Nouvelles de Flandre
Arno, c'est du belge !

En mai dernier, Arno sortait "French Bazaar", un album entièrement en français. Plus vrai que nature, Arno a observé tout ce qui il a mis en chanson. Sa voix, son humour, ses reprises de Brel ou d'Adamo font de lui un interprète hors pair. Cette sortie est suivie cet automne par une tournée qui suscite un superbe engouement.

Né en 1949 à Ostende, Arno est belge. Et il le revendique, lui qui draine, malgré ses chansons en français, toujours un important public néerlandophone. Lui aussi que nos conflits communautaires agacent, comme il l'indiquait dans une récente interview à la RTBF: "Un Belge c'est un Belge. Est ce qu'il est flamand ou wallon ou même d'Eupen Malmédy? (...) C'est tous les mêmes. On a le même trou dans notre nez comme tout le monde."

Un chanteur atypique

Surréaliste, expressionniste, dadaïste : difficile de trouver le qualificatif qui colle à son langage et à son style uniques que d'aucuns acceptaient avec peine, il n'y a pas si longtemps encore. Aujourd'hui, en Belgique comme en France, au Québec, en Suisse ou aux Pays-Bas, le chanteur jouit d'une réputation sans pareille. Mais c'est au prix de nombreuses épreuves et d'intenses batailles que l'artiste a imposé sa douce folie et gagné cette reconnaissance quasi unanime.

S'il évoque certains épisodes de son parcours, c'est souvent de façon décousue voire fantaisiste. L'homme a tant vécu qu'il ne se souvient plus très bien de son histoire. Elle est pourtant riche d'enseignements, en ce qu'elle illustre la force de caractère d'un individu bien décidé à vivre de son art, quels que soient les obstacles à surmonter.

Un biographie " autorisée"

En même temps que la sortie de l'album paraissait une biographique signée Gilles Deleux et intitulée "Arno. Un rire et une larme". Une brique de 686 pages, remarquablement informée, d'une grande sensibilité et qui ne pouvait être plus exhaustive. Cela faisait longtemps que cet ouvrage était en préparation. On se demande, d'ailleurs, comment le biographe a obtenu l'accord du chanteur qui avait jusqu'à présent toujours refusé ce genre de démarche.

Dans une interview au journal "Le Soir", Gilles Deleux raconte comment il a approché l'artiste. C'est en 1996 que ce belge inconnu du milieu médiatico-littéraire belge, francophone de surcroît, demande à rencontrer Arno pour avoir son autorisation, sinon son aide: "J'ai fait sa connaissance dans les bureaux de sa firme de disques. Quand je lui ai parlé de mon projet, il m'a répondu: 'mais je ne suis pas mort.' J'ai insisté en lui disant que la mémoire est volatile, que c'était le bon moment. Il m'a finalement dit: 'Allez vas-y, t'as une bonne tête.' Il m'a donné deux numéros de téléphone, celui de son frère et celui de Danny Willems, son ami photographe. Et cela m'a suffi pour remonter jusqu'à cent cinquante personnes. Arno voulait être au courant des personnes que je voyais mais il a suivi mon travail de très loin. (…) Je sais qu'il a dit à un journaliste que ce livre lui avait appris beaucoup de choses sur sa famille."

Après un long travail d'investigation auprès de ses proches, de ses relations professionnelles, comme Michel Piccoli, Stephan Eicher, Salvatore Adamo, Gilles Deleux a mis en relation ces nombreux témoignages qui nous aident à découvrir la lente maturation de cette longue carrière. Carrière qui est retracée depuis l'enfance ostendaise d'Arno jusqu'à son dernier album "French Bazar", en passant bien sûr par l'histoire de ses premiers groupes, "Freckle Face", "Tjens Couter" et "T.C. Matic".

Chacun de ses disques sert de balises au récit puisque, comme le concède l'artiste, ils correspondent chaque fois à un épisode de sa vie. Que ce soit par le blues, le rock, la chanson en anglais ou en français, voire en ostendais, Arno se dévoile bien plus dans son œuvre que dans n'importe quel entretien où ses confidences se nimbent parfois d'un halo impénétrable.

Quel bazar!

Comme le dit Pierre Derensy sur le site "M-la-Music" : "C'est un malin cet Arno. Quand on le rencontre, on voit tout de suite que ses grosses pattes d'ours mal léché ne sont que de substantiels remparts à une gentillesse disproportionnée. Sa méfiance du départ fait place à un jeu de piste que l'on doit surmonter pour découvrir le véritable artiste qui se cache derrière l'image de celui-ci. Car pour lui, il est beaucoup plus facile de jouer l'idiot du village dans une modestie frisant le surnaturel que de montrer le travailleur infatigable qu'il est réellement."

Quand un journaliste de "L'Humanité" l'interroge pour savoir pourquoi il a donné le titre "French Bazaar" à son dernier album, Arno répond: "Ce devait être Quel Bazar! parce qu'on vit un grand bazar, dans une société à huit vitesses. On doit toujours être en forme, beau, avoir de l'ambition, consommer. Aujourd'hui, on peut tout savoir en un instant, communiquer avec tout le monde. Ces dix dernières années, on a connu une évolution incroyable." Et quand on lui demande si cela lui fait peur. Il rétorque: "Pas vraiment. On est dans la merde, mais j'utilise ce que nous vivons. Cela m'inspire. C'est vicieux. Dans le fond, je suis un vrai vampire. Je profite de la merde de moi et des autres. Peut-être est-ce une forme de thérapie?"

Ainsi, on comprend mieux l'esprit de ce dernier album. Arno qui se définit lui-même comme un "chanteur de charme raté" y pratique, comme depuis toujours, une musique qui se soucie peu des critères actuels de rentabilité du marché du disque. Telle est sa liberté. Et c'est sans doute ce que ses admirateurs aiment chez lui. On y retrouve un cocktail loufoque comme lui seul sait les imaginer où se croisent des "pop stars frustrées", une "femme riche coiffée comme un caniche" ou "une Françoise qui danse comme une Bruxelloise" et où il assure que "Dieu n'est pas un DJ, c'est une femme de ménage au chômage". Arno nous livre son regard sur la société et ce n'est pas triste!

Tout un bazar drolatique, "chic et pas cher" qui ne serait pas signé Arno s'il ne comportait pas aussi une face plus sombre, plus lunaire: une vibrante reprise de Brel "Voir un ami pleurer" qu'on croirait écrite pour ce "vieil enfant de cinquante ans".

 

Anne-Françoise COUNET

L'album "French Bazar" est sorti chez Virgin/EMI.
La biographie "Arno. Un rire et une larme", de Gilles Deleux, est parue chez Ramsay.

Arno sera le 25/11 à Courtrai, le 27/11 à Arlon, le 2/12 à Hasselt, le 3/12 à Lierre, le 4/12 à Ath, le 7/12 à Liège, le 8/12 à Turnhout, le 10/12 à Bruges, le 11/12 à Saint-Nicolas, le 16/12 à Roulers, le 19/12 à Beveren, le 21/12 à Ostende, le 22/12 à Alost.

Arno sur la toile: www.arno.be


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