Luc Beyer de Ryke a une grande expérience du Moyen Orient. Il a connu et approché tous les grands protagonistes du drame historique qui s'y joue - hélas! - depuis tant et tant d'années. Les "héros" de la guerre d'Algérie déjà et puis ceux de l'éternel (?) conflit Israélo-palestinien. Son ouvrage se présente finalement comme un grand reportage de grand reporter tant il décrit de situations dramatiques vécues sur le terrain.

Un terrain où progressent des chars menaçants, tournant lentement leur canon vers vous, des quartiers de ville où les armes crépitent, où les balles sifflent, où des explosions lancent des incendies. Et, parallèlement, où se nouent de difficiles négociations en vue d'aboutir à une solution pacifique des conflits.

Le livre rappelle d'abord les composantes de la "guerre d'Algérie". L'auteur évoque les grandes étapes de cet énorme dialogue de sourds qui aboutit à l'horrible déchirement que l'on sait. Ce qu'on n'a pas vu à l'époque, c'est que la poussée nationaliste se doublait d'une passion religieuse islamique. "Dans les rues d'Alger, la barbe fleurissait et le tchador recouvrait. Une minorité sans doute, mais le ver était dans le fruit. Il rongeait l'Algérie".

Du paradis à l'enfer

Deuxième foyer d'incendie : le Liban ! Ce paradis touristique de jadis &endash; « la Suisse du Moyen Orient » &endash; est devenu tout à coup un enfer. Depuis toujours le pays vivait dans un savant équilibre entre confessions religieuses. Maronites, Grecs orthodoxes, Musulmans sunnites et chiites, Arméniens et plus tard Palestiniens, se partageaient le pouvoir. Mais l'infiltration des Palestiniens en armes aura déclenché le cataclysme guerrier jusqu'au massacre de Sabra et Chatila.

Puis il y a la désespérance de la population palestinienne réfugiée dans des camps pour des années. "Le paradoxe qui mêle le dérisoire au tragique, c'est de voir une majorité d'esprits politiques, où que ce soit dans le monde, convaincus de l'inéluctabilité de la solution des deux Etats. Sur les moyens d'y parvenir, par contre, les armes ne sont pas remises au vestiaire."

Nationalisme et islamisme

En conclusion, Luc Beyer se demande: "nationalismes ou choc des civilisations?" Les motivations nationalistes sont puissantes et fondamentales. Mais, il y a bien des raisons pour ne pas "balayer d'un revers" la menace d'un "choc des civilisations" évoqué à la fois par Bernard Lewis et Huntington, étant donné la montée insidieuse, partout dans le monde, d'un islamisme radical aux visées théocratiques, totalitaires et anti-démocratiques.

Marcel BAUWENS

Chemins d'Orient par Luc Beyer de Rycke, Ed.François-Xavier de Guibert