Nouvelles de Flandre
Inégalités entre Francophones de Flandre et Flamands de Wallonie

Jusqu'ici, on n'a considéré comme minorités dans notre pays que les germanophones des Cantons de l'Est et la population flamande de Bruxelles. Il devient urgent de procéder à une opération vérité et de reconnaître deux autres minorités: celle des francophones vivant en Flandre et celle des Flamands installés en Wallonie.

Combien sont-ils les francophones en Flandre? Impossible d'avancer un chiffre précis puisque les Flamands ont fait supprimer le recensement linguistique par peur de la vérité! Une estimation raisonnable et généralement acceptée: 300.000, dont 150.000 dans la périphérie de Bruxelles.

Et dans l'autre sens? Combien de Flamands en Wallonie? Pas de recensement, pas de réponse! Une seule information, émanant de la Confédé-ration flamande de l'immobilier: chaque année environ 10.000 Flamands s'installeraient au sud du pays. Ils viendraient donc s'ajouter à ceux, nombreux, qui y vivent déjà.

Nous avions écrit jadis que « certains » avançaient le chiffre d'un million de Flamands en Wallonie. Ce chiffre a été repris par les médias comme si nous l'avions avancé nous-mêmes. Et une conclusion frappante en a été déduite: "Un Wallon sur trois est... un Flamand!" Seul un recensement linguistique ou, à défaut, une enquête scientifique permettrait de disposer d'une vérité chiffrée de plus en plus indispensable.

Un sujet tabou

Il y a de part et d'autre de la frontière linguistique, une population minoritaire importante. Nous réclamons aujourd'hui, avec plus de force que jamais, la reconnaissance de ces minorités et la garantie d'une équivalence de traitement. Pour ce qui concerne les Flamands de Wallonie, nous avons depuis toujours considéré qu'ils devaient avoir les mêmes droits que ceux que réclame la minorité francophone en Flandre.

Jusqu'ici la Flandre a toujours refusé de reconnaître l'existence de la minorité francophone sur son territoire. Une minorité pourtant reconnue par le Conseil de l'Europe! La position de la Flandre est devenue intenable. Et la justesse de notre position est confirmée par le Centre d'étude des francophones en Flandre composé de chercheurs de plusieurs universités, parmi lesquels de nombreux Flamands. Le Centre observe notamment que: "Dans ce nouvel enthousiasme pour les minorités, subsiste un domaine inexploré car encore largement tabou: l'étude des francophones en ce qui constitue l'actuelle Région flamande de Belgique."

Tabou! Le mot est lâché. On ne veut pas voir apparaître la vérité des faits. Or, en politique plus que dans d'autres domaines, quand on agit sans tenir compte de la réalité, on court à la catastrophe.

Le coût du séparatisme

La catastrophe? Rudy Aernoudt, cet économiste flamand dérangeant, ancien secrétaire général de l'administration régionale flamande, l'annonce dans une nouvelle étude qui fait grand bruit. En cas de scission du pays, les trois régions subiraient une perte financière sévère.

Par contre, assure Rudy Aernoudt, en cas de réaménagement d'un Etat fédéral performant, on pourrait épargner, chaque année, 14 milliards d'euros, dont la moitié profiterait à la Flandre.

Il est temps que le bon peuple de Flandre retrouve l'esprit de Tijl Uylenspiegel et fasse un pied de nez à ces quelques politiciens sans envergure qui menacent de le mener au bord du gouffre financier.

Notre position à l'APFF est, depuis toujours, celle de la conciliation, de l'entente, du respect des citoyens à quelque communauté qu'ils appartiennent. Nos trois langues et nos trois cultures doivent pouvoir s'exprimer librement partout en Belgique. Pour cela, il est indispensable qu'un esprit d'accueil se substitue à une inimitié venue d'une obsession passéiste. Or, la vérité, c'est que les Flamands sont bien accueillis en Wallonie, sans tracasseries d'aucune sorte, ce qui n'est pas le cas des Francophones en Flandre.

Des "facilités" pour les Flamands de Wallonie

Du côté francophone, Rudy Demotte, ministre-président de la Région wallonne et de la Communauté française, aidé par Philippe Courard, ministre régional wallon des Affaires intérieurs et de la Fonction publique, a déjà pris plusieurs initiatives tendant à améliorer les relations entre les deux grandes communautés. Ainsi, pour favoriser la connaissance des langues, plusieurs programmes d'"immersion linguistique" ont été mis en route. Les trois langues visées sont : le néerlandais, l'allemand et l'anglais.

Toutes les communes wallonnes peuvent bénéficier d'une aide régionale pour financer des projets visant à faciliter l'emploi des langues dans les services rendus aux citoyens. Cette initiative est mal reçue en Flandre car cela revient à créer un régime de "facilités" en Wallonie... On se souviendra par ailleurs, que Rudy Demotte a, naguère, au niveau local organisé des manifestations culturelles avec des artistes flamands.

S'agissant de culture, rappelons que les autorités flamandes ont obtenu un arrêt de la Cour d'arbitrage estimant que la Communauté française ne pouvait plus continuer à soutenir financièrement les associations culturelles francophones en Flandre. En même temps, les autorités flamandes ont bien précisé qu'aucun pouvoir de Flandre ne prendrait le relais. Et ce n'est pas tout: il n'est quasiment plus possible pour une association culturelle francophone d'avoir accès à des locaux publics. Le constat est simple : si rien ne change, les associations francophones sont menacées de disparition!

Lors d'une émission radio de la RTBF, le 3 septembre dernier, nous avons posé à ce sujet à Rudy Demotte la question que voici: "Vous connaissez les difficultés rencontrées par la minorité francophone en Flandre. Pouvez-vous nous confirmer que, de votre côté, vous jouez la carte de l'ouverture et que vous ne vous opposez pas à ce que des associations culturelles flamandes actives en Wallonie puissent disposer de subsides et de locaux?"

Réponse immédiate du ministre-président: "Mais c'est exactement ce que nous faisons. Et nous disons aux Flamands : nous n'avons pas peur de la diversité culturelle. On a le sentiment de l'inverse parfois. C'est que, du côté flamand, alors que pourtant la région est prospère, a tous les atouts en main, la communauté se replie sur elle-même. Ce choix est en contradiction avec son intérêt réel."

Réponses flamandes

Et quelle réponse donne-t-on du côté flamand à cette attitude d'ouverture? La commune de Zaventem, sur le territoire de laquelle se trouve l'aéroport national, incite ceux qui ne maîtrisent pas le flamand, à se faire accompagner par un interprète pour leurs rapports avec l'administration. A Renaix le bourgmestre, Luc Dupont, souhaite la suppression des facilités. Il estime que ce régime coûte cher à sa commune. De plus, la Commission européenne soupçonne les communes flamandes de Vilvorde, Londerzeel et Grammont de "discrimination déguisée" envers les personnes parlant une autre langue que le néerlandais. Elle a décidé d'envoyer, en Flandre, une délégation de la Commission contre le racisme et l'intolérance.

Quant à Bart De Wever, on se souviendra qu'il considère les francophones vivant en Flandre comme des immigrés! Evidemment, dans sa perspective étroitement nationaliste, il a raison. Ceux qui n'appartiennent pas à la nation flamande sont des étrangers, même s'ils sont… Belges.

Il est pénible d'entendre dire que contrairement aux Flamands de Wallonie, les francophones qui vivent en Flandre ne font pas preuve de bonne volonté et qu'ils se conduisent en impérialistes. Quelles contrevérités!

Les problèmes rencontrés dans plusieurs communes de la périphérie de Bruxelles - des communes qui n'auraient jamais dû se retrouver en Flandre, si la population avait été consultée avant de fixer la frontière linguistique - ne doivent pas faire oublier que les francophones installés au nord du pays sont généralement bien intégrés. Ils doivent d'ailleurs nécessairement être bilingues puisque tous les rapports avec l'administration se font en néerlandais.

Un paradoxe

Le nationalisme étroit de la Flandre lui fait commettre des faux pas indignes qui sont pointés du doigt par les autorités européennes et les médias étrangers. L'image de la Flandre s'en trouve sérieusement ternie.

Nous vivons depuis des années sur ce paradoxe flamand: un peuple qui a tant dû lutter pour défendre sa langue et sa culture n'admet pas qu'une autre communauté fasse de même. De grâce, mettons fin à ce paradoxe!

L'esprit d'ouverture dont fait preuve la Wallonie à l'égard de la minorité flamande du sud du pays devrait encourager la Flandre à en faire de même. La Flandre a tout intérêt à s'ouvrir aux francophones. Les patrons, les économistes, les hommes politiques le disent: "Il y a pénurie de main-d'oeuvre en Flandre" Des milliers de postes sont à pourvoir. Des francophones pourraient fort bien occuper ces emplois, au grand bénéfice de nos deux communautés. Encore faudrait-il qu'ils ne soient accueillis comme des "impérialistes francophones arrogants"!

N'en déplaise aux séparatistes, au niveau de l'économie et de l'emploi, "l'union fait la force"!

 

Marcel BAUWENS

Président honoraire de l'Association générale des journalistes professionnels de Belgique (AGJPB)
Administrateur de l'APFF


Copyright © 1998-2008 A.P.F.F.-V.B.F.V. asbl
Secrétariat: Spreeuwenlaan 12, B-8420 De Haan, Belgique
Téléphone: +32 (0)59/23.77.01, Télécopieur: +32 (0)59/23.77.02
Banque: 210-0433429-85, Courriel: apff@dmnet.be
Site: http://www.dmnet.be/ndf