Nouvelles de Flandre
Accord culturel entre Flamands et francophones :
La réponse des partis politiques

"Bye Bye Belgium", le docu-fiction dans lequel le télespectateur assistait en direct à la fin de la Belgique, aura eu le mérite de fameusement secouer les esprits.

L'émission controversée de la RTBF a notamment incité les journaux " Le Soir" et "De Standaard" à publier une enquête croisée de plusieurs semaines et à réaliser un sondage qui devrait alimenter une réflexion neuve sur les relations entre Flamands et francophones. En effet, ce sondage qui confirme les précédents révèle que 98 % des Wallons et des Bruxellois et 92,5 % des Flamands souhaitent continuer la vie en commun dans une Belgique unitaire. Et il est clair que si les deux grandes communautés entendent continuer de vivre ensemble, il est temps qu'elles signent entre elles un accord culturel et que c'est là une priorité.

L'APFF n'est pas la seule de cet avis. En 2002 déjà, suite au rapport Nabholz, l'Assemblée parlementaire du Conseil de l'Europe avait recommandé, dans sa résolution 1301, "qu'un accord de coopération culturelle soit conclu d'urgence entre les communautés francophone et néerlandophone" pour "promouvoir la tolérance et le dialogue". Or, on est loin du compte aujourd'hui !

Les autorités flamandes ont obtenu, arguant du "principe de territorialité", qu'il soit interdit à la Communauté française de financer les activités des associations culturelles francophones en Flandre. En même temps la Flandre faisait savoir qu'elle n'avait pas l'intention d'aider elle-même ces associations. C'est un véritable étranglement culturel!

Pour mieux informer les électeurs qui participeront aux prochaines élections de juin, l'APFF a interrogé les présidents des partis politiques.

Les questions

  1. Etes-vous partisan de la signature d'un accord culturel entre les régions. Quelles limites y mettriez-vous?
  2. Etes-vous disposé à exiger que soient accordés les moyens financiers nécessaires à la poursuite des activités culturelles francophones en Flandre?
  3. Avez-vous des propositions particulières à mettre sur la table de négociations quant au maintien d'une vie culturelle francophone en Flandre?

Une étape essentielle

Avant de passer à l'analyse des réponses des formations politiques, deux constatations préliminaires s'imposent:

Primo, les présidents de parti ont été nombreux à répondre personnellement et de manière détaillée à notre enquête. Preuve en est de l'importance qu'ils attachent à la question.

Secundo, tous les partis, à l'exception du Vlaams Belang, se sont prononcés en faveur de la signature d'un accord culturel entre Flamands et francophones. C'est une étape essentielle pour le rapprochement de nos deux communautés, même si la référence continuelle au "principe de territorialité", par les politiciens flamands, constitue un obstacle. Du côté francophone, s'affirme un net esprit d'ouverture. Voyons de plus près ce qu'il en est.

Les positions en présence

Note: On trouvera sur notre site, www.dmnet.be/ndf, le texte intégral de la réponse de chacun des partis. La NVA n'a pas réagi.

Le VLAAMS BELANG nous adresse, avec un salut national flamand, une réponse qui a de quoi inquiéter de la part d'un parti qui représente un quart de l'électorat du nord du pays. "Un accord culturel avec la Wallonie n'est pas une priorité. (…) Une collaboration culturelle avec les Pays-Bas sera plus fructueuse qu'une collaboration culturelle avec la Wallonie." Le parti nous répond au deuxième point par une question. "Seriez-vous prêts à exiger que des moyens financiers soient accordés par la Wallonie pour le développement d'activités culturelles flamandes en Wallonie?" Il y a longtemps que nous avons répondu « oui » dans nos prises de position affirmées depuis toujours. En plus, pour le Vlaams Belang, "cette vie culturelle francophone en Flandre n'apporte rien aux Flamands".

Le SP se dit convaincu de la nécessité d'un bon accord de collaboration entre les communautés flamande et française. Les socialistes flamands ajoutent tout de suite qu'un tel accord devrait garantir le respect du principe de territorialité. Assez étonnamment, il estime que les signataires devraient s'engager à ne pas soutenir des actions qui pourraient porter préjudice directement ou indirectement à l'un d'entre eux. Le SP ne prévoit ni moyens spécifiques, ni propositions quant à la promotion de la francophonie en Flandre.

SPIRIT y va d'un couplet tout à fait inattendu sur "la nécessaire intégration des francophones dans la société dans laquelle ils vivent". Il ne verrait pas d'un bon œil les francophones de Flandre fréquenter des écoles et des bibliothèques francophones. Mais il n'a évidemment jamais été question de cela! Mis à part dans les communes à facilités de la périphérie de Bruxelles, où les francophones sont majoritaires, les enfants des francophones de Flandre fréquentent les écoles flamandes et leurs parents traitent tous leurs problèmes administratifs en néerlandais. Ahurissante re-marque finale: "les francophones sont évidemment libres de parler français, mais ne peuvent pas attendre que nous fassions de la Flandre un pays bilingue". Lapsus révélateur? Il est bien dit "pays" et non "région".

OPEN VLD souligne comme les précédents la nécessité de respecter le "principe de territorialité". Il précise que "si les associations répondent aux conditions fixées par les décrets flamands, elles peuvent, comme les autres associations en Flandre, introduire une demande de subvention".

Le CD&V joint sa voix au chœur chanté sur le "principe de territorialité" garanti par la Constitution. Il ajoute qu'une riche activité culturelle flamande fleurit sans aucune aide publique et qu'il n'est donc pas question de transgresser les règles fixant les attributions officielles en la matière. Suit un rappel des droits garantis par la Constitution: article 30 droit de s'exprimer dans la langue de son choix dans la sphère privée, article 25: garantie de la liberté de la Presse et interdiction de la censure, article 26: droit de se réunir paisiblement et sans armes, article 27: droit d'association. Conclusion pour CD&V: nulle part il n'est porté atteinte à la liberté culturelle! Les francophones ont le droit de vivre leur culture dans les limites du contexte institutionnel...

GROEN! apporte un peu de fraîcheur culturelle. Pour le parti vert, la collaboration entre différentes communautés dans une même relation d'Etat ne constitue pas un problème, mais un défi et un possible enrichissement. Il appelle de tous ses vœux un accord culturel pour éviter toutes chamailleries et pour stimuler, au contraire, un épanouissement culturel entre communautés et pour promouvoir les échanges culturels entre citoyens de l'Etat fédéral.

ECOLO fait preuve d'un esprit d'ouverture égal à celui de son homologue flamand. Le mouvement écologiste est manifestement soudé, alors que toutes les autres formations politiques sont divisées sur le problème des relations communautaires. Ecolo dit souhaiter une "négociation adulte" entre les communautés. Il faut selon lui garantir "le droit de chacun à l'épanouissement culturel dans une autre communauté". Ecolo rappelle une"divergence d'interprétation" quant au principe de territorialité. L'arrêt de la Cour d'arbitrage du 3 octobre 1996 a précisé le concept de territorialité en ouvrant la perspective d'une action de promotion culturelle sur le territoire d'une autre communauté. Il importe avant tout de ne pas "contrarier la politique culturelle" de l'autre communauté.

Le PS nous encourage dans notre action "qui, loin de stigmatiser les deux communautés ou de creuser le fossé entre elles, tend au contraire à les rapprocher". Le parti socialiste "veut créer de nouvelles passerelles entre les trois communautés". L'idéal serait qu'un accord culturel "permette à une communauté de subsidier les associations culturelles qui ont leur siège sur le territoire de l'autre communauté. Malheureusement, la jurisprudence de la Cour d'Arbitrage est claire et suppose qu'une modification constitutionnelle intervienne". Toutefois "le PS n'exclut pas de remettre l'extension de la compétence de la Communauté française sur certaines institutions francophones de Flandre sur la table". La Convention pour la protection des minorités nationales est, pour le PS "également un instrument fondamental » et le parti « demande qu'elle soit ratifiée par la Belgique dans les plus brefs délais".

Le CDH souhaite la signature d'un accord culturel "vaste et complet entre les deux grandes communautés du pays". "La culture francophone doit pouvoir s'épanouir en Flandre comme la culture flamande doit pouvoir s'exprimer dans la partie francophone du pays." La Flandre "doit oublier sa peur d'une 'invasion' francophone pour accepter l'existence d'une vie culturelle francophone qui n'a aucune prétention à la domination ou à l'hégémonie". "Les règles de l'Etat fédéral belge ne permettent pas à la Communauté française de financer directement des activité culturelles en Flandre. Un accord de coopération culturelle entre les deux Commu-nautés pourrait mettre fin à cette situation." En ce qui concerne les médias audio-visuels, "l'accès aux programmes diffusés dans l'autre communauté peut être un élément de renforcement du dialogue communautaire" auquel le CDH se dit attaché.

Le MR part du constat de la limite "sur laquelle semblent achopper toutes les négociations jusqu'à présent: le strict respect du principe de territorialité demandé par les autorités flamandes, qui rend tout accord de coopération inutile". Il ajoute: "la possibilité de voir subventionnée la présence culturelle francophone en Flandre est pour nous une réelle demande". Les difficultés d'ordre institutionnel "devraient pouvoir être levées, par exemple au moyen d'un accord de coopération". Le MR poursuit: "Nous regrettons la jurisprudence de la Cour d'Arbitrage qui n'a pas suffisamment pris en compte la dimension réelle d'une politique culturelle, ni suffisamment considéré la portée réelle d'une politique de protection des minorités." "Nous proposons", dit le MR, "de développer les aspects personnels du fédéralisme: permettre à la Communauté française de prolonger ses compétences à l'égard des institutions francophones où qu'elles se situent".

Le FDF rappelle qu'il a toujours soutenu l'exigence en matière de subsidiation "et a même été à son initiative". "Le FDF demandera la ratification sans réserve et l'application correcte et respectueuse des dispositions de la Convention-Cadre pour la protection des minorités". Souvenons-nous du rôle important que le FDF a joué au niveau européen et qui a pesé dans le vote du Conseil de l'Europe reconnaissant la présence en Flandre d'une minorité francophone.

Les leçons à tirer

La crispation obsessionnelle des politiciens flamands par rapport à une demande vraiment anodine relative à la vie culturelle francophone en Flandre est désespérément évidente. La Flandre a pourtant signé un accord culturel avec la France qui a eu notamment pour résultat une présentation d'écrivains flamands et néerlandais au Salon du Livre à Paris. Dans le sens opposé, il y a eu à Anvers une "Quinzaine française". La France est bien intervenue en Flandre sans encourir le reproche de ne pas respecter le sacro-saint "principe de territorialité"? Pourrait-on nous expliquer pourquoi, ce qui est possible avec la France, ne l'est pas dès lors qu'il s'agit de la Communauté française de Belgique? En général, un accord culturel prévoit l'intervention d'une communauté sur le territoire d'une autre…

Le passé et le futur

Serait-ce vraiment trop demander à nos amis Flamands d'oublier ce passé du 19ème siècle où certes, une bourgeoisie francophone a pu les humilier? De ne plus ressasser les anciens griefs, mais d'organiser, avec nous, un futur commun convivial?

Comment leur faire comprendre que, comme l'a écrit si justement Christian Laporte dans la "Libre Belgique" du 12 mars 2007, "l'APFF n'est pas un cheval de Troie fransquillon visant à bilinguiser la région septentrionale de la Belgique, mais un organe de liaison essentiel entre tous les cercles, clubs et autres mouvements qui se sont fixés comme objectif de maintenir la culture française" dans le nord du pays.

Quel préjudice les francophones habitant en Flandre portent-ils à leur région? Ils respectent entièrement les lois linguistiques et leur micro-revendication porte seulement sur une activité strictement culturelle. Ce "niet" continu est proprement stupéfiant et pratiquement dérisoire. L'APFF qui s'est faite porte-parole des francophones en Flandre a toujours fait preuve de sentiments amicaux et du sens de la mesure.

S'il y a une telle volonté de continuer à vivre ensemble, n'est-il pas grand temps de modifier les comportements inamicaux et conflictuels pour adopter des attitudes de conciliation? Ce serait vraiment une victoire de l'intelligence et de l'ouverture d'esprit si l'on faisait en sorte que les livres d'Histoire futurs puissent mentionner qu'en 2007 s'est produit un changement radical dans les relations entre les deux grandes communautés de Belgique.

 

Marcel BAUWENS

Président honoraire de l'Association générale des journalistes professionnels de Belgique (AGJPB)
Administrateur de l'APFF  

ANNEXES: Questions et texte intégral des réponses


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