Nouvelles de Flandre
L'APFF dénonce l'isolement des francophones en Flandre

Il est temps d'ouvrir les yeux: La Flandre développe une véritable stratégie tendant à isoler d'abord, à éradiquer ensuite, la minorité francophone présente sur son territoire. Ce qui est tout à fait étonnant, c'est que, par ignorance des faits, ou par crainte de déplaire aux Flamands, des pays et des régions francophones, tout comme l'Organisation internationale de la Francophonie leur prêtent main-forte.

Pour bien comprendre ce qui se passe aujourd'hui, il faut se souvenir de deux choses. Dans le passé la Flandre a dû défendre sa langue et sa culture contre une francisation progressive. Depuis, la Flandre est devenue une région unilingue flamande. Par ailleurs, pour effacer toute trace du français dans la partie nord du pays, les hommes politiques flamands ont imposé, en 1962, la suppression du volet linguistique du recensement décennal. Il fallait rendre impossible qu'apparaisse une réalité objective: le nombre de francophones établis en Flandre!

Durant quarante ans nous aurons donc vécu en Belgique sur un mensonge délibéré: "il n'y a pas de minorité francophone en Flandre! "

Il aura fallu que des députés francophones courageux, Georges Clerfayt et Olivier Maingain, obtiennent, à force d'obstination, une enquête objective au niveau européen. Cette enquête a abouti à la présentation du rapport Nabholz qui aura révélé au grand jour la vérité: "il existe une véritable minorité francophone en Flandre." Faute de comptage officiel précis, on estime généralement que cette minorité est forte d'environ 300 000 personnes.

Au cours de sa séance du 26 septembre 2002, l'Assemblée parlementaire du Conseil de l'Europe a entériné le contenu du rapport. Les hommes politiques flamands étaient mis au pied du mur et la Belgique priée de ratifier la convention-cadre sur la protection des minorités.

Un étouffement entre deux portes

Mais, durant quarante ans, la propagande flamande a été bien faite et a pénétré les cerveaux, ici et ailleurs: "Il n'y a pas de minorité francophone dans l'Etat unilingue flamand. Les Flamands ouverts, tolérants et soucieux de 'diversité culturelle', organisent l'enseignement du français et les activités culturelles en français qui sont exclusivement du ressort de la Flandre."

Conséquences de cette prise de position : les autorités flamandes obtiennent de la Cour d'arbitrage qu'il soit interdit à la Communauté française de Belgique de continuer à soutenir financièrement les associations culturelles francophones actives en Flandre. Et, en même temps, ces mêmes autorités flamandes ajoutent qu'elles ne subsidieront pas ces associations!

Les associations culturelles francophones sont ainsi étouffées entre deux portes et, si rien ne change, disparaîtront progressivement.

C'est une situation que l'APFF ne peut admettre. Nous répétons que notre combat a un seul et unique objectif: assurer la survie de la langue et de la culture françaises en Flandre et donc aussi des associations culturelles francophones.

Un espace de solidarité pour tous?

Nous sommes évidemment encouragés par les affirmations de principe énoncées par Abdou Diouf, Secrétaire général de l'Organisation internationale de la Francophonie, à l'occasion de la Journée internationale de la Francophonie du 20 mars. Il rappelle notamment le thème du Xème Sommet de la Francophonie qui se tiendra en novembre au Burkina Faso: "La Francophonie: un espace de solidarité pour un développement durable". Il ajoute: "Cette solidarité apparaît pour nous tous comme le complément nécessaire et indissociable de notre combat pour la diversité culturelle et linguistique."

Nous espérons que ce rappel à la nécessaire solidarité sera entendu. Car nous constatons, avec un profond dépit, qu'elle ne s'est guère manifestée jusqu'à présent à l'endroit des francophones de Flandre du moins au niveau des gouvernements. Il faudra bien, qu'à l'avenir les Etats et les régions francophones tiennent compte de la reconnaissance de la minorité francophone de Flandre par le Parlement européen au moment de conclure de très louables "accords culturels" avec le gouvernement flamand. Il ne peut plus être question d'ignorer tout simplement la présence de la minorité francophone de Flandre.

Ainsi, dans l'accord passé entre le gouvernement du Québec et le gouvernement flamand (mars 2002), il est spécifié que, parmi les champs de compétence, on relève "particulièrement les domaines de la culture et des médias". Le Québec, champion de la Francophonie, reconnaît partager avec la Flandre l'intérêt pour la diversité culturelle…en ignorant les franco-phones de Flandre. Une attitude qui procède d'une confiance candide dans l'image officielle que la Flandre donne d'elle-même.

Un accord de coopération entre le Grand-Duché de Luxembourg et la Communauté et la Région flamande a été signé en décembre 2000. Il porte notamment sur la culture. "La mise en oeuvre du présent accord est également assurée par une commission mixte Flandre - Grand-Duché de Luxembourg" où l'on serait bien étonné de noter la présence d'un francophone du nord du pays…

Dans une déclaration de coopération culturelle entre la Flandre et le Nord - Pas-de-Calais (2003), se référant d'ailleurs à un accord signé entre la République française et la Communauté flamande (2002), les deux parties "conviennent de renforcer leur coopération en matière culturelle". Bien entendu, du côté de la Flandre, le comité des experts n'est composé que de personnalités flamandes.

Dans tous ces accords culturels les aspirations culturelles des 300 000 francophones de Flandre sont superbement ignorés.

Il est vrai que les petites associations francophones privées ne peuvent, pour se faire entendre, rivaliser avec un gouvernement flamand disposant de moyens financiers importants.

Les Etats et les régions francophones qui signent avec la Flandre un accord, où est prévue une collaboration culturelle, doivent prendre conscience du fait qu'en ne faisant aucune référence à l'existence des francophones de Flandre, ils participent directement à la politique d'isolement de ceux-ci.

Nous proposons en vain depuis des années que la Flandre, si prompte à passer des accords culturels avec les pays étrangers, passe aussi et d'abord un accord culturel dans notre pays avec la Communauté française... Rien! Curieux, non?

Crédibilité en jeu

L'Organisation internationale de la francophonie (OIF), quant à elle, risque de mettre en péril sa crédibilité. La Belgique depuis 1970 et la Communauté française depuis 1980 sont membres de la Francophonie. La Belgique, jusqu'à preuve du contraire, est bien composée de nos trois communautés?

Il nous semble que la Flandre n'est pas en règle par rapport à la procédure d'adhésion dès le moment où elle met en danger "la présence d'associations oeuvrant en faveur de la langue française" et qu'elle refuse de reconnaître "l'existence d'un statut des minorités linguistiques et culturelles francophones". Il est urgent que les dirigeants de l'OIF examinent cette situation en tenant compte du vote du Conseil de l'Europe reconnaissant la présence d'une minorité francophone en Flandre. Une minorité dont la Flandre refuse, pour sa part, de reconnaître l'existence!

Personne ne comprendrait que la Francophonie internationale se désintéresse du sort des Francophones de Flandre. D'autant moins que ces derniers ne cessent de lancer des appels à l'entente paisible, à la tolérance et à l'ouverture d'esprit.

Lois antidémocratiques

Il est parfaitement légitime que la Flandre assure la défense et la promotion de sa langue et de sa culture. Mais la fin ne justifie pas les moyens. Or, il est clair que, depuis les lois linguistiques de 1963 il est porté atteinte à des principes libéraux et démocratiques.

Georges Clerfayt, député honoraire et principal artisan du vote du rapport Nabholz au Conseil de l'Europe, le souligne dans une interview qu'il a accordée au magazine "Carrefour": "Les partis flamands, - même ceux que l'on considère d'habitude comme des partis démocratiques, - ont des difficultés à avaler l'idée que ce qu'ils ont, depuis 1963, imposé et voté comme lois excluant l'usage du français pour les personnes appartenant à la minorité nationale francophone, ou l'enseignement du français, ou de subsides aux activités culturelles francophones, etc... n'est pas conforme aux principes démocratiques européens d'aujourd'hui et doit être assoupli, c'est-à-dire amendé dans le sens d'une plus grande tolérance, d'un plus grand accueil, de plus de convivialité entre concitoyens".

Les négociations qui doivent s'ouvrir pour régler, espérons-le, le contentieux communautaire peuvent être l'occasion d'un apaisement des esprits.

Les représentants de nos deux grandes commu-nautés pourraient très utilement s'inspirer de l'exemple du Québec. La province francophone du Québec assure en effet, à la minorité anglophone présente sur son territoire, un ensemble de droits lui garantissant le respect de son identité linguistique et culturelle. Quelle leçon de démocratie!

Nous souhaitons en tous cas que les négociateurs francophones puissent se trouver en face d'interlocuteurs flamands ouverts et respectueux de la diversité culturelle et linguistique.

 

Marcel BAUWENS

Président honoraire de l'Association générale des journalistes professionnels de Belgique (AGJPB)
Administrateur de l'APFF

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