Nouvelles de Flandre
La francophonie : une nécessité pour le XXIème siècle

Il faut parler de la francophonie sans se payer de mots.

En septembre s'est tenu à Bucarest un Sommet des Chefs d'Etat et de Gouvernement de la Francophonie. De nouveaux pays ont sollicité leur adhésion: le Ghana, le Mozambique, l'Ukraine, Chypre. Et certains commentateurs d'y voir le succès d'une Organisation, l'OIF, "qui attire" et de souligner que désormais quatorze des vingt-sept pays de l'Union Européenne sont adhérents à l'OIF.

C'est mathématiquement exact. Mais il y a loin de l'apparence - l'adhésion - à la réalité des comportements linguistiques.

Au lendemain même du Sommet de Bucarest il faut faire pression pour que ne disparaisse pas du bouquet satellitaire roumain la Télévision de la Francophonie, TV5.

Et surtout l'anglais ne cesse de progresser au Parlement Européen, à la Commission Euro-péenne sans que les « francophones », soit disant majoritaires, parviennent à faire respecter par l'Union Européenne cette diversité culturelle, et donc linguistique, que nous avons revendiquée fièrement à l'UNESCO.

En fait tout se passe comme si la "francophonie" se scindait en deux notions de nature bien différente : la francophonie avec un "f" minuscule, constituée de l'ensemble de ceux qui parlent le français, et la Francophonie avec un "F" majuscule, une organisation diplomatique et politique rassemblant des Etats et des gouvernements.

La francophonie avec un "f" minuscule, est modeste mais essentielle. C'est la communauté de toutes celles, tous ceux qui ont le français en partage. Ils utilisent le français comme langue d'usage, ou d'accès à la modernité, ou comme langue seconde. Il faut le dire: ils n'ont jamais été aussi nombreux.

Certes, à l'échelle du monde, ils ne représentent que la dixième ou onzième langue parlée. Mais ils sont présents sur tous les continents : 3e langue parlée en Europe, en expansion en Afrique malgré le caractère fragile de l'implantation du français dans certains Etats, vivaces en Amérique du Nord grâce aux admirables québécois mais aussi aux pauvres haïtiens, renaissants en Asie où l'on sait que le français est une langue de culture et de distinction.

Oui, le français reste une langue de diffusion mondiale et nous le constatons à chacun de nos déplacements : la demande de français est toujours très forte, toujours supérieure à ce que nous pouvons offrir.

Pourquoi donc faut-il que nos élites françaises (ou prétendues telles) continuent de nier cette demande, de croire que la modernisation est synonyme de recours systématique à l'anglais, bref d'assimiler la volonté de garder au français son rang international à un combat « ringard », passéiste, voué à l'échec, sans voir ce que d'autres pays ont bien compris: que le rayonnement d'une langue est un élément d'ouverture sur le monde, et, sans le dire, d'influence.

Non, la francophonie n'est pas passéiste, elle est au contraire notre contribution au grand débat moderne, fondamental, pour la sauvegarde de la diversité culturelle dans un monde qui se resserre.

Si la volonté de promouvoir la francophonie semble parfois chancelante en France il faut pourtant reconnaître que l'effort financier français ne se dément pas. Il est cette année au niveau des années précédentes. Il faut redire ici que c'est d'abord grâce à un financement français très majoritaire que vit la Francophonie institutionnelle.

Si d'autres pays, en particulier le Canada, semblent parfois plus convaincus que nous de la nécessité d'une politique francophone forte, ils ne joignent pas suffisamment l'effort financier à la parole. Nous faisons beaucoup sans trop sembler y croire. D'autres sont plus résolus... et moins généreux. Il est temps que nous sachions tous être résolus à donner à la Francophonie une ambition collective forte, et les moyens de la réaliser.

Il convient aussi d'être attentifs à ne pas enfermer la Francophonie dans une structure institutionnelle désincarnée.

A force d'admettre des pays qui nous rejoignent pour se faire connaître, pour atteindre des objectifs légitimes (pour eux) mais éloignés de ceux pour lesquels l'OIF a été créée, nous risquons de devenir une sorte d'auberge... espagnole, ou "d'ONU du pauvre". C'est ce que soulignait avec ironie la presse anglo-saxonne après le Sommet confus de Bucarest.

La Francophonie doit certes rassembler sur des bases claires les Etats qui ont - au moins un peu - le français en partage. Mais à l'heure d'internet - de la mondialisation - il ne faut plus raisonner essentiellement en "Etats" francophones.

La francophonie est mondiale. Plus que des Etats ce sont des hommes qu'elle rassemble, qu'elle unit grâce à cette langue partagée, sur la planète entière.

Dans la Société de l'information, de la connaissance, la francophonie est une façon différente d'aborder le XXIe siècle. Et voilà pourquoi elle est nécessaire et constitue une aventure passionnante et pleine d'avenir.

 

Jacques LEGENDRE

Sénateur du Nord-Pas-de-Calais
Sécrétaire général de l'Assemblée parlementaire de la Francophonie

Introduction à l'avis présenté au nom de la commission des Affaires culturelles sur le projet de loi des finances pour 2007. Texte repris avec l'autorisation de l'auteur.


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