Nouvelles de Flandre
La Flandre s'ouvre à la francophonie

L'arrivée de toute une série de chaînes de télévision en français sur le câble et via l'adsl, de même que la Quinzaine Française d'Anvers, marqueront à coup sûr la rentrée culturelle en Flandre. Mais tout ceci ne doit pas nous faire oublier le sort des francophones qui vivent au nord de la Belgique.

La Flandre s'engage dans la voie d'une décrispation par rapport à la langue française. Des éléments de fait l'indiquent. Des éléments non négligeables puisqu'il ne s'agit de rien de moins que du media "grand public" par excellence: la télévision!

En effet, TF1 fait son retour en Flandre et Telenet, le principal câblo-distributeur du nord du pays, lance la télévision digitale avec 11 chaînes en français. Elles seront 15 au printemps 2006: La Une, La Deux, RTL-TVI, TF1, France 2, France 3, France 4, France 5, Arte, TV5, AB3, Club RTL, LCI, TV Breiz et Plug TV. De son côté, Belgacom propose une offre similaire via l'adsl, mais sans TV5.

Autre signe de détente: l'organisation de la Quinzaine française d'Anvers, qui aura lieu du 8 au 23 octobre. Une multitude d'activités culturelles, touristiques, économiques ou de divertissement sont prévues dans la métropole flamande (voir article par ailleurs).

On se souviendra que la Flandre a passé en 2002 un accord culturel avec la France, ce qui a permis de mettre à l'honneur, au Salon du Livre à Paris en 2003, une série d'écrivains flamands dont les œuvres ont été traduites en français.

La journée du 11 octobre sera consacrée entièrement aux relations économiques et commerciales entre la Flandre et nos voisins du sud. Pour en souligner l'importance, Mme Fientje Moerman, ministre de l'Economie flamande sera présente.

Un élément positif supplémentaire: la création du site "Flandreinfo.be" par la radiotélévision publique flamande où tout francophone pourra s'informer, dans sa langue (aussi en anglais et en allemand), de tout ce qui se passe en Flandre.

Notons-le bien: il ne s'agit pas de faire la promotion de la Flandre, mais de rendre compte, dans un esprit journalistique d'objectivité, de tous les événements significatifs qui se produisent en Flandre.

Une ouverture, oui mais...

Si ces différentes manifestations nous réjouissent incontestablement, nous ne pouvons tout de même pas en oublier que d'autres continuent de témoigner d'une hargne quasi pathologique à l'encontre des francophones.

Les politiciens flamands qui ont échoué dans leur tentative d'imposer la scission de l'arrondissement de Bruxelles-Hal-Vilvorde n'ont pas désarmé pour autant. Pour eux, le dossier n'est pas clos. Ils en ont fait leur cheval de bataille et veulent renforcer coûte que coûte le caractère flamand de Bruxelles et de la périphérie.

Ainsi, une circulaire récente, adressée aux auto-rités communales par le ministre de l'Intérieur flamand, Marino Keulen, "affine et actualise" les fameuses circulaires Peeters et Martens sur l'emploi des langues dans les communes et les CPAS. Le texte envoyé aux 308 communes et villes flamandes, réaffirme que les francophones ne peuvent recevoir, une fois pour toutes, des documents administratifs en français, comme c'était le cas. Ils devront faire une demande de traduction pour chaque texte en particulier. Il est précisé aussi que les lettres de convocation aux élections doivent être rédigées en néerlandais.

On peut dire que les membres du Collège des bourgmestres et échevins de Zemst, commune du Brabant flamand, auront mérité le grand cordon du Lion des Flandres, toutes griffes dehors: ils ont décidé que les acheteurs d'un terrain dans la commune devront connaître le néerlandais ou s'engager à suivre des cours. Pour renforcer le caractère purement flamand de la commune, les autorités de Zemst entendent proposer aux nouveaux habitants un contrat d'intégration dans lequel la commune indique ses attentes linguistiques. Même les commerçants sont invités à ne s'exprimer qu'en néerlandais avec leurs clients. Ils envisagent sans doute ultérieurement d'interdire l'usage de toute autre langue que le néerlandais dans les familles habitant la commune?

Depuis quelques années, des hommes politiques flamands participent à une promenade cycliste autour de Bruxelles. Elle s'intitule "Gordel" (ceinture) pour indiquer que Bruxelles, ainsi bouclée, est bien la capitale de la Flandre. Cette année Bert Anciaux, ministre flamand de la Culture, de la Jeunesse et des Sports, connu pour ses prises de position ou déclarations inattendues, a émis l'idée de faire passer désormais la randonnée par le centre de Bruxelles. Il s'agit de montrer "clairement" que Bruxelles est la capitale de la Flandre. Pour éviter que cela soit considéré comme une déclaration de guerre aux francophones, M. Anciaux précise que ce nouveau parcours devrait faire l'objet d'une concertation avec eux.

Espérons qu'un jour, on pourra considérer que ces témoignages d'agressivité linguistique étaient des combats d'arrière-garde. Si une paix définitive et décomplexée s'instaure entre Flamands et francophones, on nous rendra, sans doute, historiquement parlant, justice d'y avoir solidement contribué. Ne rappelons-nous pas, sans relâche, que les francophones qui habitent la Flandre aujourd'hui ne sont plus les "Franscillions"d'hier.

Le rôle de l'APFF

En dénonçant la situation de la langue et de la culture françaises en Flandre et en attirant l'attention sur l'existence d'une minorité francophone dans toute la Flandre, et pas seulement dans la périphérie de Bruxelles, l'APFF a touché une corde sensible.

La Flandre ne veut plus donner l'image d'une région repliée sur elle-même. Rappelez-vous la réaction de l'OVV (le Centre de réflexion des associations flamandes) qui coiffe une cinquantaine d'associations et qui représente indirectement des centaines de milliers de Flamands, à la lettre envoyée aux parlementaires belges par une centaine d'intellectuels francophones de vingt pays différents suite à notre intervention au colloque de l'Année francophone internationale à Québec en 2003. Cette lettre pointait du doigt la situation anormale faite aux francophones de Flandre.

Même si la Flandre continue à s'en prendre aux francophones, une ouverture était nécessaire. La Flandre a préféré s'adresser à d'autres pays et régions francophones plutôt à la Communauté française de Belgique.

Avouons qu'il est un peu frustrant de constater que ce que la Flandre refuse à la Communauté française ne pose aucun problème lorsqu'il s'agit de la France. Lorsque la France soutient une association culturelle en Flandre, il est question de "coopération". Lorsque la Communauté française souhaite faire de même, cela devient de l'"ingérence". La Flandre n'a-t-elle pas été jusqu'à saisir la Cour d'arbitrage pour obtenir qu'il soit interdit à la Communauté française de continuer à subventionner les associations culturelles francophones actives en Flandre!

Mais ne boudons pas notre plaisir. L'ouverture que nous observons aujourd'hui n'est qu'un début. Si nous continuons à dénoncer les difficultés rencontrées par les 300 000 francophones qui vivent en Flandre, la Flandre sera bien obligée de reconnaître l'existence d'une minorité franco-phone sur son territoire. Elle finira par ratifier la Convention cadre sur la protection des minorités nationales et signera aussi un accord de coopération culturelle avec la Communauté française.

C'est un défi que l'APFF est prête à relever si on lui en donne les moyens. C'est-à-dire si on lui permet de se doter d'un secrétariat permanent pour poursuivre et développer son action. Espérons qu'au vu de l'enjeu et des résultats déjà obtenus, cela ne posera pas de problèmes.

 

Marcel BAUWENS

Président honoraire de l'Association générale des journalistes professionnels de Belgique (AGJPB)
Administrateur de l'APFF


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