Nouvelles de Flandre
Et si l'on fêtait aussi la Francophonie en Flandre ?

Le 20 mars, à l'occasion de la Journée internationale de la Francophonie, la langue et la culture françaises seront fêtées sur les cinq continents. Les 300 000 francophones de Flandre seront une nouvelle fois exclus de la fête. Mais cela pourrait bien être pour la dernière fois!

Ce n'est plus un secret pour personne, la ministre de la Culture de la Communauté française, Fadila Laanan, et son homologue flamand, Bert Anciaux, ont entamé des négociations ayant pour objectif d'aboutir à un accord culturel entre nos deux grandes communautés.

D'autre part, Rudy Demotte, ministre fédéral des Affaires sociales, a invité Bert Anciaux à la Résidence des artistes de Flobecq, dans le Hainaut. On est prêt à y accueillir des poètes, des chanteurs, des sculpteurs, des peintres, du nord du pays. "La Résidence des artistes sera la maison des artistes flamands qui veulent y venir."

Comme le rappelle Rudy Demotte: "A Flobecq, il y a près de 15% d'habitants néerlandophones. Et plus de 75% des familles ont un parent d'origine flamande. Actuellement, nous n'avons pas une offre culturelle suffisante pour répondre aux besoins de cette population."

"Une priorité absolue"

"Nous avons des accords culturels avec le Japon, avec New York, avec le Canada, avec l'Afrique du sud, mais nous n'avons pas encore d'accord culturel avec la Communauté française. C'est vraiment incompréhensible!" Non, ces propos ne viennent pas de nous. C'est une déclaration faite par Bert Anciaux qui a même ajouté: "C'est pour moi une priorité absolue!"

Rudy Demotte constate, lui, qu'il se produit "une petite révolution parce que quelque part le principe qui est accepté par mon collègue c'est d'aider le développement de la culture en dehors du territoire de sa propre communauté. Or, jusqu'à présent, c'était un tabou du côté néerlandophone."

Le ministre voit à ce projet culturel un triple objectif: "Dans un premier temps, nous espérons recevoir des artistes flamands à Flobecq. D'autre part nous souhaiterions développer le folklore propre à chaque communauté. C'est une façon de mieux se connaître les uns les autres. Enfin nous aimerions que certaines activités régionales soient plus soutenues en région flamande."

Certes, cette initiative peut paraître "locale". Il n'empêche qu'elle est patronnée par deux ministres en fonction.

Un long chemin...

Bert Anciaux poursuit parallèlement, au niveau régional, des négociations avec la ministre de la Culture de la Communauté française, Fadila Laanan. On peut espérer que soient mis sur table des sujets jusqu'ici considérés comme tabous, tels que la situation culturelle des francophones vivant en Flandre. Et que ces négociations ouvrent des perspectives de bonne entente entre nos deux grandes communautés.

Il aura fallu parcourir un long chemin semé d'embûches pour en arriver là. On se souviendra qu'en 2000, la Cour d'Arbitrage, saisie d'une plainte des autorités flamandes, a estimé que la Communauté française ne pouvait continuer à soutenir financièrement les associations francophones actives en Flandre dans le secteur culturel.

En même temps, ces mêmes autorités flamandes faisaient savoir qu'elles-mêmes ne subsidieraient pas ces associations.

Par ailleurs, le gouvernement régional flamand annonce son refus de signer la Convention-cadre sur la protection des minorités nationales.

En plus, une forte pression politique s'exerce dans le sens d'un renforcement du caractère flamand des communes de la périphérie de Bruxelles. A titre d'exemple: l'association culturelle "Vie et Culture" nous a fait savoir que tous les utilisateurs des salles communales de Tervuren devront désormais promouvoir le caractère flamand de la commune et que toutes les annonces de manifestations organisées dans les salles communales devront se faire exclusivement en néerlandais.

Des pressions efficaces

Au niveau européen, le rapport Nabholz a abouti à la résolution 1301 du Conseil de l'Europe qui préconise, outre la ratification de la Convention-cadre sur la protection des minorités nationales, la signature d'un accord culturel entre Flamands et francophones.

Les discours du Roi (voir article ci-après "La Belgique à la croisée de deux grandes cultures européennes") et du Premier ministre indiquent combien il est temps de mettre un terme à 40 ans de tensions communautaires.

Ajoutons modestement l'action permanente de l'APFF qui a adressé aux parlementaires belges une lettre signée par une centaine d'intellectuels des quatre coins du monde disant notamment: "Nous trouvons absolument inacceptable l'état d'esprit qui règne en Flandre à l'endroit des francophones (…) Les francophones demandent seulement le respect de certains droits normaux tels que celui de développer des activités culturelles dans leur langue."

En 2002, la Flandre a passé un accord culturel avec la France, ce qui a permis de mettre à l'honneur, au Salon du livre à Paris en 2003, une série d'écrivains flamands dont les œuvres ont été traduites en français. Une manifestation francophone d'envergure devrait être organisée prochainement à Anvers par l'Alliance française.

Il nous semble que ce que la Flandre peut faire avec la France, elle peut tout aussi bien le faire avec la Communauté française!

La position de l'APFF

Tout ceci étant rappelé, nous estimons que le futur accord culturel ne doit pas se limiter à mettre en valeur des artistes, des spectacles ou des musées. Il faut aller beaucoup plus loin.

Il faut, par exemple, assurer la diffusion d'un maximum de chaînes de télévision en néerlandais en Wallonie et en français en Flandre via les réseaux de télédistribution ou l'ADSL. La technologie numérique le permet. Il y a une trentaine d'années, les réseaux belges de télédistribution faisaient la fierté de notre pays avec l'accès à une vingtaine de chaînes belges et étrangères. Depuis, TF1 a été retiré du câble en Flandre. TV5 n'est toujours pas distribuée, malgré la présence d'émissions sous-titrées en néerlandais.

Que penser de l'offre de cet opérateur français qui, pour moins de 30 euros par mois, propose plus de 100 chaînes de télévision en qualité numérique, l'internet à haut débit illimité et la téléphonie gratuite dans tout l'hexagone?

Il faut absolument trouver une solution aux problèmes de financement et de locaux des associations culturelles francophones en Flandre. Tant les associations francophones en Flandre que les associations flamandes en Wallonie doivent être associées à l'accord.

Cet accord culturel doit être un réel moyen de rapprochement entre Flamands et francophones. Il doit respecter l'esprit de la Convention-cadre sur la protection des minorités nationales et de la Charte européenne des langues régionales ou minoritaires.

Ces deux textes prônent en effet "la construction d'une Europe fondée sur les principes de la démocratie et de la diversité culturelle" et "la création d'un climat de tolérance et de dialogue pour permettre à la diversité culturelle d'être une source, ainsi qu'un facteur, non de division, mais d'enrichissement pour chaque société".

Il est évident que toute solution implique l'application du principe de réciprocité. Les 300 000 francophones qui vivent en Flandre et les Flamands qui vivent en Wallonie - certains avancent le chiffre d'un million! - doivent avoir libre accès à leur langue et à leur culture.

Lors des Etats généraux de la Culture, le représentant de l'APFF s'est inquiété de la place réservée aux 300 000 francophones de Flandre. Ce à quoi le directeur de Cabinet de Fadila Laanan a répondu: "Cette problématique est prise en compte dans les discussions relatives à un accord de coopération culturelle avec la Flandre." Serions-nous enfin près du but? Espérons-le!

 

Marcel BAUWENS

Président honoraire de l'Association générale des journalistes professionnels de Belgique (AGJPB)
Administrateur de l'APFF


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