Nouvelles de Flandre
La Flandre en pleine crise de psychose linguistique

La condition "sine qua non" d'une coexistence pacifique entre nos deux grandes communautés, est que les Flamands se guérissent de leur traumatisme linguistique.

Après plus d'un siècle de mésentente entre Flamands et francophones, il est grand temps qu'on en vienne à une évaluation rationnelle des éléments constitutifs d'un conflit sempiternel et exaspérant.

Sans doute les Flamands ont-ils des exigences institutionnelles, économiques, financières et sociales. Mais ce repli de type nationaliste a sa source dans le problème linguistique. Et y ramène toujours. L'agitation politique se fait à propos des communes "à facilités" et de BHV.

A ce propos, on ne rappelle jamais les concessions faites par les Francophones pour obtenir ce régime des "facilités"! Un oubli honnête… Comme cet autre: ce sont des bourgmestres flamands qui se sont opposés au recensement linguistique. Un acte incivique et essentiellement anti-démocratique. Sans commune mesure, dans son principe et ses conséquences, avec ce qu'ont osé les trois bourgmestres francophones de la périphérie, que le ministre de l'Intérieur flamand refuse de nommer parce qu'ils ont permis - horresco referens - qu'on prononce quelques mots de français au conseil communal.

Obsession linguistique! La racine du mal tient à une différence fondamentale entre les deux langues en présence: l'étendue de leur dispersion géographique. Les Francophones n'ont jamais vu l'intérêt d'apprendre une langue qu'on ne parle guère en-dehors du pays. Le français étant présent dans une soixantaine de pays, les Flamands avaient, eux, avantage à le parler.

Ce manque d'intérêt des francophones, les Flamands l'ont ressenti comme "arrogant". Et ceci d'autant plus que la bourgeoisie possédante de Flandre était francophone. Les Flamands se sont sentis socialement humiliés. Ils oubliaient que c'est la même classe sociale dominante francophone qui écrasait les travailleurs wallons!

Les Flamands devraient peut-être se dire honnêtement qu'ils auraient réagi de la même manière que les Francophones, s'ils avaient été mis dans les mêmes conditions?

Régler des comptes

C'est le "ressenti" flamand qui cause encore problème aujourd'hui. Les politiciens flamands veulent de toute évidence "régler des comptes" avec les francophones de Flandre. Ils font porter aux francophones d'aujourd'hui, les fautes des bourgeois de jadis. C'est un peu comme si nous en voulions aux jeunes Allemands pour les horreurs commises par leurs grands-parents…

Car les Flamands - même ceux du monde politique - ne s'opposent pas à la langue française. Les nombreuses initiatives prises dans le domaine de la culture en témoignent. Ils ont même passé un accord culturel avec la France en 2002. Et des écrivains flamands, dont les œuvres ont été traduites en français, ont été mis à l'honneur au Salon du Livre à Paris. Une "quinzaine française" a été organisée à Anvers. Dans la métropole également, les artistes congolais du projet "Yambi" ont bénéficié, dans le cadre d'un programme coopération, d'un appui financier… dont ne bénéficient pas les associations culturelles francophones actives en Flandre. Mieux : toute une série de chaînes de télévision en français sont présentes sur le câble et via ADSL. Et Telenet propose depuis peu "Option FR", un "bouquet" francophone payant. Ce qui est la preuve qu'un vaste public francophone existe, non?

Aucun problème

Michel Rocard, ancien Premier ministre français, a été invité par les "Amitiés françaises d'Anvers". Des "semaines du film français" destinées aux étudiants sont organisées un peu partout en Flandre. Au festival du film d'Ostende, ce sont deux artistes de France qui sont invités: Jane Birkin et Michel Piccoli. Des artistes flamandes comme Axelle Red et Kate Ryan chantent sans complexe en français, ce qui ne leur cause aucun problème avec leur public flamand. Sympathie générale donc pour les Francophones de France ou pour les artistes flamands s'exprimant en français, mais "haro" sur les Francophones belges habitant la Flandre.

Ainsi, la Flandre signe avec la France et d'autres pays francophones des accords culturels. Ce qu'elle refuse de faire chez nous avec la Communauté française.

"Coopération"? "Ingérence"?

Lorsque la France soutient une association culturelle en Flandre, il s'agit de "coopération". Mais si la Communauté française veut faire la même chose, il s'agit d'"ingérence". Les autorités flamandes ont même saisi la Cour d'arbitrage pour obtenir qu'il soit interdit à la Communauté française de continuer à subventionner les associations culturelles francophones actives en Flandre. Une chose est claire: les Flamands entendent contrôler toutes activités francophones en Flandre. Hormis celles organisées par la France! Parce qu'elles servent d'alibi?

"Francophones" pas "Franskiljons"

Il est profondément regrettable que les Flamands, qui ont obtenu leur autonomie culturelle complète, garantie par la Constitution, continuent de poursuivre de leur hargne méfiante, des Francophones qui habitent la Flandre, mais ne sont plus les "Franskiljons" du 19ème siècle. Les Francophones d'aujourd'hui sont pratiquement tous bilingues et usent du néerlandais dans tous les rapports avec l'administration tout en choisissant de parler français dans leurs relations privées.

Certains diront: c'est vrai en Flandre, mais dans la périphérie de Bruxelles, en territoire flamand, les Francophones continuent de vouloir traiter en français avec l'administration. C'est qu'ils entendent faire respecter le régime de "facilités" reconnu par les lois linguistiques de 1962.

Si on veut bien se souvenir du nombre d'écoliers francophones inscrits dans les écoles flamandes, et des hommes politiques wallons qui s'expriment en néerlandais, on mesurera l'effort de conciliation fait du côté francophone. Ne pas vouloir voir cette évolution, c'est faire de l'obstruction mentale.

La réalité

Aujourd'hui, les touristes francophones séjournant en Flandre font un réel effort pour passer commande en flamand dans les magasins. Une preuve éclatante de l'entente qui a lieu entre Flamands et Francophones "sur le terrain" est apportée dans le secteur culturel. Par exemple, une collaboration active est née dans le domaine du théâtre amateur, dont on ne mesure pas assez le rôle important qu'il joue - c'est le cas de le dire! - dans la vie culturelle du pays. Les fédérations théâtrales du nord et du sud organisent des rencontres entre elles. Des acteurs flamands et francophones procèdent à des échanges fructueux. Il leur arrive même de jouer ensemble. Et ce n'est pas une tragédie!

On dirait que la classe politique de Flandre est coupée de cette réalité quotidienne. Elle souffre d'une psychose linguistique profonde qui lui cause des crises obsessionnelles. La malade refuse tout contact avec ses proches. Il faudrait la soigner rapidement de manière à rétablir un dialogue communautaire confiant, serein et salutaire. Qu'elle cesse de nous empoisonner la vie… Car le peuple de Flandre - un sondage récent le confirme encore - en a aussi marre que les Francophones, de tracasseries minables, de situations conflictuelles et de myopie politique.

Nous, ça fait des années que nous plaidons la pacification…Vive la paix!

 

Marcel BAUWENS


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