Nouvelles de Flandre
Compter les francophones du monde entier !

Dans la compétition que se livrent les langues parlées dans le monde, le français ne s'en sort pas trop mal: il est 9ème dans le classement général qui comprend des géants comme le chinois, l'hindi ou le russe, lesquels ne sortent guère de leurs frontières. Si l'on ne compte que les langues à diffusion intercontinentale, le français prend la 5ème place derrière l'anglais, l'espagnol, l'arabe et le portugais.

Ce classement est encourageant, mais il ne dit pas combien il y a de francophones sur la planète Terre! Un comptage est pourtant établi par le Haut Conseil de la Francophonie (HCF) qui publie désormais son rapport sous l'égide de l'Organisation internationale de la Francophonie (OIF).

Le rapport 2004-2005 sur la Francophonie dans le monde nous apprend qu'il y a 175 millions de francophones. Ce chiffre contient deux catégories distinctes de francophones: les "francophones" proprement dits et les "francophones partiels". Les premiers pratiquent la langue d'une manière courante, les seconds n'ont qu'une compétence réduite du français leur permettant de faire face à un nombre limité de situations linguistiques. Les "francophones" seraient au nombre de 115 millions et les "francophones partiels" au nombre de 60 millions.

Des évaluations

Ces chiffres ne sont cependant que des évaluations plus ou moins fondées. En effet, un tiers seulement des pays du monde procèdent à un recensement linguistique et dans la plupart des cas il s'agit du recensement de la langue maternelle seulement. On ne tient donc pas compte des langues apprises, même si elles sont plus utilisées que la langue maternelle.

Le cas de la Belgique est particulier. En 1961, suite à une action politique concertée de bourgmestres flamands, une loi qui supprime le volet linguistique du recensement décennal a été votée. Les francophones n'ont plus le droit de se compter.

A défaut de recensements officiels, il faut multiplier les sources de données. Ces dernières se trouvent dans les notes fournies par les postes diplomatiques français dans le monde, dans les réponses fournies aux questionnaires adressés par le HCF aux représentants personnels des chefs d'Etat et de gouvernement membres de l'OIF, dans des études universitaires, dans des articles publiés par les médias, dans des informations glanées sur Internet...

"Nous n'avons de cesse de répéter, à chaque livraison du rapport du HCF, à quel point l'exercice consistant à dénombrer les francophones dans le monde est périlleux, et de souligner qu'il ne s'agit que d'estimations" font remarquer les auteurs de l'ouvrage, qui se disent heureux cependant d'avoir cette fois "bénéficié d'une collaboration plus étroite avec des universitaires membres de l'Agence universitaire de la Francophonie et notamment du Réseau d'observation du français et des langues nationales. C'est pourquoi de nouvelles méthodes de calcul des données concernant l'estimation du nombre de francophones dans les pays, notamment en tenant compte des travaux de ces universitaires, nous ont amenés, dans certains cas, à apporter des modifications relativement importantes par rapport aux données contenues dans le précédent ouvrage."

Des disparitions inquiétantes

Hum! Universitaires ou pas, il nous semble qu'il y aurait encore un sérieux effort à faire pour présenter les chiffres avec plus d'exactitude et surtout plus de rigueur. Il ne faut pas même être un esprit tatillon ou abusivement critique pour relever quelques... négligences.

Pour ce qui concerne la Belgique, par exemple, on lira avec intérêt, dans les rapports 1997-98 et 2002-2003, une brève analyse de la situation particulière résultant des relations entre francophones et Flamands. En ce qui concerne le dénombrement des francophones, le premier cité fait apparaître que, sur une population de 10 200 000 habitants, il y a 4 600 000 francophones et 3 000 000 de francophones partiels (on disait "francophones occasionnels" à l'époque).

Dans l'ouvrage suivant, ces chiffres deviennent successivement: 10 250 000 habitants, 4 300 000 et 3 000 000! Les 300 000 francophones qui ont disparu seraient-ils les... 300 000 francophones de Flandre? Pas tout à fait, mais si l'on soustrait des 4 300 000 francophones pour l'ensemble de la Belgique, les 4 200 000 francophones de la Communauté française, il n'en reste plus que 100 000 pour la Flandre! Des chiffres d'autant plus étonnants alors que, quelques pages plus loin, on lit: "300 000 francophones vivent en Flandre (dont 120 000 dans la proche périphérie de Bruxelles). Ils ont été reconnus comme minorité au sein de la région néerlandophone par l'Assemblée parlementaire du Conseil de l'Europe, le 26 septembre 2002."

Dans le dernier rapport, celui portant sur 2004-2005, les chiffres ajoutent à l'étonnement. Sur une population de 10 300 000 individus, on relève toujours 4 300 000 francophones. Mais il ne reste plus que 2 000 000 de francophones partiels! Un million de francophones partiels ont cette fois disparu! De même que tout texte faisant allusion à la situation particulière des francophones vivant en Flandre et dans la périphérie de Bruxelles. On aurait pu observer, au moins, que les Flamands ne respectent toujours pas la résolution du Conseil de l'Europe sur la protection des minorités...

L'anormalité de telles différences saute aux yeux d'un lecteur plus ou moins attentif. On regrettera qu'elle ait échappé à la vigilance des spécialistes du Haut Conseil de la Francophonie. Et si, d'aventure, ces disparitions massives inquiétantes pouvaient s'expliquer, pourquoi ne pas nous communiquer les dites explications?

Un bilan intéressant

Pour le reste, il est fourni une analyse bien intéressante de la situation du français dans le monde. On apprendra avec plaisir que le nombre de francophones est, d'une manière générale, en augmentation en Afrique subsaharienne et dans l'Océan indien et que l'enseignement du français progresse sur le continent africain et au Moyen-Orient.

L'Afrique compte environ 60 millions de francophones (francophones et francophones partiels additionnés), l'Amérique 13 millions, l'Asie 4 millions, l'Europe 79 millions et l'Océanie 500 000. (Ces chiffres ne tiennent compte que des Etats et gouvernements membres de l'OIF).

En Afrique subsaharienne, la Côte d'Ivoire, le Cameroun et la République démocratique du Congo comptent le plus grand nombre de francophones. En pourcentage, cependant, le Gabon est largement en tête avec 80 % de francophones. Dans l'Océan Indien, bien que Madagascar domine au niveau du nombre, c'est à Maurice que la langue française est la plus présente. En Afrique du Nord, le nombre de francophones est le plus important au Maroc. Mais c'est la Tunisie qui l'emporte en pourcentage. Au Moyen-Orient, le Liban devance largement l'Egypte. Au Canada, on observe une augmentation du nombre de francophones, notamment dans la région d'Ottawa. Il est par contre en baisse dans la Caraïbe et, notamment, à Haïti. L'Asie, avec des chiffres très bas, reste stable. En Europe centrale et orientale, la Roumanie, la Pologne et la Moldavie occupent les premières places.

Ce tour d'horizon bouclé, on nous permettra de regretter le fait que le rapport du HCF ne reprend les données que des pays membres de OIF, soit à peine un dixième de la population mondiale. Heureusement, il signale qu' "il faut tenir compte du nombre important de francophones dans des pays ou des régions qui ne sont pas membres de l'OIF, comme l'Algérie (plusieurs millions), Israël (entre 400 et 600 000), les Etats-Unis avec la Nouvelle-Angleterre (plus de 400 000) et la Louisiane (300 000), l'Italie avec le Val d'Aoste (plusieurs dizaines de milliers)."

Pourquoi diable se limiter à une cinquantaine de pays et de régions, les nouveaux membres de l'OIF manquant à l'appel, quand on sait que l'Alliance française, à titre d'exemple, enseigne notre langue dans 135 pays?

Au-delà du linguistique

Il n'empêche que l'ouvrage "La francophonie dans le monde 2004-2005" publié chez Larousse, est une mine d'informations en matière notamment d'enseignement, de culture (une vue d'ensemble de la production de films en français dans le monde, une analyse des moyens télévisuels) d'économie (les échanges entre pays de la francophonie) et de la politique (moyens mis en place dans le monde francophone pour promouvoir ou défendre la démocratie et contrôler le respect des principes de la Déclaration des Droits de l'Homme).

 

Marcel BAUWENS

Président honoraire de l'Association générale des journalistes professionnels de Belgique (AGJPB)
Administrateur de l'APFF


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