Difficile de passer à côté de "La môme" d'Olivier Dahan. Oubliant la chronologie d'une biographie classique, il apporte son éclairage particulier sur la vie d'Edith Piaf, de Manhattan en 1959 à Belleville en 1943.

Au risque de casser son image populaire, il choisit les périodes les plus obscures de sa vie : coups de gueules, caprices de star, dépendance à la drogue et déchéance physique. Pas un mot sur Montant, Moustaki ou Aznavour: bizarre. Marion Cotillard devient Edith Piaf à l'écran, son mimétisme est saisissant. Quoique excessif par moments. Comme les maquillages. Du coup, l'émotion vraie ne passe que quand la bande son nous renvoie les chansons de Piaf. Avec sa voix originale…

Autre film en vue, "Lady Chatterley" de Pascale Ferran, grand vainqueur des "César". Cette passion entre une lady prisonnière de son mariage et le garde-chasse du domaine s'égrène au rythme d'un long apprivoisement marquant à la fois le lent réveil de la sensualité de la jeune femme et le retour progressif à la vie du garde-chasse. A partir de là, Pascale Ferran saisit l'indicible, capte le moindre regard. Et les deux acteurs, inconnus au cinéma, Marina Hands (César de la meilleure actrice) et Jean-Louis Coulloc'h, se montrent au diapason.

Sinon, que retenir? Assurément "Nue-Propriété" du Belge Joachim Lafosse. Sur une mise en scène très épurée, il raconte l'histoire d'une mère divorcée (Isabelle Huppert) qui veut revendre la maison familiale malgré le refus de ses deux fils, Jérémie Renier et son frère - moins connu - Yannick, pour la première fois réunis à l'écran.

Mais aussi "Entre adultes" de Stéphane Brizé qui observe les différentes étapes de la désagrégation de plusieurs couples à travers la lorgnette de la cruelle banalité du quotidien.

Ou encore, à partir du 21 mars, "Les Témoins", nouvel opus d'André Téchiné qui fait revivre les années 80, à l'heure du sida, pour nous parler, comme il sait si bien le faire, de la confusion des sentiments de personnages en crise (dont Emmanuelle Béart et Michel Blanc).

Par contre, vous serez bien inspirés en ignorant "Michou d'Auber" de Thomas Gilou (avec Nathalie Baye et Gérard Depardieu). Cette espèce de version algérienne du "Vieil homme et l'enfant" sans Michel Simon et avec un petit Arabe à la place du petit Juif, n'est qu'un hymne rance à la tolérance.

Pierre GERMAY