Nouvelles de Flandre
L'avenir des Francophones de Flandre est en jeu ...

L'avenir de la structure institutionnelle de la Belgique va se jouer dans les mois qui viennent. Et donc aussi le destin des 300 000 Francophones qui vivent en Flandre. En effet, le gouvernement fédéral a l'intention de réunir un "forum" où Francophones et Flamands feraient le point sur les éléments litigieux subsistant dans l'éternel "dossier communautaire". Ce pourrait être une occasion historique d'apaisement durable des relations entre nos deux grandes communautés.

Hélas! La Flandre, qui refait inopportunément une crise obsessionnelle de nationalisme, montre une fois de plus son hostilité à l'égard des Francophones. On peut comprendre que, poussés dans le dos par un parti extrémiste comme le Vlaams Blok qui a séduit un quart des électeurs flamands, les partis qui viennent de former ensemble le nouveau gouvernement régional de Flandre, radicalisent leurs positions. Mais il est inadmissible qu'ils expriment des "diktats" préalables à la négociation.

Les Flamands exigent, en effet, la scission de l'arrondissement électoral de Bruxelles-Hal-Vilvorde AVANT la réunion du "forum" et affirment qu'en AUCUN CAS ils ne ratifieront la Convention-cadre sur la protection des minorités nationales.

Respecter le "donnant-donnant"

La scission de Bruxelles-Hal-Vilvorde est une vieille revendication flamande faite dans l'optique de la flamandisation totale de la province du Brabant flamand. Il est vrai que la situation actuelle peut apparaître comme étant en contradiction avec l'article 4 de la Constitution qui dit: "Chaque commune du Royaume fait partie d'une des (quatre) régions linguistiques."

Suite aux réformes électorales de 2002, la Cour d'arbitrage (arrêt 73/2003) fait remarquer qu'en maintenant la circonscription de BHV, le législateur "traite les candidats de la province du Brabant flamand différemment des candidats des autres provinces. (...) Toutefois, la mesure procède du souci de recherche globale d'un indispensable équilibre entre les intérêts des différentes communautés et régions au sein de l'Etat belge. Les conditions de cet équilibre ne sont pas immuables." La Cour accorde un délai de quatre ans pour réexaminer la question.

Notons que la scission, exigée par les Flamands, n'est pas la seule solution envisageable. De plus, il est évident que l'actuelle situation électorale n'est pas le fruit d'une décision unilatérale francophone. Elle résulte d'une négociation où l'on a procédé à des "donnant-donnant" dans tout un ensemble de points litigieux. En toute logique, si l'on remet en cause un point particulier, il est normal de restituer ce qui a été concédé.

Comme l'a fait remarquer, à juste titre, Georges Clerfayt, vice-président honoraire de l'Assemblée parlementaire du Conseil de l'Europe, ceux qui réclament la scission de l'arrondissement oublient un fait nouveau intervenu en juillet 2001, à savoir la signature par la Belgique de la Convention-cadre du Conseil de l'Europe sur la protection des minorités nationales. Si même, aujourd'hui, les Flamands font savoir qu'ils ne veulent pas la ratifier, ils ne peuvent revenir en arrière et prendre des mesures contraires au texte qui a été signé. Dès lors, les droits, notamment électoraux, des Francophones de la périphérie bruxelloise doivent être assurés. La scission ne peut avoir lieu qu'en contrepartie de la ratification de la convention-cadre. La Flandre ne peut se soustraire à ses engagements européens sous peine de se mettre au ban de l'Europe.

Principes démocratiques

Remarquons deux choses qui concernent à l'évidence les principes démocratiques et le droit des personnes. Dans cet arrondissement contesté, la liste "Union des Francophones" a très nettement progressé. Dans le canton électoral de Zaventem, la liste francophone s'est classée en tête lors des dernières élections avec un quart des voix. A Hal, elle a remporté un cinquième des voix. Et on voudrait priver ces citoyens de leur droit de voter selon leur volonté?

Ces mêmes Flamands qui ne veulent pas entendre parler de la protection de la minorité francophone en Flandre, réclament à cors et à cris toujours plus de protections pour la minorité flamande à Bruxelles. Ils ont obtenu ainsi que, quel que soit le verdict des urnes, le rapport de force au sein du parlement bruxellois sera de 17 Flamands pour 72 Francophones. C'est-à-dire que, pour siéger, un candidat flamand ne doit recueillir que quelque 3 500 voix alors que l'élu francophone doit en obtenir un peu plus de 5 000! Ca ne serait pas "anticonstitutionnel" par hasard? De même, dans certaines communes, un poste d'échevin est réservé à un Flamand, même si celui-ci n'a pas été élu.

Une "nation francophone"?

La déclaration du gouvernement régional flamand contient tout un programme d'action concernant Bruxelles qui est et reste la capitale de la Flandre.

Le gouvernement flamand entend aussi renforcer la présence flamande dans la périphérie et les communes à facilités. Ces facilités que les Flamands voudraient voir supprimer, arguant de leur caractère transitoire. Alors que feu Arthur Gilson, ministre de l'Intérieur à l'époque de la mise en œuvre des lois linguistiques (1963) a rappelé au quotidien "Le Soir" que les communes en cause devaient d'abord faire partie de Bruxelles. Les Flamands s'y opposant, des facilités linguistiques ont été octroyées aux Francophones et il n'a jamais été question qu'elles puissent être remises en cause. C'est tellement vrai que, pour modifier le statut actuel, il faudrait réunir au Parlement une majorité spéciale des deux tiers prévue dans la Constitution.

Tout ceci étant, il est stipulé dans la déclaration d'intention du gouvernement régional flamand, que les élus flamands à la Chambre et au Sénat, sont priés de déposer des propositions de loi réclamant la scission de Bruxelles-Hal-Vilvorde et ceci dès la rentrée parlementaire. On se rend bien compte de l'effet qu'une telle initiative créera au Parlement. On peut raisonnablement se demander si le gouvernement fédéral pourra éviter la chute…

La constante pression nationaliste flamande commence à exaspérer les interlocuteurs francophones. Ceux-ci assistent depuis des lustres à la lente démolition de l'Etat central. Aujourd'hui il sont bien obligés de se poser des questions sur l'avenir même de la Belgique. Elio Di Rupo, figure de proue des socialistes wallons, a évoqué la réplique éventuelle d'une "nation francophone". Quant à Hervé Hasquin, ministre-président sortant de la Communauté française (MR), il a déclaré: "Il ne faudrait pas s'étonner de voir la Belgique se transformer un jour, assez soudainement, en un Etat confédéral. C'est, à mon sens une évolution inéluctable."

Nous osons espérer que, dans l'esprit de Monsieur Di Rupo, les Francophones de Flandre font bien partie de cette "nation francophone"! Nous espérons aussi que la Francophonie internationale se montrera solidaire pour faire respecter les droits des Francophones en Flandre. Il serait d'ailleurs ridicule et incongru que les parlementaires de l'Europe des 25, viennent discuter à Bruxelles, siège des Institutions européennes, du droit des minorités alors même que la Flandre ne veut pas les respecter sur son territoire!

"Méér Vlaanderen"

L'Europe est aussi dans le collimateur des hommes politiques flamands. Le point XV de la déclaration du gouvernement régional flamand affirme, par exemple: "Nous renforçons la présence de la Flandre en Europe et dans le monde." "Nous nous efforçons de faire reconnaître la Flandre comme région particulière en Europe." "Le gouvernement flamand veut également que les Flamands obtiennent une voix directe à la table européenne, au moins pour ce qui ressortit à son pouvoir propre." On dirait que la Flandre se considère déjà comme totalement dissociée de la Wallonie.

L'ensemble des revendications qu'elle entend déposer sur la table de négociations du "forum" révèle clairement une volonté de détricoter systématiquement les pouvoirs fédéraux.

Sous le slogan "Méér Vlaanderen" (plus de Flandre), on lit dans le programme une litanie de revendications telles que: l'autonomie en matière de soins de santé, de politique familiale, de la coopération au développement, des télécommunications, de la politique scientifique, de l'infrastructure ferroviaire, plus d'autonomie fiscale et financière, plus de moyens pour adapter les allocations de chômage dans des projets d'expérience du travail, la possibilité de conclure des accords sociaux flamands, plus de compétences en matière d'énergie et dans l'organisation, le travail et l'aménagement de la police et de la justice…

La cerise sur ce gâteau: Bert Anciaux, le nouveau ministre régional des Sports, veut créer un Comité olympique flamand!

Propagande et réalité

Pour justifier la scission du secteur des soins de santé (en attendant le reste de la sécurité sociale!), les représentants de la Flandre recourent à la manipulation de l'opinion au moyen d'affirmations fallacieuses. Les partis flamands présentent, dans leur propagande, les Wallons comme des profiteurs du régime au détriment des Flamands, qui, eux, se montrent économes et soucieux des deniers publics. Exemples de slogans aussi frappants que primaires: "Un ménage flamand moyen paie tous les quatre ans la valeur d'une voiture moyenne aux Wallons!" "Chaque année plus de 10 milliards d'euros coulent de la Flandre vers la Wallonie."

On pourrait rappeler d'abord que, jusque dans les années soixante, les flux financiers allaient en sens inverse. La Wallonie a largement contribué au développement de la Flandre. On pourrait donc parler de réciprocité. Et l'avenir n'exclut pas un retour au mouvement sud-nord. Mais, momentanément il est vrai, il y a un flux du nord vers le sud. Il est relativement faible et tout à fait justifié.

Selon les derniers chiffres établis par l'INAMI (Institut national de l'assurance-maladie) dirigé par le flamand Jo De Cock, en 2002, la Flandre a consommé 57,25 % des dépenses de santé (pour une population atteignant 57,9 %). La Wallonie a prélevé 33,09 % sur les dépenses totales (pour 32,53 % de la population) et Bruxelles, 9,66 % (pour 9,57 % des habitants). Les différences on le voit sont minimes. Et on constate des différences de type de consommation : s'il y a des dépenses plus élevées en imagerie médicale en Wallonie qu'en Flandre, il y a, par contre, des dépenses plus élevées en maisons de repos, en soins à domicile et en psychiatrie en Flandre qu'en Wallonie.

En matière d'infrastructure, il faut également remettre les choses au point. Il n'y a pas de gabegie de la part des Wallons. Si l'on veut doter la Wallonie et la Flandre d'infrastructures équivalentes, les coûts par habitant seront, dans toute une série de domaines toujours plus élevés en Wallonie qu'en Flandre. Cela se justifie tout simplement par une superficie plus grande (16 844 km2 pour la Wallonie, 13 522 km2 pour la Flandre et 162 km2 pour la région de Bruxelles-Capitale), un relief plus accidenté, un climat plus rude et un nombre d'habitants moindre (3 371 992 en Wallonie pour 6 003 351 en Flandre et 997 126 à Bruxelles). Construire, entretenir ou moderniser une ligne de chemin de fer ou une autoroute entre Bruxelles et Arlon coûtera toujours plus cher qu'entre Bruxelles et Ostende. En utilisant une clé de répartition 60/40, quand ce n'est pas 70/30, on pénalise systématiquement la Wallonie.

La position de l'APFF

Nous plaidons depuis des années pour une entente raisonnable, exempte de passion, entre Flamands et Francophones. Nous souhaitons que le "forum" soit l'occasion d'une réconciliation plutôt que d'une division.

Les Francophones vivant en Flandre ne doivent pas être les laissés pour compte de la Belgique de demain.

La création d'un Conseil consultatif des Francophones de Flandre, comme l'a suggéré Françoise Schepmans, présidente sortante du Parlement de la Communauté française (MR), lors de son discours de clôture de la législature 1999-2004, permettrait de les associer aux futures négociations.

En ce qui concerne la convention-cadre, nous proposons à nos amis Flamands de réexaminer sereinement leur position et de choisir la voie du bon sens.

On ne peut, selon nous, évoquer l'enrichissement de la diversité culturelle tout en excluant continuellement l'autre.

 

Marcel BAUWENS

Président honoraire de l'Association générale des journalistes professionnels de Belgique (AGJPB)
Administrateur de l'APFF

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