Nouvelles de Flandre
Flamands et francophones : rien ne va plus ?

La campagne électorale pour les législatives de 2007 est ouverte avant de s'ouvrir ! (sic !)
Les hommes politiques veulent déjà se positionner aux yeux de leurs futurs électeurs.

C'est sans doute le climat d'échauffement avant les élections de 2007 qui a incité Yves Leterme, ministre-président flamand et candidat Premier ministre, à faire, dans une interview accordée au quotidien français "Libération" les déclarations que l'on sait. Mais il a dit bien plus que "les Francophones ne sont pas en état intellectuel d'apprendre le néerlandais" Ne laissons pas l'arbre cacher la forêt…

M. Leterme a beau dire qu'il a fait de l'ironie, son propos a suscité en Wallonie et à Bruxelles une indignation compréhensible. Les francophones, Elio Di Rupo ministre-président wallon en tête, ont estimé la phrase "injurieuse".

Des hommes politiques francophones, estimant que M. Leterme, dès lors qu'il prête à toute une communauté une déficience intellectuelle naturelle, tient des propos racistes, ont décidé de déposer plainte devant les tribunaux. Premier sur la balle : Olivier Maingain, président du FDF. Pour lui, les… termes utilisés par Leterme reviennent à dire que les francophones sont des êtres inférieurs. "Et si le Parquet devait ne pas prendre notre plainte en considération, nous sommes prêts à aller devant les juridictions internationales. Strasbourg ou la Cour de justice des Communautés européennes. Nous irons jusqu'au bout!"

Pour sa part, Philippe Sala, échevin à Wezem-beek-Oppem, a déposé plainte devant le Procureur général faisant valoir qu'outre leur caractère injurieux les propos tenus par M. Leterme "sont de nature à attiser les oppositions entre les communautés nationales, à provoquer des réactions passionnelles d'agressivité et à inciter ou à encourager la discrimination et la haine en raison de l'origine nationale, ethnique ou linguistique. La haute fonction politique de M. Leterme rend bien évidemment les propos tenus encore plus graves et plus dangereux."

Toute la classe politique francophone s'est dite indignée d'Elio di Rupo à Joëlle Milquet (CDH) en passant par Didier Reynders (MR) et Laurette Onkelinx. Quant à Maria Arena, ministre-présidente de la Communauté française, elle a rappelé les efforts faits pour encourager l'apprentissage du néerlandais

Notons aussi, en passant, la délicatesse de M. Leterme, "ministre du roi", qui insiste: "Regardez les difficultés des leaders francophones et même du roi, à parler couramment le néerlandais."

Voilà pour les qualités intellectuelles des Francophones.

Remise en cause

Dans cette même interview, Yves Leterme remet en cause le caractère permanent des facilités reconnues en 1962 aux francophones dans une série de communes de la frontière linguistique. Les Flamands ont toujours considéré, à juste titre selon lui, que le régime des facilités constituait une étape transitoire.

Alors là, c'est vraiment commettre un mensonge historique. On se souviendra qu'au mépris des règles démocratiques les plus élémentaires, les Flamands ont fait disparaître le recensement linguistique, empêchant ainsi le comptage des francophones.

C'est sur une base anti-démocratique que les hommes politiques de l'époque ont négocié le tracé d'une "frontière linguistique". Et les francophones ont accepté le principe de cette frontière moyennant la garantie qu'ils conserveraient le droit de parler leur langue et de recevoir les documents administratifs dans leur langue en terre flamande.

C'est d'ailleurs ce qu'a confirmé encore il y a quelques années feu Arthur Gilson, qui était ministre de l'Intérieur (PSC) au moment de la mise au point des lois linguistiques.

Et le rapporteur du projet Jan Verroken (CVP), grand champion de l'expulsion de l'université francophone de Louvain, peu suspect de francophilie, a présenté le texte comme "la base d'une loi durable". Il n'a jamais été question de reprendre à terme un droit chèrement acquis.

"Espace bilingue" ?

"Je suis prêt à discuter de la création d'un véritable espace bilingue, mais je ne crois pas qu'il existe une telle volonté politique du côté francophone" dixit Leterme, décidément en veine de déclarations

Quel contenu mettre dans cette proposition sibylline? Yves Leterme devient le Sphinx de Flandre? Serait-ce une allusion à l'idée mise sur la table des négociations, en 1962, de rattacher à Bruxelles quelques communes flamandes de façon à assurer un équilibre linguistique de fait dans la capitale ? Les deux grandes communautés auraient été pratiquement à égalité à Bruxelles.

Si c'est de cela qu'il s'agit, il est bon de rappeler que ce sont les Flamands qui se sont opposés à cette proposition. Ciel! De la terre flamande sacrée laissée à Bruxelles abhorrée! Ou Yves Leterme mijote-t-il autre chose?

Au lieu de faire de l'ironie, il ferait peut-être mieux de s'expliquer là-dessus. Faut-il rapprocher cette petite phrase sur l'"espace bilingue" de l'évocation de la … vocation internationale de Bruxelles ? M. Leterme a déclaré en effet: "C'est une ville à vocation internationale qui doit voir son statut évoluer en ce sens."

Nouvelles compétences

Autre passage à relever dans cette fameuse interview: "mon parti (CD&V) ne participera pas à un gouvernement fédéral s'il n'y a pas de nouveaux transferts de compétences."

Voilà qui est net! Le CD&V met sur la table un préalable à toute négociation de programme de gouvernement. Quel préalable oppose-t-on du côté francophone? Nous proposons le rétablissement immédiat du recensement linguistique et donc, en fait, le rétablissement de la règle démocratique fondamentale qui est la consultation des citoyens. Tous les malheurs linguistiques proviennent de ce qu'on n'a pas respecté le principe essentiellement démocratique de l'expression libre des citoyens.

Il est regrettable qu'une minorité au pouvoir - hommes politiques, leaders d'opinion, patrons du monde économique - manipulent l'opinion publique en développant des thèses qui ne correspondent probablement pas à la volonté générale. Plusieurs sondages successifs ont fait apparaître la volonté de la grande majorité des citoyens de continuer à vivre ensemble. Mais il n'y a qu'un moyen de s'assurer indubitablement de cette volonté générale : la consultation directe des citoyens par le referendum. Et, de cette manière on verrait enfin apparaître au grand jour cette minorité de francophones vivant en Flandre, dont les Flamands nient l'existence malgré la reconnaissance par le Conseil de l'Europe.

Dans le "courrier des lecteurs" du "SOIR" un lecteur souligne que M. Leterme considère que ce qui peut encore être fait en commun par les deux communautés, c'est "la solidarité interprofessionnelle pour les retraités et les malades". "C'est proprement stupéfiant" dit ce lecteur, "Le seul domaine en partage où les Flamands sont assurés d'un transfert Sud-nord est, comme par hasard, le seul qu'ils veulent bien préserver".

Pour le reste, que reste-t-il en commun, selon Yves Leterme? "Le roi, l'équipe de foot, certaines bières…"

Devant tant de désinvolture et d'arrogance, les francophones sont saisis d'une sainte grogne. Certains envisagent des répliques concrètes comme par exemple le boycott du tourisme à la côte. Un tourisme de Francophones qui rapporte aux commerçants du bord de mer entre 20 et 25 % de leur chiffre d'affaires. Mais peut-être faut-il attendre un peu la suite des événements pour voir si M. Leterme est appuyé largement dans les états-majors des partis flamands et dans l'opinion publique de Flandre ou s'il a "fait des vagues".

En tout cas, Luc Cortebeeck, président de la Confédération des syndicats chrétiens (CSC), une organisation qui a maintenu à travers vents et marées une structure nationale, a dit son opposition à toute nouvelle réforme de l'Etat qui endommagerait, selon lui, le tissu socio-économique. Rappelons que la CSC compte largement plus d'un million d'affiliés. C'est une force avec laquelle il faut compter.

La position de l'APFF

Nous l'avons déjà répété à maintes reprises: si l'on veut apporter une solution définitive au contentieux communautaire qui empoisonne la vie de notre pays, il faut que Flamands et francophones se mettent à table une bonne fois pour toutes et fassent suffisamment de concessions de part et d'autres.

Ce n'est pas en jetant de l'huile sur le feu, comme vient de le faire Yves Leterme, que l'on y parviendra.

 

Marcel BAUWENS

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