Nouvelles de Flandre
Sur les traces des francophones de Flandre

Céline Préaux, licenciée en Histoire, prépare à l'ULB une thèse de doctorat sur les francophones de Flandre. Elle nous fait part de ses premières réflexions.

Nouvelles de Flandre: Comment êtes-vous arrivée à vous intéressez aux francophones de Flandre?

Céline Préaux: J'ai passé dix-huit ans dans l'enseignement néerlandophone à Bruxelles (jusqu'à l'université que j'ai faite en français). J'étais donc comme francophone en « terrain » flamand. J'ai vécu deux expériences totalement différentes. Dans un premier temps, j'étais dans une école parfaitement intolérante envers les francophones. Nous devions lever la main en début d'année afin que nous puissions être identifiés. Ensuite, si le surveillant nous entendait parler le français à la cour de récréation, nous étions retenus le mercredi après-midi à l'école. Il y avait une réelle discrimination envers les francophones. L'ambiance était tellement intenable que j'ai changé d'école. J'ai alors atterri dans une petite école très ouverte. Le préfet nous parlait même de temps en temps en français et certains professeurs nous enguirlandaient en français, pour être surs que nous saisissions le degré de leur énervement! Bref, ces expériences différentes m'ont donné envie de voir ce qu'il en était des francophones dans la Flandre "profonde".

NdF: Etes-vous issue d'une famille francophone de Flandre?

CP: Non, pas du tout. J'ai des origines flamandes et wallonnes, mais nous avons toujours vécu à Bruxelles. La langue parlée à la maison est le français, mais mon père, en tant que bon belge et germaniste, a décidé de placer ses enfants dans l'enseignement néerlandophone afin que nous soyons bilingues.

NdF: Quel est le sujet exact de votre étude?

CP: Je m'intéresse à la vie quotidienne des francophones d'Anvers entre les années 1930 et 1965. Le but est de voir dans quelle mesure les lois linguistiques qui ont été votées dans ces années charnières ont changé quelque chose à la vie quotidienne de la « communauté » francophone d'Anvers.

NdF: Pourquoi vous attachez-vous plus particulièrement à Anvers alors que d'autres villes comme Gand ou Courtrai comptent aussi pas mal de francophones?

CP: Anvers représente un cas particulièrement intéressant. D'abord, c'est le berceau du flamingantisme. Ensuite, Anvers est une ville internationale. La conséquence de ceci est que le rayonnement international du français s'y fait d'autant plus ressentir qu'ailleurs. Enfin, en tant que pôle économique privilégié, Anvers attire des populations très variées. Les francophones de Flandre y ont une identité multiple. Beaucoup de familles francophones sont d'origine wallonne et s'y sont établies en raison du port. D'autres sont à Anvers depuis plusieurs générations. D'autres encore sont d'origine allemande mais se sont francisées après la Grande guerre. Et puis il ne faut pas oublier les diamantaires juifs d'Anvers, parmi lesquels l'on retrouve beaucoup de francophones!

NdF: Vous allez passer à la partie plus "pratique" de votre travail, comment allez-vous procéder?

CP: La partie "pratique" de mon travail comprend deux volets. D'une part, bien sûr, l'exploitation des archives. D'autre part, les témoignages oraux. J'ai déjà interviewé un bon nombre de personnes mais j'aimerais en rencontrer encore beaucoup! Le but de ces entretiens est de parler avec les francophones d'Anvers de leur vie quotidienne durant la période étudiée. Je m'intéresse à tous les francophones d'Anvers, quelle que soit leur origine (wallonne, flamande, allemande ou autre), quelle que soit leur position dans la francophonie anversoise. Ils ne doivent pas nécessairement être des directeurs d'associations par exemple. L'idée est réellement de tenter de dépeindre le mieux possible la vie quotidienne des francophones d'Anvers, dans toute sa diversité.

NdF: On sait que les francophones de Flandre sont assez "discrets" pourrait-on dire. Avez-vous éprouvé des difficultés pour recueillir vos informations?

CP: Oui, beaucoup. J'ai affaire à deux sortes de réticences. Certains francophones craignent de s'attirer des ennuis en témoignant. D'autres ne voient pas en quoi leur expérience peut m'intéresser puisqu'elle est, selon eux, "banale". Pour ce qui est de la première sorte de réticence, je peux certifier que les témoignages restent parfaitement anonymes. Concernant la seconde, comme je l'ai dit, toutes les expériences m'intéressent.

NdF: Comment avez-vous eu connaissance de l'existence de l'APFF et que pensez-vous du rôle que notre association peut jouer en Flandre?

CP: Par Internet. Je suis alors tombée sur votre site. J'ai été impressionnée par le nombre de choses très variées que l'on pouvait y trouver concernant la francophonie flamande ! Je pense que votre association peut jouer le relais entre les différentes associations francophones en Flandre, pour sortir la francophonie flamande du silence. Elle exerce d'ailleurs cette tâche déjà aujourd'hui, et de façon exemplaire ! Je pense toutefois, comme vous le précisez d'ailleurs vous-mêmes, que votre rôle doit se limiter au culturel et rester neutre sur le plan politique.

NdF: Quel avenir voyez-vous pour la minorité francophone de Flandre?

CP: Beaucoup de gens ont tendance à demander aux historiens des perspectives d'avenir. La tentation est d'ailleurs grande de répondre à une telle question. Mais cela relèverait de la spéculation, basée sur des éléments tellement incertains et imprévisibles, que je m'éloignerais du chemin scientifique sur lequel je me suis engagée.

 

Anne-Françoise COUNET

 

APPEL A TEMOINS

Toute personne francophone (quelque soit son origine - wallonne, flamande ou autre), ayant vécu à Anvers entre les années 1930 et 1965, et acceptant de témoigner dans le cadre de l'étude de Céline Préaux, est invitée à prendre contact avec la rédaction des "Nouvelles de Flandre" qui transmettra.

 Les témoignages resteront anonymes.


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