Nouvelles de Flandre
Lectures : Ostende à l'honneur

Il est normal qu'Ostende, en sa qualité de reine des plages, ait tant plu à nos Souverains. Jusqu'à il n'y a guère tout au moins.

Dans son ouvrage consacré au règne de Léopold II, Mathieu Longue, historien, évoque son arrivée à Ostende, dans son train privé, aménagé comme un appartement de grand luxe. Ce roi, qui, paraît-il, avait horreur des mondanités, venait, dès l'entrée de l'été, se reposer dans la ville balnéaire où il avait fait bâtir la première "villa royale" et où est amarré son yacht "L'Alberta". La reine, elle, préfère les sources de Spa.

Les Ostendais ont eu le temps d'oublier tout ce que Léopold II a représenté dans l'urbanisation "moderne" de leur ville. "Il existe deux villes d'Ostende: celle d'avant et celle d'après le règne de Léopold II." Le roi entend "verduriser" la ville et appliquer à celle-ci le schéma urbain des centres de villégiature du sud de l'Angleterre. Le Souverain n'hésite pas à faire pression sur les autorités communales pour faire adopter ses projets de travaux. Des vestiges de la vieille ville sort une station touristique balnéaire à la page, dotée, bien sûr, d'un terrain de golf…

L'ouvrage de Mathieu Longue n'est pas consacré à Ostende: il retrace toute la carrière de chef d'Etat de Léopold II. L'auteur y dessine les figures du mari, de l'amant, du visionnaire politique et de l'homme d'affaires avisé qui avait acquis pour son compte personnel le Congo de l'époque.

Un prince singulier

Deuxième amoureux d'Ostende: Charles de Belgique, qui fut durant six ans - de 1944 à 1950 - Régent du pays et qui deviendra, en fin de carrière, Karel van Vlaanderen, peintre ruiné.

L'oncle de notre roi actuel, le prince Charles a une vie tout à fait singulière, dont Rien Emmery, historien boursier du Fonds de la recherche scientifique, retrace les étapes à plus d'un titre dramatiques. L'ouvrage est, ici, la traduction d'un travail rédigé en néerlandais.

Le jeune Charles, enfant royal assez peu doué pour les études, finit tout de même par devenir , au départ d'Ostende, officier de la marine britannique. Charles est resté suffisamment en Grande Bretagne pour que naisse en lui un sentiment de sympathie pour les Anglais. Ce qui peut expliquer, en partie, son choix politique durant la guerre 1940-45. Charles n'avait pas peur de se lier au petit peuple, ni de retrousser les manches. Ainsi le voit-on au lendemain du bombardement subi par Ostende, chercher, avec les soldats, les rescapés dans les ruines d'un hôpital; Et, "lorsqu'un énorme incendie se déclara dans le port d'Ostende, où étaient stationnés des wagons-citernes remplis de carburant, le prince, bravant les dangers d'explosion, alla immédiatement voir s'il pouvait apporter son aide."

Le prince était un joyeux drille, capable de boire sec et qui aimait les femmes à la folie. Sa libido le poussait à être insatiable. "Les récits des exploits du prince Charles dans les cabarets louches et les bordels sont dès lors légion." (…) "L'homme riche qu'il était savait parfois se montrer avare jusqu'à la paranoïa" (…) "Charles s'intéressait beaucoup à l'occultisme, à l'ésotérisme et à des courants comme la théosophie et la numéralogie." Il consacra la fin de sa vie à la peinture et vécut retiré en son domaine de Raversijde. Complètement ruiné, avec l'aide intéressée de conseillers financiers véreux, il mourut à Ostende le 31 mai 1983.

A la fin de sa vie il se réconcilia plus ou moins avec son frère Léopold III. Ils ont passé leur vie dans l'incompréhension mutuelle. Leurs choix politiques ont été différents par rapport aux événements de la Seconde Guerre mondiale. Le roi Léopold III fut contraint d'abdiquer. Tandis que Charles se vit confier la Régence du pays. "Charles de Belgique" est un livre d'histoires autant qu'un livre d'Histoire et se lit comme un roman distrayant. S'il ne faisait pas, de ces jours-ci un froid de canard, on dirait: "à lire sur la plage d'Ostende en regardant la mer".

Les familles fondatrices

Ostende fut aussi l'œuvre de quelques familles bourgeoises ayant réussi dans les affaires, apportant du travail et la prospérité économique: les Van der Heyde, les Jean, les Serruys, les de Ridder, les Ocket. C'est la saga de ces familles que Colette Cambier publie comme premier roman. Une succession rapide de scénettes, un patchwork inventif, que traversent les fils conducteurs des événements politiques et sociaux qu'a connus notre pays. L'histoire - les histoires plutôt - commen(cent) à la fin du siècle dernier avec des rappels historiques remontant au 18ème siècle. En psychologue professionnelle qu'elle est, l'auteure observe et analyse finement les comportements d'une série de personnages appartenant à la famille de ses ancêtres. Les dialogues brefs et parfois incisifs révèlent les préoccupations des un(e)s et des autres. Le récit est écrit avec humour et lucidité, l'ensemble est nimbé d'une sorte de tendresse et d'une admiration lointaines. Une succession de souvenirs comme celui du rituel intangible des courses obligatoirement faites le jeudi à Ostende. De là le titre du livre. L'auteure est descendante des Van der Heyde… Elle fait une part royale à ces familles bourgeoises, mais ne pipe mot sur les familles royales!

 

Marcel BAUWENS

- Matthieu Longue - "Léopold II, une vie à pas de géant" - Ed. Racine ;
- Rien Emmery - "Charles de Belgique" - Ed. Racine ;
- Colette Cambier - "Le jeudi à Ostende" - Ed. Le Castor Astral.


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