Nouvelles de Flandre
L'APFF lance un appel aux intellectuels flamands

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L'Europe vient de faire un bond gigantesque dans l'avenir. Elle réunit désormais 25 Etats. Dans ce vaste ensemble communautaire une vingtaine de langues différentes se côtoient. La Constitution qui deviendra, quand le texte aura été voté, la Loi fondamentale commune de tous les pays membres, prévoit expressément que "l'Union respecte la diversité culturelle, religieuse et linguistique". Cette volonté affirmée d'assurer l'unité dans la diversité implique le respect des minorités.

Au cours de l'Histoire européenne, il est évident que des frontières ont été tracées sans fixer des régions totalement homogènes: il y a partout des minorités qui doivent être protégées.

La recommandation 1201 (1993) du Conseil de l'Europe définit l'expression « minorités nationales ». Il s'agit d'un groupe de personnes dans un Etat qui, notamment, "résident sur le territoire de cet Etat et en sont citoyens, entretiennent des liens anciens, solides et durables avec cet Etat, et présentent des caractéristiques ethniques, culturelles, religieuses ou linguistiques spécifiques". Les Etats disposent donc d'un critère objectif pour reconnaître une minorité sur leur territoire.

L'Assemblée parlementaire du Conseil de l'Europe, estime qu'en Belgique il y a des "minorités significatives". Et dans la Résolution 1301 (2002) qu'elle a votée à une forte majorité, l'Assemblée "estime que les groupes suivants sont à considérer comme des minorités en Belgique dans le contexte de la convention-cadre : au niveau de l'Etat, la communauté germanophone ; au niveau régional, les francophones vivant dans la région de langue néerlandaise et dans la région de langue allemande, et les néerlandophones et les germanophones vivant dans la région de langue française" (art. 18).

Les quelque 300 000 francophones vivant en Flandre connaissent des difficultés d'ordre administratif dans la périphérie de Bruxelles et d'ordre culturel sur la totalité du territoire flamand.

Un repli sur soi

Ainsi, au moment où l'Europe favorise dans tous les pays membres, une politique d'ouverture culturelle et de respect linguistique, la Flandre continue de s'en prendre à tout ce qui est francophone. Elle paraît, dès qu'elle est confrontée à la langue française, se replier dans un autisme culturel. Cette attitude aboutit à des conséquences surréalistes. Les services culturels d'ambassades peuvent subsidier des associations espagnoles, turques ou polonaises, mais il est interdit à la Communauté française de Belgique d'aider des associations francophones actives dans le nord du pays!

 N'est-il pas regrettable de devoir constater que, quand il entend parler français, le fier lion des Flandres perd son sang froid? Nous refusons de considérer nos amis flamands comme autant de "franshaters" (ceux qui haïssent le français) ou de "taalpsychopathen" (psychopathes linguistiques). Du passé faisons table rase et, profitant du grand élan européen, ouvrons, entre nous, un dialogue dans un esprit de bonne volonté réciproque.

C'est ce que souhaitait déjà le rapport de la commissaire suisse Lily Nabholz: "La grande majorité des Etats membres du Conseil de l'Europe - dont beaucoup ont ou ont eu des problèmes bien plus graves que la Belgique avec leurs minorités nationales - ont signé et ratifié la convention-cadre et parviennent à appliquer ses dispositions. On peut donc attendre d'un pays comme la Belgique, qui a admirablement réussi à éviter la violence entre ses majorités et minorités, qu'il fasse de même" (art 61).

Par ailleurs, le même rapport approuvé par l'assemblée européenne, souhaite également "qu'un accord de coopération culturelle soit conclu entre les communautés francophone et néerlandophone" (art. 21).

Prisonniers du passé

Malheureusement, le climat pré-électoral en Belgique montre déjà que les hommes politiques, tant flamands que francophones, se sentent prisonniers des prises de position du passé. Ils ne parviennent pas à reconsidérer fondamentalement la problématique de nos relations communautaires. Ils n'osent parler qu'avec la langue de bois.

On peut donc craindre que le "forum" où l'on devrait, après les élections du 13 juin, débattre de l'ensemble du contentieux communautaire, s'engage sur des préalables obstinés de part et d'autre. Déjà, certains voudraient limiter arbitrairement le nombre de questions portées à l'ordre du jour de cette rencontre. Or, ce « forum » pourrait être, si l'on s'inspire de l'esprit de l'Europe, l'occasion historique de trouver aux problèmes linguistiques des solutions durables.

Trop souvent les hommes politiques ont appliqué des solutions ponctuelles à des problèmes précis. Mais jamais le problème des relations communautaires n'a été abordé dans sa totalité.

A plusieurs reprises il a été déclaré qu'il y avait "mieux à faire". Le résultat pratique cependant, c'est que les membres des gouvernements perdent régulièrement un temps précieux à colmater ici et là, au gré des incidents, des brèches dans les relations communautaires.

Des avantages pour chacun

La seule façon d'en sortir, une bonne fois pour toutes, c'est que le "forum" devienne l'occasion d'un grand débat de fond entre toutes les parties concernées. Il faut bien se pénétrer de cette idée: quel que soit l'avenir de la Belgique, le problème des minorités restera posé et il n'y aura pas, dans l'Europe de demain, de moyen d'y échapper.

Peut-être doit-on mettre l'accent sur les avantages que chacune des parties retirerait d'une solution intelligente à nos problèmes? Les Francophones habitant en Flandre demandent que leurs associations culturelles puissent recevoir une aide financière qui leur est nécessaire pour ne pas disparaître graduellement.

Quel préjudice des Francophones montant une pièce de théâtre ou organisant un débat en français causent-ils à un compatriote flamand? Aucun! Et quel mal commet un francophone qui bénéficie de facilités administratives?

La volonté de bouter le français hors de Flandre ne peut procéder que d'une vision malencontreuse de pureté ethnique. Quelle image la Flandre donne-t-elle d'elle-même à l'étranger?

Elle a, elle aussi, avantage à ratifier la convention-cadre sur la protection des minorités qui s'applique aussi bien aux Francophones vivant en Flandre qu'aux Flamands établis en Wallonie. Ces derniers ne se sont guère manifestés jusqu'ici. Mais il n'est pas dit qu'ils ne revendiqueront pas un jour la protection de leur minorité.

Des idées nouvelles

Pour que la chance unique de régler nos problèmes communautaires ne soit pas galvaudée, l'APFF lance un appel aux intellectuels flamands afin qu'ils interviennent dans le débat politique avec tout le poids de leur crédit. Qu'ils apportent, grâce à leur imagination créative, des idées nouvelles dans la négociation inter-culturelle.

Nous espérons entendre les voix de Hugo Claus, Kamagurka, Jef Geeraerts, Monika Van Paemel, Geert Van Istendael, Kristen Hemmerechts, Ivo Michiels, Miriam Van Hee, Stefaan Van den Bremt, Paul Buekenhout, Stefan Hertmans, Benno Barnard, Hilde Keteleer, Jeroen Brouwers, Erik De Kuyper et de tant d'autres intellectuels de toutes les disciplines.

La ratification de la convention-cadre sur la protection des minorités tout comme la signature d'un accord culturel entre flamands et francophones ne doivent plus être des tabous. Il y va de la paix communautaire dans notre pays et du respect de la diversité linguistique et culturelle si cher à l'Europe. La Flandre ne peut se mettre au ban de l'Union européenne…

 

Marcel BAUWENS

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