Nouvelles de Flandre
L'avenir de la francophonie en Flandre
entre les mains des partis francophones

Le moment de vérité est venu. Cette fois, les mandataires francophones doivent assumer, devant l'Histoire, ce qu'ils signeront comme compromis institutionnel avec les élus flamands.

Nous qui tapons sur le même clou depuis des années sans être entendus, nous allons cette fois hurler notre leitmotiv. Car, et le Conseil de l'Europe et l'ONU nous donnent raison. Si l'Octopus a des oreilles, qu'il les ouvre tout grand!

Nous sommes quelque 300 000 francophones vivant en Flandre. Nous trouvons regrettable le choix du principe de territorialité qui, aux yeux des Flamands, garantit la protection de leur langue. Mais c'est leur choix et nous ne le remettons pas en cause. Nous nous sommes parfaitement adaptés à cette exigence et tous nos rapports avec le secteur public se font en néerlandais. Nous estimons que, dans ce cadre institutionnel de territorialité, il doit y avoir place pour un autre principe: celui du respect démocratique des minorités, garant des libertés individuelles. Les Flamands devraient être les premiers à comprendre que nous restons attachés à notre langue et à notre culture!

L'étranglement

L'efflorescence d'innombrables associations culturelles francophones en Flandre est la preuve évidente qu'elles répondent à une demande. Or, le monde politique flamand vise tout simplement l'éradication du français sur le territoire de Flandre. Jusqu'à il y a peu, la Communauté française pouvait aider financièrement les associations culturelles actives en Flandre. Les autorités flamandes, animées par un esprit de « francophobie » ont interdit cette intervention. En même temps, les responsables flamands déclaraient avec force qu'ils n'entendaient pas prendre le relais en cette matière. Etranglement entre deux portes. La survie des associations est menacée et, à terme, celle de la culture française en Flandre.

Le passéisme

Notre revendication est vraiment raisonnable : nous demandons que les activités culturelles francophones puissent bénéficier d'une aide financière pour développer leurs activités. Ne pas vouloir prendre en considération une telle micro-revendication témoigne, nous semble-t-il, d'une animosité de type émotionnel. Un intellectuel flamand, Etienne Vermeersch, professeur de philosophie, a tenu dans une interview accordée au journal "Le Soir" (3 mars 2008) des propos tout à fait éclairants à ce sujet. Il rappelle que sa mère était bonne dans une famille de la bourgeoisie francophone et obligée de parler français. Son père, lui, engagé comme volontaire durant la Première Guerre mondiale, ne comprenait pas les ordres donnés en français. Et le professeur met le doigt sur la plaie: "les francophones ne sont pas conscients des traces que cette attitude a laissées dans les esprits et y laisse encore dans la périphérie".

Donc les Flamands souffrent d'une blessure faite à leurs parents par des gens de la bourgeoisie possédante francophone de Flandre - des Flamands, soulignons-le, qui avaient choisi le français comme langue de prestige - et entendent se venger sur nous, qui n'avons strictement rien à voir avec ces fransquillons du passé. Est-ce que nous devrions en vouloir aux Allemands d'aujourd'hui pour les crimes nazis perpétrés par les Allemands d'hier? De plus, c'est une bien dangereuse notion que celle de la "responsabilité collective". Si, comme on peut le craindre, cette réaction psychologique s'inscrit dans la mentalité collective d'une partie de la population flamande, nous ne sommes plus dans l'analyse politique rationnelle, mais dans l'obsession émotive. Ce ne sont pas des constitutionnalistes distingués qu'il faut appeler en consultation, mais des spécialistes qu'on pourrait appeler "politichiâtres"… Une nouvelle branche universitaire des sciences humaines!

Taper du poing sur la table!

Les négociateurs francophones auront-ils comme interlocuteurs des Flamands dont la vision est arrêtée au 19ème siècle et qui continuent à battre le tambour des griefs anciens (die de trommel van de oude grieven slaan) ou des hommes (et des femmes) décomplexés capables de regarder en face l'horizon du futur? Les francophones qui vivent en Flandre ne sont pas hantés par des rêves de domination linguistique. Ils sont d'ailleurs obligés d'apprendre le néerlandais, seule langue officielle dans le nord du pays. Alors? Que veulent de plus les caciques psychotiques du nationalisme flamand? Interdire qu'on parle français dans les familles? Cette fois, les négociateurs francophones sont priés de taper du poing sur la table et de défendre le respect d'autrui et le sens commun. Les élus francophones ont, à l'égard des francophones de Flandre, un devoir moral à remplir et une dette à rembourser.

Car, depuis la fédéralisation de l'Etat, ils n'ont fait que céder, céder et lâcher du lest. Il faut reprendre du terrain. Nous en appelons surtout à la Communauté française; c'est à elle que nous renvoient les instances internationales, les ambassades, l'Organisation internationale de la Francophonie, … C'est la Communauté française qui a accepté le "chacun chez soi" imposé par les Flamands et le fait de ne plus rien pouvoir faire pour la culture française en Flandre!

Si modeste soit-elle, notre revendication se réclame d'un grand principe, celui du respect des minorités!

Le Conseil de l'Europe a reconnu les francophones de Flandre comme une minorité nationale. Mais les Flamands n'ont toujours pas ratifié cet accord sur la protection des minorités. Il est grand temps d'obtenir de leur part qu'ils le fassent. Ils viennent de se faire rappeler à l'ordre et au respect des principes démocratiques par… les Nations Unies qui enjoignent la Belgique de ratifier la Convention-Cadre du Conseil de l'Europe sur la protection des minorités.

Ainsi appuyés par le Conseil de l'Europe et par l'ONU, les partis politiques francophones ont le DEVOIR d'exiger que soient pris en compte les droits culturels des francophones en Flandre. DANS TOUTE LA FLANDRE et pas seulement dans la périphérie de Bruxelles. De fait, il faudrait toujours avoir à l'esprit que des 300 000 francophones qui vivent en Flandre, plus de la moitié vit en dehors de la périphérie : à Anvers, Gand, Bruges, Courtrai, Louvain, Hasselt, Renaix, dans les Fourons, sur la côte, etc...

Si le projet de circonscritpion unique voit le jour, tous les francophones habitant en Flandre pourront voter pour des candidats francophones au niveau fédéral, ils pourront aussi sanctionner ceux qui se seront montrés pusillanimes.

Le Groupe Wallonie-Bruxelles

Au début de cette année, des propositions intéressantes ont été présentées au groupe Wallonie-Bruxelles, présidé par Antoinette Spaak et Philippe Busquin.

Le professeur Uytendaele a proposé une nouvelle configuration de l'Etat et un statut de "citoyenneté culturelle" prévoyant notamment le droit de voter dans sa communauté.

Le professeur Verdussen, en ce qui le concerne, a développé une stratégie de négociation au niveau linguistique. Il distingue deux types de droits linguistiques : les droits "culturels" et les droits "fonctionnels". Il propose que les francophones se montrent "intransigeants" sur les premiers et "accommodants" sur les seconds. Il observe également que la mise en place d'un espace Wallonie-Bruxelles suppose une prise en compte des problèmes des francophones établis sur une autre portion du territoire belge et qui y ont statut de groupe minoritaire. L'élargissement du territoire de la Région bruxelloise ne résout pas tout et il faudrait le compléter par des accords de coopération entre communautés.

Les réactions

L'APFF a adressé au Comité des Sages, une "lettre ouverte" (voir numéro précédent des "Nouvelles de Flandre") qui a connu un certain retentissement. Les deux plus grands journaux francophones - Le Soir et La Libre Belgique - , ainsi que la Revue Générale, y ont fait largement écho et on en a parlé jusque dans des publications à l'étranger. En France, au Québec, dans le Jura suisse, et même Sénégal!

Didier Reynders au nom du MR signale qu'il a reçu notre magazine et que celui-ci a retenu sa "meilleure attention".

Joëlle Milquet, présidente du Cdh souligne que "la reconnaissance et la protection des minorités francophones en Flandre a toujours été un des chevaux de bataille du cdH" (…) Elle affirme que son parti "va continuer avec insistance à s'atteler à obtenir la ratification de la Convention-Cadre. Mais au préalable nous souhaitons que les francophones de la périphérie et ceux de Flandre en général, soient repris dans la notion de 'minorités nationales', comme le sont, par ailleurs, les néerlandophones de Bruxelles".

Au nom du FDF, Olivier Maingain, qui siège au sein du groupe "Octopus" fait valoir que "la ratification de la Convention-Cadre sur la protection des minorités nationales, en tant qu'exécution d'un accord institutionnel antérieur, doit pouvoir être concrétisé au bénéfice de tous les francophones de Flandre, conformément aux résolutions du Conseil de l'Europe, et plus particulièrement à la résolution 1301 du 26 septembre 2002 qui a consacré la définition des minorités nationales en Belgique par la Commission de Venise".

On se souviendra aussi que dès mai 2007, Elio Di Rupo, président du PS, répondant à notre questionnaire de l'époque, disait son intention de "remettre l'extension de la compétence de la Communauté française sur certaines institutions francophones de Flandre sur la table".

Et, "last not least", Yves Leterme, actuel vice-Premier ministre, réagit à notre "lettre ouverte" en disant: "Ik dank u voor de interesse die u voor de onderhandelingen omtrent de staatshervorming betoont en voor uw gewaardeerde inbreng" (Je vous remercie pour l'intérêt que vous portez aux négociations sur la réforme de l'Etat et pour votre apport apprécié). Nous apprécions tout particulièrement que le futur Premier ministre apprécie, lui, notre apport.

Allons! On verra peut-être bientôt "le Belge sortant du tombeau" (Non, ce n'est pas Yves Leterme qui chante!) et assurer - ENFIN! - la paix linguistique… pour passer à autre chose?

 

Marcel BAUWENS

Président honoraire de l'Association générale des journalistes professionnels de Belgique (AGJPB)
Administrateur de l'APFF


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