Nouvelles de Flandre
Le langage SMS menace-t-il notre langue?

« 60 SMS GRAT8 EN éT » annonce en grand un opérateur téléphonique dans les abribus. Pour les fêtes, il nous avait déjà alléchés par « 30 SMS EN DÉC = 30 SMS GRAT8 EN JANV ;-) ». La pub utilise la nouvelle cyberlangue, celle des petits messages que les jeunes (et d'autres) échangent sur leurs téléphones portables et celle qui fleurit dans certains forums et sur les « chats » de l'internet.

La langue des SMS (Short Message System) est en passe de gagner ses lettres de noblesse : des livres lui sont consacrés, des articles en parlent dans la grande presse, des émissions de radio s'intéressent à elle, des dictionnaires d'un nouveau genre sont édités, les linguistes et les observateurs de la langue regardent, amusés.

Mais des voix s'élèvent : « Où va notre français ? », « Bravo, l'ortograf fonétic ! », « Bientôt, notre langue va disparaitre ! »

Alors quoi, ces alertes sont-elles fondées ? Allons-nous finir tous par employer les petits « smileys » comme :-) ou ;-(( qui émaillent les messages électroniques (les courriels) dans notre correspondance privée ? Sera-t-il bientôt ringard d'écrire « À bientôt » au lieu de A12C4, « Qui es-tu ? » à la place de TKI ? Pas de panique. L'écriture SMS est utilisée dans le cadre d'un type de communication bien défini.

Comme chaque message est limité à 160 signes, il est, disons « normal » que les expéditeurs aient cherché à réduire le nombre de signes. L'introduction du télégramme avait déjà engendré un type de comportement assez semblable (puisque le prix des télégrammes dépendait du nombre de mots). Il s'agirait donc d'un « niveau de langue ». Nous n'utilisons pas le même langage pour nous adresser à nos amis, au percepteur des impôts ou à notre grand-mère, donc au téléphone...

Quelques faits troublants viennent cependant d'apporter de l'eau au moulin des détracteurs de ce type de langage fait de mots amputés ou traduits phonétiquement.

Premièrement, l'utilisation que la publicité fait de ce langage. En le sortant de son cadre et en l'affichant ainsi sur les murs de nos villes, ne lui donne-t-elle pas une certaine légitimité aux yeux des jeunes ?

Deuxièmement, en renommant « Bozar » les activités culturelles du Palais des Beaux-Arts de Bruxelles, les responsables de cette vénérable institution ne jouent-ils pas un jeu dangereux, au-delà de la farce et de la dérision ? Le langage phonétique va-t-il s'imposer peu à peu ? Certes, il y avait déjà eu Queneau et sa Zazie qui n'hésitait pas à demander Doukipudonktan ? Mais nous nous trouvons là dans un autre registre et ces expressions, si elles ont amusé des générations de potaches, ne sont pas passées dans le langage courant.

Et enfin, troisièmement, signalons, pour être complet, qu'une étudiante française a osé franchir la barrière des niveaux de langue en remettant à son professeur de français une dissertation en langage SMS…

« Ko :-)) vs fé a sa place ? »

 

Henry LANDROIT


Ce texte est écrit en orthographe nouvelle.
Article paru dans « Français 2000 », revue de la Société belge des professeurs de français, n° 187-188- aout 2003.


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