Nouvelles de Flandre
Le français au sein des institutions européennes

Depuis son élargissement, l'Union européenne compte 20 langues officielles. Bien que le multilinguisme soit fixé aux niveaux juridique et institutionnel, il semble que dans la pratique quotidienne, le "tout à l'anglais" soit plutôt de mise.

Le 1er mai 2004, l'Europe accueillait dix nouveaux membres et de ce fait augmentait considérablement le nombre de langues officiellement reconnues. Et l'expansion linguistique n'en restera sans doute pas là. Les pays qui frappent à nos portes viendront ajouter encore d'autres langues.

L'importance de la diversité

De par les lois qui ont fondé l'Union, toutes les langues sont placées sur pied d'égalité. L'Union entend préserver la diversité linguistique et au-delà culturelle. Mais ce principe nécessite des moyens financiers et humains considérables notamment pour faire face aux besoins de traduction et d'interprétation. C'est d'ailleurs ainsi qu'a vu le jour la notion de langue de travail pour faciliter le travail des fonctionnaires.

L'anglais, le français et l'allemand se sont imposés peu à peu, selon les institutions, comme moyens privilégiés de communication. En ce qui concerne la place du français, les choses ont fortement évolué au fil des années et dans un sens bien peu favorable.

Au début de la construction européenne, un certain nombre de raisons objectives ont permis au français d'occuper une place privilégiée. La raison première était l'emplacement géographique des principales institutions, à Bruxelles, Luxembourg et Strasbourg, trois villes francophones. D'où un nombre important du personnel francophone dans les sièges. D'autre part, le français était la langue officielle de trois des six pays fondateurs (France, Luxembourg et Belgique). Enfin, le français a toujours rempli la fonction de langue du droit de l'Union européenne.

Notre langue est demeurée majoritaire dans la communication interne communautaire jusqu'au début des années 1990. L'élargissement à l'Autriche, la Finlande et la Suède a cependant marqué une rupture avec les années précédentes, principalement à cause de l'usage courant de l'anglais dans les pays nordiques. Cette tendance n'a fait que s'accentuer depuis et force est de constater que le français ne cesse de reculer au profit de l'anglais.

L'un des principaux indicateurs des usages linguistiques dans la pratique quotidienne des institutions européennes est celui de la langue utilisée pour la première rédaction des textes produits avant toute traduction. L'édition 2005 du rapport adressé au Parlement français par la Délégation générale à la langue française et aux langues de France (DGLFLF) confirme ces statistiques : en sept ans, de 1997 à 2004, on est passé au niveau de la Commission de 40 % de documents rédigés en français à seulement 26 %, tandis que pour les documents en anglais, la tendance s'inversait avec 45 % en 1997 et 62 % en 2004. Et les observateurs constatent que cette évolution de l'anglais se fait principalement au détriment du français ainsi que de l'allemand.

Un plan d'action

En janvier 2002, pour tenter d'enrayer ce recul important du français, la Communauté française de Belgique, la France et le Grand Duché de Luxembourg, en partenariat avec l'Agence intergouvernementale de la Francophonie ont mis sur pied un "Plan pluriannuel d'action pour le français dans l'Union européenne". Ce plan comporte, notamment, un important volet de formation. Des cours de français sont offerts à des diplomates et fonctionnaires des nouveaux pays membres de l'Union européenne ainsi qu'à des fonctionnaires des institutions européennes, des interprètes, des traducteurs, des journalistes et des juristes. Ainsi, en 2005, ce Plan a permis, par exemple, de former plus de 5 700 fonctionnaires et diplomates européens en provenance notamment des nouveaux Etats membres.

En marge de ces actions, la Communauté française de Belgique par le biais de sa Délégation auprès des Institutions européennes a également voulu proposer une action de valorisation de Bruxelles, en tant que ville francophone, vis-à-vis des milliers d'eurocrates qui y vivent.

Le but étant de leur proposer une offre coordonnée d'activités culturelles en français, dans la capitale.

Un ensemble de partenaires à la fois institutionnels et privés se sont réunis à l'initiative d'Anne Lange, déléguée de la Communauté française auprès de l'Union européenne. On retrouve parmi eux: la Maison de la Francité, Télé Bruxelles, l'Alliance française, Bruxelles-Europe/Diversité linguistique ou la Bellone, pour n'en citer que quelques-uns.

Divers projets sont prévus, comme un cycle de conférences sur la citoyenneté européenne, intitulé « Regards croisés ». Des écrivains et intellectuels francophones ou francophiles y mettent en exergue la richesse des liens historiques, culturels et artistiques des divers Etats membres. Ces rencontres sont organisées à la fois au sein du Conseil de l'UE et dans des centres culturels bruxellois, afin d'établir des passerelles entre l'Europe et les opérateurs bruxellois.

Ces partenaires sont également en train d'élaborer une "valisette" de présentation des divers partenaires et de leurs « services » culturels. Cette documentation devrait être distribuée aux quelque 2 à 3 000 personnes qui débarquent, chaque année, à Bruxelles pour travailler au sein des diverses institutions. D'autres initiatives sont encore proposées comme des tables de conversation française, le "parrainage" de nouveaux fonctionnaires de l'Union ou la rédaction d'une brochure présentant l'ensemble des possibilités de formation en français à Bruxelles. Un projet de sous-titrage en anglais et en français de certains journaux télévisés est aussi envisagé.

On l'aura compris le français est en net recul au sein des institutions européennes. L'anglais est de plus en plus utilisé comme langue de rédaction et de communication orale. Et en même temps, le français est passé de la deuxième à la troisième place au niveau européen en tant que langue utilisée par les citoyens de l'Union. Depuis l'élargissement, il y a plus d'Européens qui connaissent l'allemand que le français. Tout porte donc à croire que les choses ne devraient pas s'améliorer.

Les plans et autres initiatives mises sur pied par les partenaires francophones s'avèrent donc indispensables si l'on considère la diversité linguistique et culturelle comme un principe fondamental de nos démocraties.

 

Anne-Françoise COUNET


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