Nouvelles de Flandre
L'Egyppte et la langue française

A l'occasion du centenaire de la naissance de Léopold Sédar Senghor, la Bibliothèque d'Alexandrie accueillait le troisième Colloque de l'Année francophone internationale, auquel participait notre association. Une belle opportunité pour découvrir ce pays membre de la Francophonie.

Située au nord-est du continent africain, l'Égypte - officiellement République arabe d'Égypte - couvre une superficie de plus d'un million de km2, soit près de 2 fois la France. Au sud, le pays possède une frontière avec le Soudan, à l'ouest avec la Libye. A l'est, il s'étend sur le continent asiatique par la péninsule du Sinaï où il est limité par Israël et l'Arabie Saoudite. Cette situation géographique détermine ainsi son appartenance au Proche-Orient.

Avec une population de près de 74 millions d'habitants, l'Egypte est le pays le plus peuplé du monde arabe. Sa densité de population est très élevée (1.300 hab/km2) si on ne prend en compte que la partie habitée - la vallée du Nil - qui ne représente que 4% du territoire total. Le taux d'urbanisation est également très important. C'est, sans conteste, la capitale Le Caire qui est la ville la plus importante avec 13 millions d'habitants puis Alexandrie qui en compte 4 millions.

Histoire

La formation du "peuple égyptien" remonte très loin dans le temps, soit vers 3500 avant notre ère. Durant plusieurs millénaires, diverses dynasties de Pharaons assurent un développement extra-ordinaire à la région. Suite au déclin de cet Empire, le territoire passe successivement aux mains de divers conquérants notamment Perses, Grecs et Romains.

Au milieu du 5ème siècle, l'islamisation et l'arabisation se répandent dans le pays. L'Égypte est un pays prospère et Le Caire l'une des plus importantes villes de l'islam. Ensuite, la région devient une province turque et tombe dans la misère et l'anarchie. Cette situation favorise la mainmise des Européens, notamment des Français mais surtout des Britanniques qui occupent le territoire jusque dans les années 1960 et donc bien après l'indépendance qui est proclamée en 1936.

La place du français

Le touriste qui prend la peine de sortir des circuits traditionnels pour flâner dans les rues du Caire ou visiter le delta du Nil et Alexandrie, sera surpris de rencontrer de nombreux signes de la présence française. Les liens entre l'Egypte et la France remontent à la fin du XVIIIe siècle quand Bonaparte et son armée occupent le pays pendant quelques années. Par la suite, de nombreux militaires, médecins et autres savants épris d'égyptologie, aident l'Égypte à prendre conscience de son passé illustre et à créer un état moderne.

Grâce à cette collaboration, la langue française s'est largement implantée dans le pays tout en étant considérée comme porteuse de modernité et d'une certaine conception idéologique. Le français est alors la langue de la culture tandis que l'anglais est la langue du colonisateur. Les Egyptiens se tournent volontiers vers le français en réaction à l'occupation britannique.

De plus, la présence de religieux catholiques français permet la création de nombreux établissements scolaires qui accueillent des élèves de toutes religions et nationalités. Ces institutions s'imposent comme les meilleures du pays et forment ainsi des générations de dirigeants égyptiens. Pendant ces années fastes, le français est également parlé dans certaines minorités protégées par la France - juifs, syro-libanais - et par certaines communautés et sert alors de lien entre ces différents groupes. C'est ainsi que jusque dans les années 1950, la tradition francophone se transmet d'une génération à l'autre au sein d'une partie de la société égyptienne.

Le déclin

La crise du canal de Suez, en 1956, va renverser l'ordre des choses, la France va être tout à fait déconsidérée suite à son alliance avec Israël et la Grande-Bretagne. La plupart des Français sont expulsés et de nombreux francophones appartenant à diverses autres communautés quittent

l'Égypte. Les écoles catholiques françaises passent sous la tutelle de l'état qui va y imposer ses programmes et promouvoir l'arabisation. La francophonie va alors décliner de façon inexorable.

Actuellement, selon le Rapport du Haut Conseil de la Francophonie, l'Égypte compte encore quelque 300.000 francophones et plus ou moins 2.000.000 de francophones partiels. Ce qui en soi n'est pas énorme en regard du nombre d'Égyptiens. Comme le souligne Robert Solé: "Paradoxalement, quand l'Égypte était occupée par la Grande-Bretagne, ses milieux dirigeants parlaient le français; depuis qu'elle s'est libérée de cette occupation, ils parlent l'anglais."

Enseignement

Aujourd'hui, 45.000 élèves sont inscrits dans les anciennes écoles catholiques qui sont devenues des "écoles de langues", où une partie de l'enseignement se fait en français. Au niveau supérieur, il existe, au sein de certaines universités égyptiennes, cinq filières francophones qui accueillent un nombre restreint d'étudiants. Heureusement, la création, en 2002, de l'Université Française

d'Égypte a permis d'offrir de nouveaux débouchés aux élèves scolarisés en français. Cette université forme des étudiants trilingues - français, arabe, anglais - avec le soutien d'institutions françaises.

Signalons aussi l'existence de l'Université Senghor, ouverte en 1990, à Alexandrie, par l'Organisation internationale de la Francophonie. Cet établissement francophone de 3ème cycle est centré sur la formation aux métiers du développement.

Les médias

En 1937, au Caire, sur 65 publications étrangères, 5 étaient en anglais et 45 en français. Actuellement, il ne reste qu'un seul quotidien en français: le Progrès égyptien ainsi qu'une édition en français de l'hebdomadaire Al Ahram. Radio Le Caire propose 4 heures de programmes en français par jour. Pour ce qui est de la télévision, un journal quotidien est diffusé sur la deuxième chaîne égyptienne et Nile TV propose quelques programmes en français le matin et le soir. Bien entendu, TV5 Monde est transmise par câble et satellite.

Même si l'emploi du français a fortement régressé ces dernières décennies en Égypte, certains signes semblent montrer que notre langue pourrait, malgré tout, y conserver une place privilégiée. Citons par exemple, le Groupe des jeunes Francophones Alexandrins (G.F.A.) qui ont pour but de créer des échanges et des liens avec d'autres francophones dans le monde, tout en assurant la promotion de la francophonie dans leur pays.

Gageons que cette jeunesse, pourra continuer à transmettre les liens culturels qui ont toujours unis l'Égypte à la francophonie et par delà, encourager la diffusion des valeurs d'ouverture, de dialogue et de diversité linguistique et culturelle.

 

Anne-Françoise COUNET


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