Nouvelles de Flandre
Flamands et francophones plus forts ensemble

Les intérêts de nos deux grandes communautés coïncident et les Flamands n'ont aucun avantage à se lancer dans l'aventure de la séparation. C'est la leçon que tire Rudy Aernoudt qui observe d'ailleurs que "dans un monde globalisé, les régions qui se replient sur elles-mêmes, n'ont pas d'avenir."

Dans son ouvrage "Wallonie-Flandre, je t'aime moi non plus", dont le contenu a été abondamment cité et commenté dans l'hebdomadaire économique "Trends", Rudy Aernoudt fait un sort à la fois aux clichés que véhiculent les séparatistes flamands et aux conclusions simplistes, erronées et fallacieuses qu'ils avancent. Ce Secrétaire général de l'administration flamande sait de quoi il parle : il fut successivement chef de cabinet des ministres de l'économie wallon, fédéral et flamand.

"Les clichés sont des lieux communs, des banalités que l'on se plaît à répéter à tort et à travers." Tels que : "les Français(es) font bien l'amour", "les Irlandais sont des ivrognes", "les Wallons sont paresseux" ! Or, "cette pensée en clichés influence inévitablement les débats politiques actuels". Et "la meilleure façon de déconstruire ces clichés consiste à les confronter à la réalité ?"

Les transferts financiers

C'est ce que fait l'auteur qui aligne sur quelque deux cents pages une série d'arguments économiques contre le séparatisme et les thèses défendues naguère par quelques patrons flamands dans le fameux "Manifeste" du "groupe de réflexion "In de Warande".

"... contrairement aux idées reçues, la Wallonie et la Flandre se différencient peu en ce qui concerne l'esprit d'entreprendre et l'innovation. Les deux régions figurent au bas du classement européen."

"Indépendamment des ébats communautaires, il convient d'observer à quoi servent les transferts. Tout d'abord à réduire les disparités régionales. Ces disparités sont néfastes aussi bien pour un pays que pour un groupe de pays. C'est la raison pour laquelle l'Union européenne attache une si grande importance à la politique régionale."

En ce qui concerne tout d'abord les transferts financiers du nord vers le sud, les montants sont outrageusement gonflés. Les extrémistes flamands les évaluent à 10 milliards d'euros. Les patrons du "manifeste" eux-mêmes avancent le chiffre de 6,5 milliards d'euros. Une étude de l'université de Namur estime les transferts à 5,3 milliards. Le service d'études de la KBC fait état de 5 milliards et la FEB arrive à 3 milliards ! On peut s'étonner évidemment de cette disparité, mais les données chiffrées qui sont analysées donnent effectivement lieu à interprétation...

"Depuis 1990, ces transferts sont restés relativement stables, à un niveau de 4 % des revenus flamands primaires. Des transferts totaux, un milliard est destiné à Bruxelles, le reste à la Wallonie. Ces transferts concernent essentiellement la sécurité sociale. Le reste finance les régions et les communautés et le gouvernement fédéral."

Si les analyses étaient faites à l'échelon provincial, il apparaîtrait que la Flandre occidentale est aussi nettement bénéficiaire des transferts. Six des huit arrondissements flamands reçoivent plus que leur contribution. Par contre le Brabant wallon, lui apporte largement sa part.

Si les Flamands devaient se détacher de la Wallonie, ils n'en devraient pas moins faire preuve de solidarité en raison des mécanismes européens. Des transferts comparables aux nôtres se font dans d'autres pays d'Europe et ils oscillent entre 6 et 9 %. Nettement plus que les 4 % de la Flandre !

Tout le monde est d'accord sur un point : les transferts sont liés au niveau de l'emploi. La meilleure façon de diminuer les transferts est d'augmenter l'emploi en Wallonie.

"Si le niveau d'emploi entre les deux régions s'équilibrait, le montant des transferts financiers descendrait à 2,6 milliards d'euros, soit environ 0,5 % des revenus primaires flamands."

Si on comprend bien, les patrons signataires du "manifeste" auraient intérêt à investir en Wallonie !

Achat de produits flamands

Chaque Flamand paie en moyenne 3 euros par jour afin de réduire l'écart des revenus avec les Wallons. Ces derniers gagnent, en moyenne, 22 % de moins que les Flamands. Ces 3 euros contribuent directement ou indirectement à l'augmentation du niveau de vie de 40 % des Belges. Pour les plus démunis, cela représente une augmentation de revenus de 20 %. "Une augmentation qui, par ailleurs, se traduit dans une consommation de biens et de services, dont une partie est destinée à l'achat de produits flamands."

Si l'on devait abolir les transferts, le pourcentage des Wallons vivant en dessous du seuil de pauvreté passerait de 15 à 22 %. Or, la Wallonie est le premier partenaire économique de la Flandre. Si les Wallons n'ont plus de quoi acheter, c'est l'économie flamande qui est atteinte ! La Wallonie absorbe, estime-t-on, 25 % des "exportations" des petites entreprises de Flandre et 20 % de celles des grandes entreprises.

Un autre élément engage l'avenir : le vieillissement est plus net en Flandre qu'en Wallonie. "... des décisions à court terme pourraient, à plus long terme, rattraper les Flamands, tel un boomerang. Le coût du vieillissement de la population est, en effet, estimé à 7 % du Produit Intérieur Brut, ce qui représente bien plus que le montant des transferts financiers."

Régionaliser les négociations salariales ?

Ceux qui se situent dans une perspective de scission, estiment également, vu la différence du marché de l'emploi dans le Nord et dans le Sud, qu'il vaudrait mieux régionaliser les négociations salariales. "Ainsi le groupe de réflexion de 'In de Warande' considère le maintien d'une politique salariale unitaire comme une des raisons du déclin persistant de la Wallonie."

"Les partisans des négociations régionales font appel aux différences de productivité pour justifier leur point de vue. Or, une étude réalisée par l'Université catholique de Louvain, source assez neutre dans ce contexte, fait apparaître que les différences de productivité s'expliquent essentiellement en fonction du secteur ( pour 97 % ) et de façon plus limitée en fonction des différences régionales ( pour 3 % ). Ceci plaide en faveur de négociations salariales sectorielles plutôt que fédérales ou régionales, ce qui est d'ailleurs le cas dans beaucoup de pays européens."

Nos deux grandes régions portent la lanterne rouge en Europe pour ce qui a trait au goût d'entreprendre et elles occupent une position médiocre dans le domaine de l'innovation.

"Plutôt que d'entretenir des rapports conflictuels, il serait préférable d'approfondir la collaboration interrégionale." "Nous devons enterrer la hache de guerre communautaire et, sans préjugés, rechercher les domaines dans lesquels la collaboration peut être bénéfique aux deux régions, dans le respect de l'autonomie régionale et de l'identité de chacun."

Par ailleurs, l'auteur se livre à des remarques qui collent d'une manière prémonitoire à la réalité politique actuelle : "... il est des systèmes qui peuvent davantage stimuler la corruption. Ainsi un Etat où seul un parti règne penche vers le 'pouvoir absolu' et cela peut 'corrompre absolument '. La Flandre a pu se défaire de l'hégémonie totale d'un parti ( CVP ), alors qu'en Wallonie, les tentatives de rapprochement entre les chrétiens démocrates ( CDH ) et les libéraux ( MR ) ont échoué."

L'auteur insiste aussi sur le devoir qu'ont les Flamands de demander un rapport annuel circonstancié sur l'utilisation faite des transferts financiers. "L'utilisation des fonds transférés devrait être rapportée de façon transparente."

"Halte-là !"

Le monde politique aura entendu un énorme coup de gueule contre les excès de régionalisation ; celui que Luc Cortebeeck a lancé dans son discours au congrès de la Confédération des syndicats chrétiens. Il a affirmé avec force : "Les mécanismes fondamentaux de la solidarité entre travailleurs doivent rester fédéraux : la Sécurité sociale, le droit du travail, les conventions collectives de travail et les accords interprofessionnels. Car nous sommes convaincus que c'est ce qu'il y a de mieux pour les Wallons, les Flamands et les Bruxellois."

Conclusion

L'analyse économique et, on s'en souviendra, des sondages aussi, montrent l'intérêt et la volonté de maintenir notre cohabitation, malgré les problèmes qu'elle peut parfois soulever.

Mais, si nous sommes destinés à continuer la vie commune, nous avons intérêt, Flamands et francophones, à mieux nous comprendre. Le premier pas en ce sens pourrait être, par exemple, la signature d'un accord culturel entre les communautés ? Ce que, pour notre part, nous réclamons depuis des années !

 

Marcel BAUWENS

Rudy Aernoudt - "Wallonie-Flandre, je t'aime moi non plus"- Vif Editions

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