le "droit du sol" prévaut sur le droit des personnes. C'est une situation juridique et politique admissible à la condition expresse qu'elle prévoie une protection démocratique de la minorité. La protection des minorités est une garantie essentielle pour l'assurance d'une véritable démocratie.

Ratifier la Convention-cadre

En 2002 - il y a six ans déjà - Mme Nabholz-Haidegger, députée libérale germanophone suisse déposait à l'Assemblée du Conseil de l'Europe un rapport sur la situation en Belgique à cet égard. Ce rapport a donné lieu au vote de la Résolution 1301, qui demande à la Belgique de ratifier rapidement et sans réserve la Convention-cadre sur la protection des minorités nationales. La Résolution votée reprend aussi l'une des conclusions du rapport de Venise estimant notamment que les Francophones qui vivent en Flandre et les Flamands qui vivent en Wallonie constituent des minorités qui doivent être reconnues. Tout esprit mesuré admettra que cette demande est équilibrée, équitable et accorde à chacun les droits auxquels il peut prétendre. Pourtant rien n'a progressé du côté flamand, au mépris des normes européennes en matière de démocratie et de respect des droits des minorités.

Autres litiges

Ce n'est pas la seule entorse à la démocratie faite par les autorités flamandes. Il y a aussi le refus du ministre de l'Intérieur flamand de nommer trois bourgmestres francophones dans trois communes « à facilités » arguant du fait qu'ils ont envoyé des convocations en français aux électeurs francophones de leurs communes respectives. Or, ces bourgmestres ont appliqué la jurisprudence basée sur un avis de la Commission permanente de contrôle linguistique qui prévalait jusqu'en… 2007!

Les auteurs explicitent aussi clairement le sens du mystérieux sigle "BHV" dont on a abondamment parlé dans les médias sans que le citoyen lambda ait jamais bien pu mesurer ce qui était en jeu. Un problème judiciaire et un problème électoral de l'arrondissement "Bruxelles-Hal-Vilvorde". L'emploi des langues en matière judiciaire est régi par la loi du 15 juin 1935, légèrement amendée et complétée par les lois linguistiques de 1963. Pour l'essentiel disons qu'en qualité de demandeur, le justiciable francophone doit introduire sa requête en néerlandais. Par contre s'il est défendeur, ce même justiciable peut revendiquer que la procédure se fasse en français.

Les Francophones font valoir que la demande flamande en la matière (dédoublement judiciaire sur base territoriale, scission du Parquet de BHV sans magistrats francophones) aurait pour conséquence l'impossibilité pour les Francophones de la Périphérie d'avoir encore un procès dans leur langue.

Le problème électoral est grosso modo le suivant: en 2002 on a modifié le nombre et la taille des arrondissements électoraux et une exception fut faite pour BHV qui n'a pas été scindé en 1963 pour compenser le fait que la Région bruxelloise restait limitée à 19 communes et que les six communes à facilités actuelles n'étaient pas incorporées. Dans un arrêt de 2003, la Cour d'Arbitrage estima la situation comme contraire à la Constitution. Le gouvernement n'a pas pu trouver, à l'époque, une solution satisfaisant les deux parties avant les élections de 2007.

Le vote francophone massif mit les Flamands en colère. Ils ont décidé d'arracher la scission par la force. Les partis traditionnels s'allièrent au Vlaams Belang pour obtenir en Commission de la Chambre un vote majoritaire de tous les partis flamands réclamant la scission. Les Franco-phones ont réagi par le recours à des procédures de retardement. La scission de BHV tracerait vraiment une frontière d'Etat qui permettrait de proclamer l'indépendance de la Flandre. Ce serait une catastrophe pour Bruxelles enclavée en territoire flamand.

Bruxelles, carrefour

Or, dans tout cela, c'est finalement de l'avenir de Bruxelles qu'il s'agit. Et donc de la Flandre et de la Wallonie. Car l'obsession linguistique est devenue telle, qu'elle empêche de mesurer l'enjeu économique : le niveau de vie futur des citoyens de notre partie de l'Europe. Car Bruxelles - toute son évolution historique en atteste - est un pôle d'attraction et de rayonnement à la fois, qui se situe au centre du pays et profite à la fois aux deux grandes communautés.

"Le pôle bruxellois constitue, selon plusieurs études bruxelloises et flamandes suivant les critères choisis, un ensemble de 30 à 42 communes." L'élargissement de la Région bruxelloise serait aussi - soulignons-le - l'occasion d'étendre un territoire bilingue, où tout le monde y trouverait son compte.

Les auteurs évoquent le rôle du magazine Carrefour fondé il y a un quart de siècle par quelques habitants d'opinions diverses et qui est devenu le périodique d'une association citoyenne. Il se consacre à "la défense et à l'illustration de la présence francophone dans la Périphérie, sans hostilité envers les néerlandophones, mais en dénonçant les atteintes aux droits fondamentaux commises en Périphérie".

C'est le même objectif que nous poursuivons, au niveau culturel, avec notre association pour la promotion de la Francophonie en Flandre!

 

Marcel BAUWENS

"Francophones de la Périphérie bruxelloise, nos solutions", Ed. Luc Pire.
Cette publication a été rédigée par le bureau de l'Union des Francophones, représenté par Georges Clairfayt (MR/FDF), Michel Dandoy (MR/LB), Jean-René Degand (CDH), Jean-Louis Roefs (PS), Christian Van Eyken (député UF au Parlement flamand), Robert De Lille (représentant ECOLO-Périphérie). François van Hoobrouck d'Aspre (bourgmestre), Michel Maziers (Historien de la Périphérie) et Alain Carlier (Carrefour) ont également collaboré à la rédaction.


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